Résumé
Le recours à l’outil numérique et à l’intelligence artificielle (IA) est à l’origine des principaux bouleversements affectant le Travail : recrutement par logiciels basés sur l’IA, développement des « plateformes », nouveaux services avec l’« l’ubérisation » des emplois, la robotisation, le télétravail et demain le métavers avec leurs conséquences sur la vie des personnes, des familles, des territoires et des entreprises elles-mêmes.
Pour l’heure, même si l’organisation du travail évolue dans le sens d’une plus grande autonomie des travailleurs recherchée par certains, elle a pour corollaire l’insécurité, les inégalités et les discriminations qui persistent. Le recours à l’emploi précaire se généralise, vie personnelle et vie professionnelle se chevauchent, les conditions de travail peinent à s’améliorer. Donner un sens au travail et travailler moins pour vivre mieux est une aspiration que partagent de plus en plus de jeunes mais pas seulement.
Ce constat conduit à s’interroger sous quelles conditions les mutations imposées au Travail peuvent œuvrer au développement durable, c’est-à-dire, rappelle l’auteure, rechercher simultanément l’épanouissement de chacun et la solidarité de tous, le respect de l’environnement et lutter contre le changement climatique.
Auteur·e
Diplômée de chimie analytique et d’économie rurale (EHSS) elle a travaillé au ministère de l’agriculture, puis au ministère de l’environnement sur les questions relatives à l’eau et à la gestion des rivières. Elle a coordonné l’élaboration du Cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux.
A 4D, elle a participé au projet « Archipel des régions » qui présente, par région, les avancées du développement durable et les grands défis qui se posent aux territoires. Elle est membre du secrétariat d’édition de l’Encyclopédie du développement durable
- L’outil numérique à l’origine des principales transformations du travail
- Vers plus d’autonomie et de responsabilité des travailleurs ?
- Les discriminations, marqueurs des inégalités dans la travail
- Quelle place au travail pour « une bonne vie »
- Transition énergétique, Transition écologique, Mutation des métiers
- Quel travail pour contribuer au développement durable ?
« Le travail éloigne de nous trois grands maux : « l’ennui, le vice, le besoin » !
Voltaire (Candide)
.
Cet article s’efforce de faire un point sur les transformations qu’on observe actuellement en matière de travail et d’évaluer ces transformations à l’aune du développement durable. Il a été rédigé grâce à une lecture attentive du journal « Le Monde » et des articles de journalistes et de chercheurs qu’il publie, ils ne sont pas sans doute tous cités, je les prie de ne pas m’en tenir trop rigueur.
Le Travail constitue l’un des principaux sujets d’anxiété des Français et sans nul doute des habitants du monde mais il participe grandement à l’épanouissement pour les uns, à la peine encore pour beaucoup d’autres. Le Travail est-il pour autant consubstantiel à la vie ? Est-il l’essence de l’homme ? Il est, diraient les économistes, moteur de la croissance, mais l’est-il du bien-être ? Le droit à la paresse [1] est revendiqué depuis longtemps et l’aspiration à la retraite est amplement partagée.
A l’heure des transitions numérique, énergétique et écologique, alors que le travail amorce une réelle mutation, que seraient une activité, un travail répondant aux conditions d’un développement durable ? C’est-à-dire qui répondrait simultanément aux finalités [2] suivantes :
- participer de l’épanouissement de tous les êtres humains ;
- à contribuer à la cohésion sociale, à la solidarité entre les générations et entre les territoires ;
- lutter contre le changement climatique et des pollutions de l’air, du sol, des eaux, contre l’érosion de la biodiversité, et plus globalement à la préservation des milieux et des ressources ;
- concourir à la responsabilité des modes de production et de consommation.
Finalités dans la lignée de la philosophie des Lumières pour laquelle il s’agit de permettre au plus grand nombre si ce n’est à tous, d’accéder au vrai savoir, à la liberté et au bonheur. Il convient dorénavant d’y associer le respect de la Nature et l’accès à un environnement sain (air, eau, sol). Citons Rousseau qui, dans le « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité », pense que l’homme s’est exclu de l’état de nature :
- « Mais, dès qu’il (l’homme) sort de la forêt, dès que ses désirs excèdent ses besoins d’animal omnivore et ses capacités physiques, l’homme découvre sa faiblesse et sa dépendance. Son activité animale se transforme en travail ; son industrie, plus qu’elle ne multiplie les « productions spontanées de la terre », tend à « forcer » celle-ci à ses « préférences » et à ses caprices. Il ne vit plus au jour le jour, il accumule, il échange. Une distance insurmontable le sépare alors de la nature. La forêt est à jamais perdue. Elle demeure, nature, à l’horizon hypothétique de l’origine ... » [3]
Parmi les 17 objectifs de développement durable deux traitent particulièrement du travail avec pour objectifs résumés en « Travail décent et croissance économique » (objectif 8) et « consommation et une production responsable » (objectif 12)
On est en droit de s’interroger si ces 2 objectifs répondent bien aux bouleversements actuels concernant le travail alors que s’accroissent le recours à internet et à l’intelligence artificielle, la demande en énergie et ses effets sur le changement climatique allant de pair avec des inégalités de toutes sortes.
Qu’attendre alors d’un emploi participant d’un développement durable ? « Favoriser l’accès de tous à l’emploi par le développement des compétences et de la formation, anticiper les besoins et s’appuyer sur les ressources endogènes et sur l’innovation » répondait le même document déjà cité , cela rend-il compte de la diversité des situations rencontrées ?
Le travail de quoi s’agit-il ?
Le mot « travail » a exprimé jusqu’à l’époque classique les idées de tourment, de peine et de fatigue ; c’est au début du XV° siècle que l’idée d’activité productive se fait jour [4] . Dans son article, Marie-Anne Dujarrier [5] signale que les historiens et anthropologues montrent qu’il n’existe pas de définition universelle du travail. « Depuis le XI° siècle, la langue française désigne avec ce mot l’activité, la peine que nous donnons pour faire quelque chose, il est aussi utilisé pour parler du résultat de l’activité. ... Puis il a été associé à l’idée de gagne-pain et finalement à l’emploi depuis l’époque contemporaine. ». Beaucoup d’acceptions donc au mot travail .
Une floraison d’expressions écrit-t- elle comme « travail domestique, travail du malade, travail bénévole » ou encore travail d’artiste accompagnent cette notion de travail à cela s’ajoute le travail des consommateurs qui déploient une activité bénévole productive (recours aux automates, aux réponses en ligne) ou encore participent à la captation d’informations personnelles via internet et les réseaux sociaux.
L’emploi quant à lui se décline en emploi, associé à une durée et à une rémunération ou non, emploi informel ou précaire sans oublier les sans-emplois, travailleurs potentiels ou encore les retraités rémunérés par le travail. Dans le monde, six travailleurs sur dix sont employés dans l’économie informelle [6] .
A l’emploi il convient d’associer le métier ou encore la profession. Peu de différence entre ces deux termes, un métier désignait une activité plutôt manuelle alors qu’à la profession étaient associées des activités plutôt intellectuelles. La différence s’atténue aujourd’hui alors que « au mot métier est associé plutôt maintenant le terme de compétence » explique Dominique Gillier [7] . Ce qui, selon Didier Gelot et Djamal Teskouk, rend, à travers sa formation, l’individu responsable de son employabilité.
Depuis les corporations du moyen âge et jusqu’au 18ie siècle le travail manuel incluait une totale maîtrise du processus de production, cela a perduré jusqu’à nos jours dans l’artisanat. En revanche dans la grande industrie, l’emploi généralisé de machines au 19ie siècle puis, au 20ie siècle, les principes de l’organisation taylorienne du travail pour la production de masse, le travail manuel a perdu toute autonomie et s’est trouvé asservi aux conditions dictées par la machine et à l’organisation du travail dictée par les ingénieurs en charge de « l’organisation scientifique du travail ». C’est ainsi que le travail manuel et le travail intellectuel se sont nettement dissociés.
« Un sentiment d’identité est associé au métier qui découle du sentiment d’appartenance à une profession socialement indispensable, d’une longue socialisation et de l’usage d’un vocabulaire particulier, le tout constituant un espace social identifiable [8] ». Mais, constate Marielle Dumontier, « la perte d’identité dans les métiers dont les noms n’évoquent plus rien » [9] participe aujourd’hui à la dégradation des conditions de travail et à la santé des travailleurs.
Le néotravail, voire le microtravail en passe de s’imposer avec le développement vertigineux de la dématérialisation s’accompagne, au final, de la disparition de la notion d’emploi au profit de la notion de compétence mais aussi d’une « tâcheronnisation » ainsi que d’une indistinction croissante entre temps de travail et temps libre, prédit Fanny Lederlin [10].
Qui travaille ou … pas ?
