Lettre n°20 ---- Juin 2023

26 juin 2023

Une 6ème limite planétaire est franchie : celle du cycle de l’eau douce

Depuis 2009, le collectif international de chercheurs du Potsdam Institute associés au ’Stockholm Resilience Center’ examine jusqu’où les pressions anthropiques peuvent s’exercer sans compromettre les conditions de vie de l’espèce humaine et de résilience des écosystèmes. Sur les 9 limites identifiées, les chercheurs en ont observé 5 en dépassement : climat, biodiversité, azote et phosphore, changement d’utilisation des sols, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.
Depuis cette année, le cycle de l’eau est la 6ème limite planétaire franchie.

°O°

Mots-clés associés :

Jusqu’à présent, la limite du cycle de l’eau douce était encore dans l’espace sûr. Au-delà des eaux bleues à disposition des activités humaines, le diagnostic sur les eaux vertes stockées et utilisées par la végétation (intégrant les eaux des sols) expliquent ce franchissement. Or, ce dépassement a reçu peu d’attention, alors que l’eau est un élément fondamental de la biosphère et un enjeu vital pour l’humanité, indispensable à la santé aussi bien qu’au développement économique.
Dans l’histoire de l’humanité, l’eau a joué un rôle majeur. Sa rareté a engendré des conflits aussi bien que des institutions. Le changement climatique donne malheureusement une actualité nouvelle à la question de l’eau, d’autant que les Objectifs du Développement Durable proclament que l’accès à l’eau, un droit humain, doit désormais assurer l’accès universel de tous à une eau potable non contaminée à un coût abordable. La mention du recours à une « eau saine » a fait passer le nombre de personnes estimée sans eau potable de 660 millions à 2,2 milliards. En France métropole, 330 000 personnes sans domicile et 100 000 personnes vivant en habitats de fortune dépendent de points d’approvisionnement en eau extérieurs à leurs lieux de vie. Des retards très importants de ce service subsistent dans les DOM-TOM. 
Le Maroc, particulièrement exposé au changement climatique, dispose d’une longue culture d’accès et d’usage de l’eau, comme en témoignent les politiques publiques et les savoir-faire traditionnels. Dans ce pays, la croissance des surfaces irriguées et le tourisme engendrent une demande excessive par rapport à une offre qui puise dans les eaux souterraines. Cette situation s’accompagne de la dégradation de la qualité des eaux en raison de la pollution générée par les intrants agricoles, des toxiques et la salinité, ainsi que par les déchets solides et liquides urbains. Au Maroc, comme dans tous les pays, l’accélération des changements climatiques pose l’arbitrage entre gestion de la demande et gestion de l’offre
En France, le plan d’action 2023 du Gouvernement affiche 3 priorités sans hiérarchie

  • Organiser la sobriété des usages
  • Optimiser la disponibilité de la ressource en eau
  • Préserver la qualité des eaux

La priorité à accorder à une politique de sobriété met l’accent sur la demande plutôt que sur l’offre. Il s’agit de réduire les besoins en eau potable par la lutte contre les fuites, les nouveaux appareils ménagers, la réduction du nombre de piscines individuelles, etc. En agriculture, pour éviter que le changement climatique augmente massivement la consommation d’eau d’irrigation, il faut changer le type d’agriculture et mieux répondre aux besoins des cultures traditionnelles.
La seule réponse technologique ne saurait suffire. Les barrages et aménagements hydrauliques, les transferts d’eaux, la réutilisation des eaux usées, la désalinisation de l’eau de mer font partie des solutions, mais ont tous des effets collatéraux négatifs. S’attaquer à la demande par une politique de sobriété s’impose inéluctablement. Au-delà des technologies, la sobriété devrait nous contraindre à voir comment mieux gérer nos usages, et pour les pays les plus développés à agir sur les modes de vie, voire certaines formes de décroissance. Reste à convaincre les gouvernements et les populations de la pertinence et de la nécessité de ces évolutions.
Pour l’eau, comme pour l’énergie, agir sur la demande plutôt que l’offre semble la voie la plus pertinente mais comment concilier réduction de l’empreinte environnementale et répartition équitable des efforts demandés ? Ces approches opposent pays riches et pays pauvres notamment au sein de la convention climat au nom « des responsabilités communes mais différenciées » comme des mesures de soutien légitimes réclamées par les pays menacés et jugées par ces derniers mal respectées.