En 2020, en France hors Mayotte, 46,4 % des personnes en emploi sont cadres ou professions intellectuelles supérieures (20,4 %) ou occupent une profession intermédiaire (26,0 %) ; 45,0 % sont employés (25,8 %) ou ouvriers (19,2 %), dont deux sur cinq non qualifiés ; 6,8 % sont artisans, commerçants ou chefs d’entreprise et 1,4 % sont agriculteurs exploitants. Les femmes occupent plus que les hommes des emplois moins qualifiés : en 2020, 23,5 % d’entre elles ont des postes d’employés ou d’ouvriers non qualifiés, contre 14,3 % des hommes. À l’inverse, les hommes sont plus souvent cadres (22,7 % contre 17,9 % pour les femmes), artisans, commerçants ou chefs d’entreprise (9,2 % contre 4,2 %) ou agriculteurs (2,0 % contre 0,7 %). Les jeunes de 15 à 24 ans en emploi sont majoritairement employés (36,4 %) ou ouvriers (29,7 %), notamment non qualifiés ; seuls 7,2 % sont cadres. En près de quarante ans, la part des emplois les plus qualifiés a fortement augmenté : celle des cadres s’est accrue de 12,6 points et celle des professions intermédiaires de 6,5 points [11] . 16,7 millions de français étaient à la retraite en 2021 et le taux d’emploi pour les 60-64 ans était de 32,7 % alors qu’il est de 70% en Suède et de 52,% en moyenne pour les pays de l’OCDE.
La plupart des salariés travaillent encore, en France, avec des contrats à durée indéterminé (50%) mais de plus en plus d’embauches se font en contrats précaires, à durée déterminée et en contrats de plus en plus courts, cinq mois en moyenne. Contrats à durée déterminée et intérimaires représentent 12 % de l’emploi salarié. Cette grande diversité de situation d’emploi coexiste au sein même d’une entreprise : sous-traitants, intérimaires, « indépendants », auto entrepreneurs, free-lance, intermittents, saisonniers, apprentis, alternants ou stagiaires sans oublier les travailleurs « au black ». En 2019, on comptait 3,1 millions de travailleurs indépendants, non-salariés, et parmi eux 48 % des micro-entrepreneurs, proportion en croissance régulière parmi lesquels les travailleurs des plateformes. Selon Eurostat, dans l’UE, les emplois temporaires représentent en moyenne 13,5 %, en France ce taux est de 15,3 %.
« La multiplication de statuts d’emploi dont on ne peut pas vivre, au moment où la rémunération du capital s’accroît et où la part de la redistribution sociale fait débat, dissocie les revenus de l’effort et de l’utilité sociale. Simultanément, l’activité productive et profitable des animaux, plantes et cellules, ou encore le fonctionnement des robots, sont employés hors des institutions dites du « travail », et de nouveaux modèles productifs utilisant la biologie et le numérique nous poussent à nous interroger sur le statut de pratiques productives profitables, hors salariat. La catégorie s’en trouve donc troublée, nous laissant régulièrement indécis au moment de savoir ce qui est du travail ou pas, et qui travaille ou pas. Or ce mot est une sentinelle. Elle annonce, par ce trouble, que l’institution du travail (droit, politiques publiques, statistiques, PIB…) est de fait remise en question par ces transformations sociales. » Marie-Anne Dujarier [12] .
Précarité et chômage sont indissociables
Avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté, notamment pour ceux qui travaillent à temps partiel ou alternent des périodes de travail précaire et de chômage. En France, un peu plus d’un million de travailleurs vivent avec moins de 885 euros par mois pour une personne seule. Ce sont principalement des mineurs, des apprentis, des intermittents, des sans papiers … une majorité de jeunes, de femmes et de plus en plus de retraités.
Le taux de chômage s’établit, en France en 2021, autour de 8 %. Le chômage des jeunes y est particulièrement important, 23 %, soit un taux double voire triple de beaucoup de nos voisins européens, alimentant petits boulots et précarité.
Pour nombre de salariés - 3,3 millions de personnes ont un statut précaire en France - la précarité réside dans une succession d’emplois instables entrecoupés de périodes de chômage. L’Observatoire des inégalités estime le nombre de personnes en situation de ce qu’il appelle le « mal-emploi » à 7,6 millions de personnes au total. Ce chiffre comprend les chômeurs, mais aussi les salariés précaires et les personnes qui souhaitent travailler mais qui ne sont pas comptées comme chômeuses par l’Insee. 8,9 % des femmes actives sont en situation de sous-emploi (par exemple à mi-temps alors qu’elles souhaitent un temps-plein) contre 3,5 % des hommes entre 2014 et 2017. Le collectif d’associations à l’origine de « Paroles de chômeurs » [13] constate « Le chômage doit être pris comme une possible transition permettant de préparer l’avenir, il faut changer le regard sur les sans emplois ».
Problème social et économique, le chômage est aussi un problème majeur de santé publique. 10 000 à 14 000 décès seraient chaque année directement imputables au chômage constate Pierre Meneton, chercheur à l’Inserm au terme d’une étude qui a suivi 6 000 volontaires en âge de travailler pendant douze ans.
Risques, pénibilité, le travail est facteur d’insécurité
En France, comme dans nombre de pays, la protection sociale s’est organisée pour réduire les risques au travail. Il appartient à l’employeur d’assurer la santé physique et mentale de ses salariés imposent le Code du travail et le Code pénal. On sait néanmoins que la « compétitivité internationale » sur laquelle est fondée le développement de beaucoup de pays émergents repose sur un abaissement drastique de normes sociales et environnementales. Cela concerne le respect du droit des enfants, mais aussi très souvent des conditions de travail exposant à de nombreux risques d’accidents ou dangers sanitaires. L’OIT se révèle bien désarmée face à ces menaces. Dans ces pays et même dans les pays riches (cf conflits récents chez Amazon), de nombreuses entreprises continuent à faire obstacle au développement des organisations syndicales de défense des travailleurs.
La pénibilité du travail englobe plusieurs risques professionnels : l’exposition du travailleur à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail. La pénibilité, en France, ouvre le droit à un compte professionnel de prévention [14] lui permettant suivre une formation, de réduire le temps de travail ou de prendre une retraite anticipée. Six facteurs de risques sont reconnus : les températures extrêmes, le milieu hyperbare, le travail de nuit, l’exposition au bruit, le travail répétitif ou encore en équipe successives en alternance. Les vibrations mécaniques, les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges, et l’exposition aux agents chimiques dangereux font l’objet d’un traitement particulier, les trois premiers représentent 87% des maladies professionnelles dont 45% entraînent une incapacité permanente. Il existe près d’1,8 million de bénéficiaires potentiels d’un compte professionnel de prévention
Un salarié sur dix est exposé à un bruit supérieur à 80 dB, 10 heures ou plus par semaine, en hausse ces 20 dernières années ; en 2017, encore 11 % des salariés étaient exposés à au moins un produit chimique cancérogène ; la construction, quant à elle, est particulièrement concernée par le port de charges lourdes, les postures pénibles, le bruit et, dans une moindre mesure, les produits chimiques dangereux. Les ouvriers (71 %) et les employés (23 %) concentrent la quasi-totalité des maladies professionnelles reconnues en 2016 pour les salariés hors régime agricole. Les maladies les plus graves concernent pour la plupart des hommes et quasi exclusivement les ouvriers, avec respectivement 92 % et 95 % des affections liées à l’amiante et des surdités reconnues en 2016. De la même façon, les accidents du travail affectent le plus fréquemment les ouvriers, les hommes et les salariés de plus de 60 ans.
En 2017, ce sont les employés de commerce et de services (46 %), notamment les « aides-soignants » et « aides à domicile, les aides ménagères, les travailleuses familiales » ou encore les salariés dans l’agriculture (un salarié sur deux) qui sont les plus exposés aux agents biologiques à l’origine de diverses pathologies. Ils sont aussi plus nombreux à déclarer souffrir d’un déficit de bien-être psychologique [15] contre 22 % des professions intermédiaires et des cadres et 18 % des ouvriers. Près d’un million de salariés sont exposés 20 heures ou plus par semaine à des contraintes articulaires [16].
« On sait que le travail s’éprouve non seulement par le geste mais aussi par les sens, et que les sens éduquent le geste. C’est principalement sous l’angle de la pénibilité du travail que les sensations corporelles ont généralement été prises en compte. Dans les univers de travail, les sons sont des bruits, les odeurs sont agressives et sont autant de nuisances ou de pollutions qui atteignent l’ouvrier physiquement et mentalement » [17] .
Tous ces risques professionnels, auxquels s’ajoutent les risques psychosociaux [18] , participent de l’insécurité au travail. Le stress, le harcèlement moral ou sexuel, la violence au travail ou encore le syndrome d’épuisement professionnel (burn out) toutes ces situations sont identifiées comme des situations de souffrance au travail par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion.