°O°

A lire : les derniers articles mis en ligne

Jacques Richard, en collaboration avec d’ Alexandre Rambaud : Révolution comptable. Pour une entreprise écologique et sociale, 2020 . Note de lecture Armand Rioust de Largentaye.

  • La transition écologique nécessite une réforme radicale de la comptabilité des entreprises. L’ouvrage l’affirme en suggérant une révolution comptable. Puisque toute entreprise utilise du capital humain et du capital environnemental, outre son capital financier, les trois catégories de capitaux doivent être inclus dans le futur modèle comptable et y être traités équitablement.
    Voir cet article ...

Gérard Payen et Coalition Eau : Droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement en 2023 : des retards persistants

  • Le droit à l’accès à l’eau potable n’a été reconnu que récemment. Il n’est apparu qu’en 2006 dans la législation française avec cependant des limitations. Au niveau mondial, il a été reconnu comme un droit de l’homme qu’en 2010. Le droit à l’assainissement a été reconnu au même moment. L’Union Européenne l’a intégré dans sa législation fin 2020. Cet article en 2 parties fait le point des progrès et retards en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement au plan mondial et en France.
    Voir cet article ...

Jacques Ould Aoudia avec le concours d’un collectif : Recueillir, Retenir l’eau et Régénérer les sols - Problématique de l’eau au Maroc et Réponses à l’échelle locale.

  • Au Maroc, les causes climatiques se conjuguent avec l’action de l’homme pour rendre critique la situation hydrique : face à la rareté croissante de la ressource, les usages actuels sont considérés comme non-durables. La forte augmentation de la demande, tirée par un modèle agricole intensif tourné vers l’exportation et les enjeux de court terme, entraîne un déséquilibre par rapport à l’offre des eaux de surface. Il en résulte une forte pression sur les eaux souterraines qui n’arrivent pas, le plus souvent, à se renouveler. Face à ce déséquilibre, les politiques publiques peinent à prendre le virage nécessaire. Le modèle actuel de gestion de l’eau a atteint ses limites au niveau national.
    La réponse englobe nécessairement de multiples dimensions au niveau du territoire. Sur l’exemple du Massif du Siroua situé à cheval entre les régions du Souss-Massa et Draâ-Tafilalet, et au croisement de l’Atlas et de l’Anti-Atlas, elle porte sur de nouveaux modes de gouvernance des territoires articulant les communautés traditionnelles et les Communes, et permettant la réalisation de petits équipements hydro-agroécologiques. Parmi ceux-ci, sont présentés plus en détail les aménagements de bassins versants, qui mobilisent les villageois sur des techniques simples, peu coûteuses et facilement reproductibles.

    Voir cet article ...

°O°

Nous avons appris début août 2023, la disparition d’Ignacy Sachs, économiste, internationalement reconnu pour ses travaux sur l’Ecodéveloppement et le Développement durable.

Il a été auteur d’articles dans cette Encyclopédie.

°O°

Pour élargir le cercle des lecteurs de l’Encyclopédie du développement durable adressez nous les adresses de potentiels lecteurs :
Nous sommes aussi toujours intéressés à la proposition de contributions sous forme d’articles ou de remarques.
N’hésitez à faire connaitre vos réactions sur les articles de l’Encyclopédie à l’adresse : contact@encyclopedie-dd.org.
 Outils

Recommander cet article

Version imprimable de cet article Imprimer l'article
 Documents joints