L’insécurité c’est aussi l’incertitude du lendemain : un indépendant sur trois craint de perdre son emploi dans les douze mois à venir, contre un salarié sur quatre. Le travail ne donne plus à l’individu un statut assuré témoignait Castel, en 2009, qui employait les expressions de « vulnérabilité sociale » ou d’« insécurité sociale » qu’il attribuait au détricotage du salariat et à l’effritement du système de protection sociale. Ce qui était vrai alors l’est encore plus de nos jours avec le nombre croissant de travailleurs indépendants souvent malgré eux. « Il faut construire un nouveau droit social protégeant le travailleur, et pas seulement le salariat, le dialogue social et la négociation collective devraient définir les normes protectrices adaptées à ces activités. » défendent Jacques Barthélémy et Arnaud Pautet [19] .
Jean-Emmanuel Ray [20] propose alors que « plutôt que de multiplier les régimes spécifiques, l’idée serait de garantir à tout travailleur un socle de droits fondamentaux (santé, sécurité, congé maternité …) indépendant de son statut : un « statut unique de l’actif » facilitant les transitions professionnelles », proposition qui rejoint celle du revenu universel défendu par Benoît Hamon en 2017.
De nombreuses formes de travail reposent toujours sur un appel à un travail manuel répétitif et peu valorisant.
Le recours à l’outil numérique et à l’intelligence artificielle (IA) [21], est à l’origine des principaux bouleversements affectant le Travail : recrutement par logiciels basés sur l’IA, développement des « plateformes », nouveaux services avec l’« l’ubérisation » des emplois, la robotisation, le télétravail et demain le métavers, avec leurs conséquences sur la vie des personnes, des familles, des territoires et des entreprises elles-mêmes. 32 % des emplois risquent d’être modifiés radicalement d’après une étude de l’OCDE de 2019.
D’après, « France stratégie » le marché du travail va se concentrer d’une part sur des emplois très qualifiés, de l’autre sur des métiers de service peu qualifiés accroissant les inégalités : les emplois dans les services étant plus précaires et moins rémunérés.
Avec les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, la robotisation se généralise. Une étude d’Oxford Economics estime que, d’ici 2030, 20 millions d’emplois industriels notamment les transports, la construction et les tâches administratives, pourraient disparaitre à l’échelle mondiale dont 2 millions en Europe du fait de la robotisation.
« La transition numérique nécessite une adaptation des métiers et des compétences » convient le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion qui a entrepris un scénario prospectif sur la situation de l’emploi et des compétences des services hautement qualifiés à horizon 2025 dans le cadre d’un EDEC (Engagement de Développement de l’Emploi et des Compétences) numérique signé en janvier 2022.
Les auteurs sélectionnés du prix de livre RH 2020 auprès desquels ont été puisées plusieurs citations ne sont pas plus optimistes sur les évolutions constatées, ils racontent les « nouveaux monstres », la déshumanisation du monde du travail produit par la révolution technologique. Avec les outils numériques et la « datification » le travail est de plus en plus codifié et standardisé, constatent-ils, les obligations permanentes de reporting chiffré alimentent une « gouvernance par les nombres ».
L’outil technologique n’est pas neutre, en effet, il a des conséquences sur l’organisation même du travail, mais aussi sur la vie des personnes et le sens de leur travail : « Le caractère intrusif de la technologie porte la sollicitation du travail dans l’intime en déjouant réflexion et distanciation. » « L’outil informatique joue alors un rôle ambivalent pour le travailleur, il est l’instrument du travail et celui du divertissement » [22] participant à l’indifférenciation entre travail et vie privée.
Les plateformes et l’ubérisation des services
Aujourd’hui, 28 millions d’Européens travaillent dans ce secteur – en 2025, ils devraient être 43 millions – avec, en général, le statut d’indépendant. Dans cette situation, les risques sont supportés par les travailleurs des plateformes alors que la sécurité des revenus est pour ceux qui les emploient sans qu’ils aient à en assumer la responsabilité, l’employeur ne cotisant ni pour la santé, ni pour la formation, ni pour le chômage, ni ne participe à la propriété des moyens de production. Alain Supiot [23] fait même allusion au servage. Avec l’expansion des plateformes numériques, les experts prédisent la raréfaction de l’emploi, l’avènement d’un monde d’indépendants et même la fin du travail [24].
« Le travail des plateformes accroît une tendance généralisée à la précarisation de l’emploi. Elle nous ramène à la période des tâcherons qu’on paye à la pièce. » [25]
Pourtant, ce travail à la demande des plateformes répond à une forte demande de travail flexible des travailleurs potentiels comme à celle de leurs employeurs. Il constitue un complément de ressources et répond à un besoin d’autonomie et d’ajustement à un mode de vie des uns, à une adaptation à des conjonctures fluctuantes des autres. Sans compter l’intérêt pour les personnes comme pour les pouvoirs publics, de contenir les effets du chômage ou encore de la déqualification.
De plus en plus de pays réagissent devant la situation de ces travailleurs aux conditions d’emploi dégradées. Au niveau local comme international des alternatives aux plateformes émergent notamment sous forme de coopératives. Pour l’instant, c’est le juge qui, au vu des conditions réelles d’accomplissement et de rémunération d’un travail déterminé décide s’il est ou non salarié. Or, dans l’immense majorité des cas et partout dans le monde – aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne, en France, en Suisse, les juges ont reconnu dans les conditions concrètes du travail ubérisé qu’ils ont tous les traits du salariat [26] . La plate-forme Deliveroo a été condamnée en avril 2022 par le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé et en mai 2022 les travailleurs des plates-formes de mobilité sont appelés à élire leurs représentants.
La Commission européenne a présenté, en décembre 2021, un projet de directive qui divise pour l’heure les pays européens, pour améliorer les conditions de travail de ce secteur en définissant des critères de reconnaissance d’un travail salarié ou non. En réponse, les plateformes ont fait savoir qu’elles se sépareraient de beaucoup des travailleurs concernés, le chiffre d’environ 50 % est avancé – le chantage à l’emploi n’est pas mort ! Ce projet de directive demande aussi que ces plateformes organisent les informations et les relations entre ces travailleurs isolés.
Le bouleversement du télétravail
Parmi la révolution numérique en cours, c’est sans doute le télétravail [27] qui affecte déjà et affectera sans doute à terme le plus les travailleurs et la société en général. Il met en évidence l’inégalité fondamentale entre « cols bleus » et « cols blancs », monde artisanal et industriel et travail tertiaire même si ces deux mondes bénéficient ou pâtissent du recours généralisé au numérique.
La crise sanitaire avec le confinement a été le révélateur et surtout l’accélérateur de la concrétisation de ce travail à distance. Jusqu’à 40 % de la main-d’œuvre de l’UE s’est engagée dans une forme de télétravail régulier pendant le premier confinement2 au deuxième trimestre 2020. L’étude 2021 « Télétravail : les risques et les opportunités de la délocalisation virtuelle » publiée par la Coface (relayée par Le Monde du 19/11/21) chiffre à 160 millions le nombre approximatif d’emplois télétravaillables dans les économies à hauts revenus et à 330 millions les télétravailleurs potentiels dans les économies à faibles ou moyens revenus.
On trouve dans le rapport de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) : « Installer le télétravail dans la durée ? Analyse d’accords télétravail et recommandations pour l’action » [28] un état des lieux des situations de télétravail existant en France. Deux approches : une approche « par les situations individuelles » d’un côté ou « par une approche collective » de l’autre ; une orientation du télétravail plutôt « sociale » d’un côté ou plutôt « organisationnelle et productive » de l’autre. En 2020, les tendances organisationnelles et collectives restaient encore peu développées, l’approche individuelle prévalant, le télétravail était alors appréhendé plutôt comme la transposition des activités de bureau au domicile plutôt que comme une forme d’organisation du travail à part entière.
L’analyse des accords passés en 2020, montre que les entreprises les plus avancées dans le développement du télétravail sont celles qui donnent plus d’autonomie au travail collectif en introduisant les « accords d’équipe » mais le management d’équipe hybride, composée de collaborateurs à la fois en présence et à distance, est rarement mentionné. Depuis le retour à une certaine normalité, les accords de télétravail sont renégociés. Le plus souvent une organisation hybride est mise en place : 2 ou 3 jours de télétravail par semaine.
Ce travail à distance intéresse bien des travailleurs, 86 % des personnes ayant pratiqué le télétravail souhaitent le poursuivre [29] . Ils apprécient l’économie du temps passé dans les transports [30] notamment - on estime à 1 h 15 le temps économisé - moins de fatigue [31] et plus de flexibilité dans l’organisation de leur temps. Le travail à distance soulève aussi bien des problèmes de promiscuité, de sédentarité, de logement, d’équipements, de management, avec leurs effets sur la santé. Néanmoins, les managers ont été favorablement surpris par la productivité de leur personnel à distance. Selon une étude menée par Adecco, entreprise d’intérim, 82 % des salariés affirment que le télétravail a augmenté leur productivité ; 14 % travaillant plus longtemps et 63 % déclarant travailler plus de 40 heures.
Mais, d’après une étude néerlandaise, pendant la pandémie, les femmes ont passé les trois quarts de leur temps à s’occuper simultanément des enfants soit 30% de plus que leurs conjoints et sont deux fois plus interrompues que les pères pendant le télétravail [32] .
Pour les travailleurs des plateformes comme pour ceux qui travaillent à distance, des risques psychosociaux spécifiques apparaissent liés à l’isolement et à la difficulté à dissocier les espaces physiques et temporels entre la vie professionnelle et la vie personnelle. En 2021, 18 % des arrêts de télétravailleurs sont dus aux risques psychosociaux contre 13% pour les autres et le lien entre télétravail et absentéisme est clairement établi.
Le Travail est, en effet, un des principaux réseaux relationnels. C’est un lieu de rencontre, de confrontation et de négociation et la distanciation imposée par le télétravail ne le permet plus, ou moins. La limitation des contacts quotidiens avec des personnes qui ne pensent pas comme soi rigidifie les approches, elle est source de radicalisation, de moins de sens critique face au déferlement des informations venant des réseaux sociaux participant de la crédulité ambiante [33].
Les conditions « techniques » : le découpage imposé des tâches et des échanges qui s’ensuivent par la technique même, la verticalité de l’organisation du travail - ce qui ne facilite pas la résolution d’éventuels conflits - et une certaine suspicion avec son cortège de contrôles dont témoigne l’essor des logiciels capables de mesurer l’activité des salariés en temps réel, ont des effets non encore mesurés, ni maîtrisés dans la généralisation en cours du télétravail.
Le télétravail a des conséquences non négligeables sur les territoires. Il se traduit par un départ des travailleurs des grandes villes. Fin mai 2020, 54 % des franciliens souhaitaient quitter la région, 11 % se seraient décidés selon l’INSEE non sans conséquences sur le prix de l’immobilier et sur les réactions des habitants dans les territoires d’accueil. En cas de généralisation du télétravail, les effets sur l’urbanisme, les infrastructures de transport, l’énergie, la conception des logements ou des bureaux, les rythmes de vie sont prévisibles et devraient amener à reconsidérer le fonctionnement urbain. Est-il en mesure de vivifier les territoires ruraux ? Pour l’instant, il semble que ces « déménagements » se font surtout en direction des banlieues ou de villes moyennes.
Ce travail à distance est aussi de nature à intéresser les employeurs qui feraient alors appel à des travailleurs de pays à moindre coût salarial, participant d’un nouveau type d’externalisation de la main d’œuvre s’adressant plutôt à du personnel plus qualifié. Ceci pourrait menacer en France une centaine de milliers d’emplois dans les 3 prochaines années.
L’OIT contre la marchandisation du travail humain
Pourtant, Alain Supiot dans son article pense que « notre système économique repose sur l’idée que l’être humain serait la première des marchandises » [34] en contradiction avec « Le travail n’est pas une marchandise » (déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944) [35] ; principe fondamental sur lequel repose l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cette structure tripartie réunit les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs et s’organise selon trois principes : protection, redistribution et négociation collective. Cet idéal de justice sociale est malheureusement battu en brèche avec la mondialisation et la compétition sur les coûts salariaux et les protections sociales existant entre les pays. « C’est une mondialisation déséquilibrée qui a poussé les intérêts des institutions financières et des entreprises mais pas ceux du travail et de l’environnement », constate Dani Rodick [36]. A cet égard, les relations entre l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) considérée comme un des symboles de la mondialisation et de la marchandisation de l’activité humaine et l’OITT sont bien souvent antagonistes.
L’organisation des travailleurs se transforme
L’organisation des travailleurs est en passe de se modifier, les syndicats organisés verticalement et par filière ne représentent plus totalement les besoins d’organisation de métiers notamment ceux des indépendants exercés de façon disséminée au sein des entreprises ou dans certains secteurs : services à domicile, sous-traitance, interim, ubérisation, etc., métiers souvent en mal de considération malgré leur importance reconnue. Des entreprises de type coopératif voient le jour qui propose un mode de salariat aux « indépendants » les libérant des contraintes administratives en prenant en charge la gestion administrative et la protection sociale. Les réseaux sociaux proposent alors des organisations de nature plus corporatistes. De plus en plus de jeunes employés s’adressent à eux [37] pour avoir des conseils sur le monde du travail et des groupes se mettent en place autour de problématiques communes. Les syndicats développent d’ailleurs leur présence officielle sur ces réseaux.
Quelle représentation des travailleurs, désormais, dans les organismes de co-administration comme l’UNEDIC dernièrement « étatisés » qui pilotaient, en France, le système d’indemnisation des demandeurs d’emplois, ou qui géraient les régimes complémentaires de retraite ? Ou alors encore, dans les entreprises, quelle représentation des travailleurs au sein, par exemple des comités social et économique récemment constitués ? Une première réponse est apportée par la CFDT qui l’a conduit à déplorer une plus grande centralisation du dialogue social et une disparition massive des représentants de proximité tandis qu’un collectif de professionnels des ressources humaines, d’un autre côté, se réjouissait, lui, de l’importance de la négociation collective au sein des entreprises [38] .
Bien que la loi du 8 août 2016 ait confirmé le droit pour les travailleurs indépendants de se syndiquer, force est de constater les difficultés pour les syndicats d’organiser ces travailleurs dispersés. Et, constate Jean Emmanuel Ray [39]. « Il existe un fossé abyssal entre des jeunes hyperactifs et la culture de service public de décideurs syndicaux pas forcément très allants pour améliorer un statut pouvant déstabiliser le salariat. »
Concernant les travailleurs des plateformes de mobilité (VTC, livraison à 2 roues), - et eux seuls- une ordonnance publiée au Journal officiel du 22 avril 2021, pose les premières bases d’une représentation et d’un dialogue social entre les plateformes et les organisations de travailleurs indépendants qui concernent près de 100 000 travailleurs. Cette même ordonnance crée l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), nouvel établissement public chargé de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants.
Des modes de management qui évoluent
C’est au tournant du XX° siècle que le management devient une profession ; il a pour charge l’organisation des flux de produits, de capitaux et d’hommes. Cela passe par la conception de l’espace, la division et la coordination du travail collectif, la gestion des coûts et les procédures de contrôle. Un travail sur le travail d’autrui [40].
Dans l’entreprise, le mode de management est appelé à changer. C’est d’après l’OCDE, le travail du manageur qui se voit le plus transformé par l’intelligence artificielle (IA). Des mutations s’opèrent qui favorisent l’avènement d’un travailleur autonome et responsable [41] . « La gestion à la papa ne fait plus recette » titre un des articles du Monde campus [42] : les étudiants et jeunes professionnels disent vouloir travailler dans une entreprise de type innovatrice où les salariés sont organisés en équipe pluridisciplinaire et agile fonctionnant en mode projet. Un nouveau lexique rend compte d’un tel mode de management plus responsabilisant : holacratie : « structure en cercles interdépendants et auto-organisés à la manière d’un écosystème », entreprise libérée « qui vise à libérer les employés de la hiérarchie et du contrôle, management horizontal, intelligence collaborative, méthodes agiles. On dénombre en France une centaine d’entreprises « libérées » surtout dans les PME.
Beaucoup de travailleurs sont séduits par la flexibilité, l’autonomie voire l’indépendance que procurent ces nouvelles relations au travail. Ce sont en général les personnels les plus qualifiés (10 % des contrats courts). Seulement 6 % des indépendants (contre 22% des salariés) affirment manquer d’autonomie. Le confort qu’apportent à ces néo-travailleurs la gestion personnelle de leur temps ou encore la diminution de leur temps de transport compense-t-il le sentiment d’accomplissement collectif, de reconnaissance mutuelle et d’intégration sociale qu’apporte le travail « en commun » [43]. A cette question, Alain Ehrenberg [44] répond en reconnaissant comme une « société fatiguée » l’individualisation en cours et l’évolution qui conduit à distendre et à distancier les liens sociaux au sein des relations au travail comme hors travail, au détriment du commun ou du collectif. On demande, écrit-il, aux gens d’être responsables, autonomes, d’avoir de l’initiative, de développer des compétences, de « savoir être » autant de source d’anxiété et à l’origine de souffrances psychologiques. L’individualisme, en rendant l’homme autonome le rend également vulnérable, précaire. « En cas de dérive par rapport aux objectifs ….. chacun est rendu responsable de ses succès comme de ses échecs » [45] .
Pour pallier ce manque de sociabilité, certaines entreprises utilisent le numérique (« gamification » ou ludification) [46] pour organiser les relations entre les salariés comme celles existant entre les joueurs d’un jeu vidéo (ce qui a bien souvent pour conséquence un accroissement de l’interpénétration de la vie professionnelle et de la vie privée).
De fait, pour une grande majorité de travailleurs indépendants, l’autonomie et la flexibilité est plus souvent subie que désirée. Les travailleurs indépendants ont plus de mal à concilier vies personnelle et professionnelle, et mettent en avant la forte emprise du travail sur leur vie (34 % des hommes et 24 % des femmes), contre seulement 4 % des salariés, avec des durées de travail plus longues (46 h contre 36 h pour les salariés) [47] .
Les start-ups au cœur de nouveaux modes de management
Signifiant littéralement : entreprise qui démarre, une start-up désigne une jeune entreprise innovante, qui fait généralement preuve d’un important potentiel de croissance. Ces dernières années, les start-up ont pris une place prépondérante dans l’actualité économique. Plusieurs catégories : les entreprises en phase de démarrage donc jeunes, les entreprises à forte croissance de chiffre d’affaires ou de capital (parmi elles, les gazelles sont valorisées à plus d’un milliard de dollars), les entreprises innovantes, ou celles répondant aux quatre notions à la fois. [48] - [49]
Au démarrage, les fondateurs de start-ups ont généralement massivement recours aux statuts d’emploi précaire, stagiaire ou auto-entrepreneur. Pour ceux là, l’expérience en start-up constitue bien souvent un « tremplin à l’emploi », pour les start ups, ils représentent une main d’œuvre docile et peu coûteuse. La croissance des start-ups qui « réussissent » s’accompagne d’une grosse charge de travail et, progressivement, d’une hiérarchisation, d’une formalisation des procédures et des relations qui deviennent dès lors facteurs d’insatisfactions et de tensions [50].
Ceux qui décident de travailler dans les start-ups sont prêts à sacrifier des conditions d’emploi plus stables et rémunératrices pour des conditions de travail plus épanouissantes, des modes de management moins contraignants favorisant l’autonomie et la montée en compétences de chacun.
La France compte en 2018 près de 13 000 start-up et 1 600 gazelles. Les jeunes entreprises emploient 1,5 million de salariés en équivalent temps plein. Les gazelles emploient 75 000 salariés, les entreprises ayant levé des fonds 39 000 salariés et les entreprises innovantes 114 000 salariés. Les ouvriers représentent près d’un emploi sur trois dans « les jeunes entreprises », contre un sur quatre chez les gazelles et les entreprises ayant levé des fonds, et seulement un sur dix dans les entreprises innovantes. Généralement, elles offrent de meilleures conditions d’emploi et de rémunération et s’accompagnent d’efforts recherchés en matière de confort et de relationnel.
Même si la réduction des inégalités est une constante, depuis la fin du XVIII° siècle, nous rappelle Thomas Piketty, elle reste un combat qui n’admet pas de relâche. « Cette marche vers l’égalité est la conséquence des luttes et des révoltes face à l’injustice » [51]. Au régime des inégalités de classe se substitue le régime des inégalités multiples » somme d’expériences singulières et individualisées [52].
Les inégalités dans le travail sont une évidence. Elles se traduisent dans la nature du travail, les qualifications requises, les conditions de travail, les temps de travail, les normes et réglementations, au sein de chaque pays et elle est majeure entre les pays et encouragée par la compétition financière à laquelle se livre le capitalisme mondial. En rémunérant exagérément le capital par rapport au travail, on creuse les inégalités entre les ménages mais aussi entre les pays développés et les autres [53] . Près de 800 millions d’hommes et de femmes travaillent mais ne gagnent pas suffisamment pour se situer au-dessus du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour. .L’inégalité au travail se traduit par des discriminations en tout genre qui affectent notamment les femmes mais aussi les « minorités », les enfants ou encore les personnes souffrant d’un handicap.
Les femmes travaillent plus que les hommes et sont moins rémunérées
Le rapport sur les inégalités mondiales 2021 montre que, au niveau mondial, les femmes touchaient, en 2020, à peine 35 % des revenus du travail (contre plus de 65 % pour les hommes). Des progrès se font jour mais ils sont très lents (31% en 1990, 33 % en 2000). En Europe ce pourcentage est de 38 % bien loin encore de la parité. Les inégalités envers les femmes portent aussi bien sur la vie au travail et les conditions de travail que sur la rémunération. Elles déclarent systématiquement plus souvent que les hommes manquer d’autonomie dans leur travail, elles sont 47 % à déclarer avoir un travail répétitif (contre 39 % des hommes) et 30 % à ne pas pouvoir développer leurs compétences sur leur poste (contre un quart des hommes) [54] .
De façon générale, les femmes n’accèdent pas aux mêmes emplois et horaires de travail que les hommes. Elles consacrent plus de temps de travail non-rémunéré : soins, activités domestiques et bénévolats associatifs que les hommes. Par rapport au total des heures de travail payées ou non-payées, le nombre d’heures non-rémunérées est estimé à 16,4 milliards d’heures par jour, les femmes y contribuant pour 76,2%. Elles ont aussi des horaires de travail plus importants que les hommes [55]. Une enquête de l’Ifop confirme la persistance de sanctions sociales envers les femmes à l’embauche, à la fois en tant que femme mais aussi en tant que potentielle mère. Des discriminations s’exerçant davantage envers les mères qu’envers les femmes en général [56] .Discrimination aussi qui affectent les femmes séniors, l’écart de salaire, par exemple, va croissant entre hommes et femmes entre le début (4%) et la fin de carrière (12%), lesquelles à 62 ans et 6 mois en moyenne partent aussi à la retraite après les hommes (61 ans).
Aux Etats-Unis le plan d’infrastructures de 1000 milliards de dollars allouera 3 dollars pour un emploi masculin pour chaque dollar alloué à un emploi féminin !
Le lieu de travail est un espace de vie qui n’échappe pas aux inégalités de genre et aux violences sexistes et sexuelles. Ainsi, l’enquête 2014 sur le harcèlement sexuel au travail, publiée par le Défenseur des droits révélait que 20% des femmes actives disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, soit plusieurs millions de femmes en France.
Un grand nombre d’enfants contraints au travail dans le monde
En France, le travail est autorisé à partir de 16 ans, parfois même à compter de 14 ans (travaux légers), pendant les vacances scolaires (moins de 35 heures par semaine et moins de 7 heures par jour). Mais, dans le monde, 168 millions d’enfants travaillent - un enfant sur dix- contraints pour des raisons économiques. Une victime sur quatre du travail forcé (l’esclavage moderne) est un enfant et 71 % sont des femmes ou des filles [57] . L’Inde est le pays où ce phénomène est le plus étendu. Près de 13 millions d’enfants travaillent encore en Inde, qui vient pourtant d’interdire le travail des moins de 14 ans, mais pour certains métiers seulement. Divers rapports d’ONG dénonçaient l’emploi d’enfants de moins de 16 ans dans certains autres pays comme la Chine, la Corée du Sud ou le Viet Nam.
Eradiquer le travail des enfants d’ici 2030 est un des Objectifs de Développement Durable (ODD) qui vise à libérer le monde du travail forcé, de l’esclavage moderne, de la traite des personnes et du travail des enfants. l’Alliance 8.7 (OIT) met en avant la responsabilité des multinationales donneuses d’ordre. Un projet de directive de l’Union européenne sur la gouvernance d’entreprises durables [58]. introduit un devoir de vigilance pour les entreprises concernant les risques que leurs pratiques, celles de leurs filiales, de leurs fournisseurs font peser sur les droits de l’homme notamment le travail des enfants et l’environnement. Des lois existantes en France, aux Pays-Bas et en Allemagne y répondent déjà, d’autres Etats membres sont plus réticents.
Les discriminations
23% des personnes actives déclarent avoir vécu une discrimination ou un harcèlement discriminatoire. Les principaux critères évoqués : l’apparence physique (40%), le sexe (40%), l’état de santé (30%). 42% des personnes actives déclarent avoir été témoins de discrimination (s) ou de harcèlement discriminatoire [59] . Ces discriminations concernent les conditions d’embauche, les conditions de travail, les offres de formation et bien évidemment les salaires.
Selon le Défenseur des Droits, le handicap serait la cause majeure de discrimination sur le lieu de travail. Pour les personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies chroniques, le risque de discrimination est multiplié par 3. Cela se traduit, en France, par un taux de chômage 2 fois plus élevé, une durée plus longue et un taux de retour à l’emploi plus faible.
Depuis 2005, la loi impose à tous les employeurs, quel que soit leur effectif, de prendre au cas par cas des mesures d’aménagement pour permettre aux personnes handicapées d’accéder à un emploi, de le conserver de l’exercer et d’y progresser. Sinon il y a discrimination.
Les discriminations touchent d’autres populations victimes de racisme, de xénophobie, ou encore d’intolérance liées notamment à la religion et au genre. La discrimination liée à l’origine ethnique vient en deuxième (14.7%) après le handicap et la discrimination liée à l’état de santé en 3ème position (10.5%). Mais aussi l’âge et le genre qui selon une étude publiée en 2018 par le Medef, sont les facteurs de discrimination les plus lourdement ressentis au travail.
Selon une enquête réalisée par l’Ifop (2021), les discriminations durant le processus de recrutement sont passées de 12% en 2001 à 21% cette année, que ce soit pour des questions de genre, d’âge, de niveau social, de minorité ethnique ou religieuse ou encore d’apparence physique. En effet, 42% des personnes se percevant comme « non-blanches », 53% des musulmans et 50% des salariés d’origine étrangère disent en avoir été victimes.
D’après l’enquête du Défenseur des Droits avec l’Organisation internationale du travail (OIT) auprès d’une population de jeunes actifs de 18 à 34 ans, plus d’un jeune sur trois rapporte avoir vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière, contre une personne sur cinq en population générale. Les critères de discriminations les plus cités sont là encore, le sexe, l’âge, l’apparence physique et l’origine.
En 2014, le salaire horaire net des descendants d’immigrés maghrébins est inférieur de 8 % en moyenne à celui des personnes sans ascendance migratoire. Les revenus salariaux annuels nets sont eux inférieurs de 22 % en moyenne dus en partie à la durée du travail. Ils sont plus élevés chez les anciennes générations et chez les hommes.
« La nouvelle économie de l’immatériel qui entraîne un processus de déqualification-surqualification risque à nouveau de marginaliser le travail des femmes et aussi des immigrés. Le processus de dépossession des savoirs, de dé-légitimisation de certains par rapport à d’autres semble voué à se poursuivre. » [60]
Le travail facteur d’épanouissement ?
Apparu au XIX° siècle le rappelle Dominique Méda [61], le travail « essence de l’homme » condition de sa créativité, de sa liberté, de sa personnalité, s’oppose, au travail « créateur de richesse » d’Adam Smith. Rejoignant la citation de Voltaire mise en exergue « Le travail éloigne de nous trois grands maux : « l’ennui, le vice, le besoin », Céline Marty énonce que présenté avant tout comme un moyen d’émancipation, le travail est pourtant le lieu central du contrôle, de la domination et de la hiérarchisation des classes sociales [62] .
Selon le baromètre Ipsos, réalisé en janvier 2015 auprès de 13.600 salariés dans quatorze pays européens pour le prestataire de services aux entreprises Edenred, les salariés européens sont 38 % à se dire « souvent » heureux au travail, contre 52 % « de temps en temps » et 8 % « jamais ». Mais, selon l’EVS 2008, les Français, sont parmi les européens ceux qui sont les moins satisfaits au travail alors que paradoxalement, ils sont ceux qui y accordent le plus d’importance [63] .
De fait, en France, les actifs associent toujours travail et mal être [64] . Dans l’enquête « Conditions de travail » de la DARES, la perception des travailleurs n’est d’ailleurs abordée que sous l’angle des nuisances, des contraintes physiques et des risques. Les relations entre travail et santé vont de pair l’un affectant l’autre. Les effets peuvent être négatifs, immédiats en cas d’accidents ou de souffrance ou à long terme en raison de l’exposition à des substances nocives ou de gestes pénibles voire d’accidents ou encore de stress. Cependant, le travail contribue largement à la bonne santé physique et mentale grâce à aux revenus qu’il assure, aux perspectives d’ascension sociale qu’il procure ou de la socialisation qu’il apporte. Côtoyer en travaillant des personnes qu’on n’a pas choisies participe à la flexibilité psychique des personnes. Un rapport de la Fondation de France a montré que le pourcentage de personnes en isolement relationnel avait augmenté de 10 points entre 2020 et 2021 en raison de la pandémie, 30 % d’entre nous n’avons qu’un seul réseau généralement la famille ou le travail.
Alors que dans nombre de pays, dont la France, les conditions de travail se sont considérablement améliorées depuis le XIX° siècle, elles sont néanmoins facteur de stress. Aussi, « qualité de vie au travail », ou « bien-être au travail » participent dorénavant du discours managérial qui constate la diversité des changements de comportement de leurs salariés entraînant une plus grande individualisation des approches. Dans les start-ups en croissance, des dispositifs sont mis en place pour faire accepter les formes d’organisation et d’intensification du travail. L’aménagement et la décoration des locaux font ainsi l’objet d’un soin particulier pour créer un cadre de travail agréable. Des évènements (concerts, soirées etc.) sont l’occasion de fédérer les salariés, ils sont aussi un moyen pour les fondateurs de produire de l’attachement envers l’entreprise, de réintroduire de l’affectivité dans les relations de travail et ainsi de « produire le consentement » des salariés [65].
Le Travail à la recherche de sens
Comment se fait-il que des métiers essentiels soient si peu payés alors que des métiers dépourvus de sens et d’utilité prolifèrent bien qu’ils n’apportent aucun bienfait au monde ? Les salariés considèrent, en effet, souvent que leur travail perd son sens. La logique productiviste les conduit à penser qu’ils travaillent uniquement pour leur entreprise et non plus pour le bien commun. La pandémie a accéléré cette prise de conscience de ce qu’est « une vie bonne » [66] , notamment chez les jeunes, ce qui conduit à des changements complets de métiers. « Les Agros qui bifurquent » se sont fait applaudir lors de la cérémonie de remise des diplômes 2022 en appelant leurs camarades à refuser les emplois qui les attendent dénonçant les ravages écologiques et sociaux auxquels ils seraient contraints de participer. Les pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs traduisent les insatisfactions liées aux insuffisances de rémunérations (enseignants, métiers de la santé) ou aux conditions de travail (transports, restauration horaires atypiques, temps de travail) ou encore au manque de reconnaissance. 78% des jeunes de 18 à 24 ans n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de sens. Le respect de l’environnement par les entreprises fait partie avec le racisme et les discriminations et l’égalité femmes-hommes des attentions prioritairement mises en avant par ces jeunes qui veulent pouvoir trouver un sens dans leur travail. 78 % des salariés choisiraient à offres équivalentes de rejoindre une entreprise engagée dans la transition écologique.
Des millions d’employés ou d’ouvriers quittent leur travail et n’en cherchent plus aux Etats-Unis et ailleurs rapporte Bruno Latour [67] . 38 millions d’Américains (sur 162 millions d’emplois) ont quitté leur emploi en 2021 pour un job mieux payé ou pour changer de vie [68] donnant naissance au concept de « grande démission ». En France, 75 % des salariés de moins de 40 ans envisagent une reconversion professionnelle en 2021 [69] . Des « dé-travailleurs » émergent chez certains jeunes diplômés qui s’opposent au surinvestissement dans l’emploi et mettent en avant l’enjeu environnemental : « gagner moins, consommer moins ». Cette « crise du consentement au travail » est étroitement liée à celle du sens au travail nous dit Olivier Favereau qui l’attribue au manque d’espace institutionnel de décision partagée, là où n’existe pas de codétermination [70] .
A côté des facteurs psycho-sociaux de risques plus anciennement identifiés (intensification du travail, perte d’autonomie, travail émotionnel, manque de reconnaissance et de soutien social, insécurité), la perte de sens du travail est perçue de plus en plus comme un facteur de souffrance psychique. Trois dimensions constitutives du sens au travail : le sentiment d’utilité sociale, la capacité de développement et la cohérence éthique proposent Thomas Coutrot et Coralie Perez. Face à un travail dénué de sens, les salariés choisissent-ils alors plutôt l’exit (le changement d’emploi) ou la voice (la prise de parole collective) ? [71] Selon le baromètre 2021 « Confiance et bien-être » [72] 61,3 % des Français estiment pourtant faire un travail vraiment utile pour la société. Les indépendants sont plus nombreux à éprouver la fierté du travail bien fait (88 %, contre 72 % des salariés).
Travailler moins pour vivre mieux ? [73]
Déjà pour Thomas More [74] (1480-1535), le travail est modéré : six heures de travail suffisent chaque jour, trois de plus que Lafargue ; il est de plus attrayant. On y va et on en revient au son des instruments de musique après quoi on peut disposer de son temps à volonté [75].
Le temps de travail est, à l’évidence, une revendication récurrente, elle est objet de régulations fréquentes âprement disputées. Travailler moins est devenu une aspiration réelle aux Etats-Unis. En Europe, la durée légale de travail ne peut dépasser 48 h par semaine. Depuis les années 50, nous rappelle Dominique Méda, la productivité du travail a considérablement augmentée, nous sommes capables de produire plus avec moins de travail humain. Pourtant, en France les « 35 heures » sont toujours décriées mais ne sont remises en cause qu’indirectement et la revendication actuelle de 32 heures est déjà acquise dans certaines entreprises, envisagée dans d’autres et expérimentée en Espagne, Belgique ou encore au Japon ou en Nouvelle-Zélande. 45% des 5700 adhérents du Centre des jeunes dirigeants d’entreprises se sont déclarés favorables eux-aussi à une telle expérimentation ainsi que 54 % des DRH.
Travailler moins permettrait pour certains de compenser la pénibilité ou les contraintes liées au travail et d’ouvrir à tous la possibilité d’entreprendre autre chose, une activité plus conforme à leur goût ou à leur aspiration : bénévole, domestique, acquisition de savoirs, culturelle, sociale … . La proposition controversée voire décriée par Benoît Hamon lors des présidentielles de 2017 d’un revenu universel d’existence pour tous participait de ce constat. Cela irait-il pour autant vers une société plus frugale ?
La durée effective annuelle moyenne de travail des salariés à temps complet était en France de 1 680 heures en 2019. C’est la durée la plus faible des pays de l’Union européenne après la Suède, et sensiblement inférieure à la moyenne européenne (1 846 heures) [76] . Pourtant, 51,2 % des Français estiment que la cadence de travail est élevée.
Dans les pays européens, une pause hebdomadaire de 24 h ininterrompue est obligatoire ainsi que quatre semaines de congés. Le travail de nuit ou le travail le dimanche constituent encore une exception à loi sur la durée du travail. On constate, cependant, que 15 % des travailleurs européens travaillent plus que 48 heures par semaine alors que c’est encore le cas de 40 % des travailleurs chinois ou coréens et de 60 % des travailleurs turcs. 10 % des travailleurs travaillent pendant leur temps libre [77].
La transition énergétique appelée à résoudre à la fois la demande croissante en énergie qu’entraînent le développement exponentiel des NTIC et ses effets sur le changement climatique participe de la transformation de l’univers du travail, à son organisation avec une mutation attendue des métiers comparables, selon beaucoup, à la désindustrialisation de la deuxième moitié du siècle dernier.
On ne dispose pas pour l’heure des bilans énergétiques et de pollution de l’air dus au télétravail mais on peut constater le recul des déplacements automobiles associés au travail ; il conviendrait de savoir si ce gain énergétique n’est pas annulé par le chauffage ou la climatisation de bureaux désertés conçus pour fonctionner en continu et par le report des consommations énergétiques avéré [78] vers les télétravailleurs. L’Association des directeurs de l’environnement de travail (Arseg) a établi que la consommation d’électricité a baissé en 2020 dans les grandes entreprises tertiaires qu’elle regroupe lors du confinement mais baisse qui a été limitée lors de la mise en place du télétravail partiel.
Le basculement vers l’électricité de nombreux usages et l’objectif d’atteindre en 2050 la neutralité carbone supposent de grands changements structurels auront un impact majeur sur l’emploi, prédit « The shift project » présidé par Jean-Marc Jancovici [79], cette transition pourrait détruire 800 000 emplois mais en créer 1,1 million de nouveaux.
Reconvertir l’économie au développement durable avec l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique « dessine un tout autre paysage pour l’avenir du travail », cela « exige de rompre avec l’obsession de la croissance (mais pas avec les activités utiles mises au service de la satisfaction des besoins essentiels de tous ; d’encadrer notre production dans les limites sociales et environnementales strictes, investir massivement pendant au moins 20 ans dans la rénovation thermique des bâtiments, les infrastructures ferroviaires, cyclables, fluviales mais aussi la santé, l’éducation et la recherche nous recommande Dominique Méda [80] . A toutes les étapes, pense-t-elle, nous aurons besoin de plus de travail humain. Que faut-il mettre en place pour redistribuer ce plus grand volume de travail ? En premier lieu, sans aucun doute, des changements dans notre système éducatif [81] : un mastère spécialisé en éco-ingéniérie s’est ouvert à Toulouse, rapporte Le Monde [82], pour former les étudiants et les professionnels aux enjeux de la transition écologique, un master interdisciplinaire (Mines, Dauphine, Arts déco) « mode et matière » interroge les professions de la mode.
Peut-on anticiper ce que sauver le climat impliquera comme transformations sur le marché du travail ? Christian de Perthuis répond [83] . « Subordonner l’économie aux fonctions régulatrices assurée par le milieu naturel (couche d’ozone, Gaz à effet de serre et climat, cycle de l’azote, de l’eau, la biodiversité …). A moyen terme, la transition bas-carbone implique avant tout une redistribution de l’activité et des emplois avec des effets positifs ou négatifs suivant les cas. Dans les économies industrialisées, cela exige, en particulier, de reconvertir nombre d’équipements, d’infrastructures et d’emplois liés à l’utilisation d’énergies fossiles ». La transformation des modes de production nécessitée pour parvenir à un développement durable entraînera des mutations importantes dans les technologies, le poids des différents secteurs et les métiers. L’urgence est d’anticiper ces mutations et de les accompagner par les instruments habituels des primes et formations de reconversion ainsi que par le reformatage de l’offre d’enseignement initial tant universitaire que technique.
http://www.encyclopedie-dd.org/ecrire/?exec=article_edit&id_article=382#
Le constat ci-dessus fait apparaître nettement que nous vivons une période de mutations numérique, énergétique et écologique majeures auquel le Travail n’échappe pas avec les incertitudes qui en découlent : autonomie et individualisation répondent à la recherche de sens recherchée par certains, insécurité et désocialisation sont les risques encourus socialement. On peut dès lors s’interroger sous quelles conditions ces mutations imposées au Travail peuvent œuvrer au développement durable, c’est-à-dire, rappelons le, rechercher simultanément l’épanouissement de chacun et la solidarité de tous, le respect de l’environnement et lutter contre le changement climatique.
Plusieurs exigences :
« Désenchanter le travail » [84] : faire en sorte que le travail ne soit pas le critère exclusif d’intégration sociale, et accepter le non- travail (chômeurs, retraités ou oisifs) comme des périodes de la vie ou des temps de transition et ainsi regarder les chômeurs comme des travailleurs en puissance [85] ?
Compenser l’inégalité intrinsèque entre le capital et le travail par l’édiction de règles adéquates pour les travailleurs. Dans la majorité des cas l’emploi, c’est à dire le travail rémunéré, dépend du capital disponible : mise de fonds sous forme d’équipements, de bâtiments, de machines, avancée sous forme de capital, d’autant plus importante à notre époque de production de masse ultra technique. Cette inégalité peut conduire à des abus de pouvoir qu’il convient de prévenir par diverses dispositions affirmant le droit des travailleurs : fixer un salaire minimum qui permette une vie digne et l’exercice de la citoyenneté, limiter la durée du travail, permettre la participation des travailleurs aux décisions relatives à l’entreprise, favoriser les entreprises coopératives … .
Reconnaitre les travaux essentiels à la vie de la société, des travaux manuels (formations ad’hoc), du travail domestique (femmes etc.), du travail artistique, du travail des consommateurs (exploitation des données collectées par internet), travaux utiles non-rémunérés, ou encore les travaux, bénévoles, l’auto-production, la politique, les soins (Dujarier). Des prestations attendues et auparavant incluses dans les services rendus sont maintenant « externalisées » aux personnes destinataires de ces services (impressions des documents, réservation de billets, démarches administratives dont impôts etc.). Le marché fixe un prix au travail qui n’a aucun lien avec sa valeur sociale [86].
Améliorer l’attractivité des métiers et repenser la protection sociale en s’adaptant au mieux aux exigences de la vie de chacun (garde d’enfants, transports, horaires, temps de travail) et en recherchant l’équilibre entre vie privée et travail. Valoriser les métiers auxquels sont associés des représentations négatives en raison de conditions de travail (qualifications, pénibilité, horaires, temps de travail, rémunérations, insécurité) ou de leur « invisibilité ». Réduire l’insécurité des travailleurs indépendants et leur assurer une protection sociale équivalente au salariat. « A l’aube d’une grande transformation du capitalisme, nos Etats-providence rénovés et non rabotés doivent repenser la protection sociale à l’échelle de l’individu : faudra-t-il taxer les robots responsables des destructions massives d’emplois pour financer un revenu universel minimum ? Le moindre besoin de travail peut être alors l’occasion de penser une forme alternative de vie » [87].
Ne pas faire reposer la protection sociale sur le seul Travail : « C’est en chargeant le travail du financement de toutes les politiques dites sociales que nous sommes parvenus à des coûts du travail excessifs, avec les conséquences que l’on connait sur le chômage. Un excès qui provoque un début de machine arrière, pour faire riper le financement des charges sociales vers l’impôt, TVA ou CSG selon les discours. Il était temps, mais beaucoup de mal a été fait » [88] (Dominique Bidou).
Affirmer le rôle éminent du travail en matière de sociabilité en ce qu’il est le lieu où s’expriment les diversités mais d’abord un lieu de convivialité évitant que la recherche d’autonomie ne conduise pas à une individualisation forcenée. « Nous aurons des chances de renouer avec le monde commun qu’à condition d’en finir avec l’atomisation du travail et de retrouver ses dimensions socialisantes et « enracinantes », c’est-à-dire existentiellement satisfaisantes. Et le moyen pour engager cette rupture pourrait être de substituer à l’idéal d’indépendance un autre idéal : celui d’interdépendance [89] .
Ce n’est qu’en prenant conscience de notre dépendance, de notre vulnérabilité vis-à-vis des autres êtres vivants –à commencer par les autres travailleurs - comme attachés, immergés dans la nature que nous pourrons espérer prendre racine et fabriquer un monde commun ».
Donner du sens au travail de chacun tout en affirmant le besoin de collectif. Répondre au besoin d’autonomie et d’innovation par une organisation du travail adaptée (travail hybride, flexibilité au sein « d’entreprises libérées ») en distinguant l’individualisme (repli sur soi) de l’individualisation (aspiration à plus de liberté). L’individuel ne doit pas l’emporter sur le collectif » [90]. Associer les travailleurs au destin de ceux qui les emploient en mettant en place une co-détermination [91] , des instances de décisions partagées dans les organisations, avec la possibilité, par exemple, de lancer des alertes pour des discriminations ou pour les conséquences environnementales de leur travail.
Permettre l’acquisition de savoirs et de compétences tout au long de la vie et valoriser les acquis de l’expérience, conditions à même d’empêcher la perte des savoirs, de donner du sens au travail, de réduire les inégalités et d’offrir un avenir enviable à chacun en permettant l’adaptation aux évolutions de la société, donc du travail. Offrir une deuxième chance, voire une troisième chance.
Repenser l’urbanisme et l’aménagement du territoire pour répondre aux nouvelles façons de vivre et de travailler avec l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions, l’érosion de la biodiversité et l’artificialisation des sols. Rapprocher le logement des lieux de travail avec l’objectif concomitant de bien-être, de frugalité énergétique et repenser les infrastructures et les modes de transport. Redynamiser les territoires ruraux en assurant une couverture internet à tous.
Rompre avec l’obsession de la croissance [92] et place à la « prospérité » [93] avec les activités utiles mises au service de la satisfaction des besoins essentiels de tous, comme le préconisait Nicholas Georgescu-Roegen en subordonnant l’économie aux fonctions régulatrices assurées par le milieu naturel. Comment passer du PIB au bien-être ? s’interroge Patrick Artus [94] , une seule façon : les entreprises et les ménages doivent modifier leurs comportements.
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Plusieurs auteurs nous offrent des conclusions à cet article :
« La densification des relations entre techniques et capital, leur puissance de colonisation des mondes vécus, l’épaisseur de leur présence dans notre quotidien demande d’ouvrir en tout premier lieu un espace de réflexivité démocratique vis-à-vis de la technique où pourrait être discuté le bien-fondé de certains usages sociaux des nouvelles technologies et certaines orientations historiques » conclut Patrick Cingolani [95] qui fait néanmoins confiance à « la puissance de l’intelligence collective ... » pour répondre « au besoin d’égalité et d’émancipation ».
« Il faut remettre les marchés ainsi que les « machines intelligentes » à leur juste place de moyens au service de fins proprement humaines. L’urgence est de commencer par dessiner ensemble le monde dans lequel nous souhaitons que vivent nos enfants et nos petits enfants. Tout le reste suivra. » (Alain Supiot) [96]
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Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Léon Paul Fargue – Le droit à la paresse - 1880
[2] Ces finalités sont celles qui servent ou ont servi de « cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et agendas 2 locaux » regroupés dans le document éponyme du Commissariat général du développement durable, paru en 2006.
[3] Cité dans « l’art de produire la nature une leçon de Rousseau » par Raphaël Larrère - Courrier de l’Environnement de l’INRA n°22
[4] Le Robert dictionnaire historique de la langue française
[5] Marie-Anne Dujarier « Le travail, une sentinelle face aux troubles contemporains » Le Monde 3 et 4 octobre 2021, p 32
[6] Entretien avec Bernard Thibault dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p.48
[7] Les débats de l’ITS – Les reconfigurations du travail – n°5 septembre 2016
[8] Claire Tourmen – Activité, tâche, poste, métier, profession : quelques pistes de clarification et de réflexion – Santé Publique vol 19, 2007.
[9] Citée dans Le Monde du 7/10/2021 p 24 à propos de son livre « le monde du travail est devenu fou »
[10] Citée dans Le Monde du 7/10/2021 p 24 à propos de son livre « Les dépossédés de l’openspace. Une critique écologique du travail »
[11] INSEE Emploi, chômage, revenus du travail édition 2021
[12] Marie-Anne Dujarier « Le travail, une sentinelle face aux troubles contemporains » Le Monde 3 et 4 octobre 2021, p 32
[13] Paroles de chômeurs, livre blanc – collectif d’associations- 25 janvier 2022, 61 p
[14] La loi du 20 janvier 2014 [1] a instauré un Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) transformé en décembre 2017, en compte professionnel de prévention (C2P)
[15] Dares -Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail - SYNTHESE STAT’ • août 2021 n°27
[16] Dares -Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail - SYNTHESE STAT’ • août 2021 n°27
[17] Revue Sociologie du travail, appel à propositions d’articles : « Les cinq sens au travail » 2021
[18] Risques Psychosociaux (RPS) au travail : Comment les gérer et les prévenir ? C2C prévention, fév 2022
[19] Travail – l’histoire d’une réinvention permanente – Alain Pautet, l’éléphant, oct 2021, p.56
[20] Le monde pris de vitesse par l’uberisation –Jean-Emmanuel Ray- Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p 88
[21] L’algorithme se met au travail – Frédéric Lemaître -dossier du Monde, 22 02 2022 pp 20
[22] La colonisation du quotidien – Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme, Patrick Cingolani pp. 50, 51
[23] Entretien avec Alain Supiot dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p.10
[24] Arnaud Pautet – Travail, l’histoire d’une réinvention permanente –l’éléphant p. 53
[25] Entretien avec Bernard Thibault dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p.48
[26] Entretien avec Alain Supiot dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p.10
[27] Dossier - Bien vivre en télétravail – Revue Cerveau et Psycho, n°44, juin 2022, p.35-57
[28] « Installer le télétravail dans la durée ? Analyse d’accords télétravail et recommandations pour l’action » Anact, nov 2021
[29] Baromètre 2021 Malakoff Humanis
[30] Ademe - Télétravail, (Im)mobilité et modes de vie - Étude du télétravail et des modes de vie à l’occasion de la crise sanitaire de 2020
[31] 72 % des travailleurs interrogés lors Baromètre 2021 Malakoff Humanis ont le sentiment d’être moins fatigués.
[32] Cité par Pauline Grosjean dans Le Monde du 7 octobre 2021 p.35
[33] Gérald Bronner dans Apocalypse cognitive : « Le déferlement d’informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention. »
[34] Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021, p. 6
[35] Voir p.47 Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021.
[36] Interview dans le Monde du 20 mai 2022, p.19.
[37] Droit du travail : Tik Tok gagne du terrain sur la CGT – Le Monde campus 16 Juin 2022, p. 3.
[38] Le Monde 30-31 janvier p.31
[39] Le monde pris de vitesse par l’ubérisation dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021
[40] Eric Godelier Le Monde des 3 et 4 janvier 2021, p.32
[41] Sophie Bernard « Le nouvel esprit du salariat », lauréate du prix du livre DRH 2020-2021
[42] Le Monde Campus du 18 novembre 2021 p. 9
[43] Le jour où le monde du travail explosa – Fanny Lederlin - Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021, p 70.
[44] Le Monde du 23 décembre 2021 p.27.
[45] Lucie Goussard - Le Monde des 12 et 13 juin 2022 p. 27.
[46] Santé publique et environnement numérique ǀ 2022 Comité de la prévention et de la précaution-Ministère de la transition écologique.
[47] Dares -Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail - SYNTHESE STAT’ • a o û t 2021 n°27
[48] Kymble Christophe, Valentin Dillies : Caractéristiques et dynamiques de l’emploi dans les start ups en France – INSEE - Les entreprises en France – décembre 2021
[49] L’emploi dans les start-up françaises Rapport du Réseau Emplois Compétences, France stratégie, oct 2021.
[50] Marion Flécher - Les start-ups, des entreprises « cools » et pacifiées ? Formes et gestion des tensions dans des entreprises en croissance- La nouvelle revue du travail, n°15, 2019
[51] Thomas Piketty – Une brève histoire de l’égalité , 2021.
[52] François Dubet - Tous inégaux tous singuliers, repenser la solidarité – fiche de lecture Le Monde du 12 mars 2022.
[53] Philippe Escande, Le Monde du 21 janvier 2022 p.17
[54] Dares -Chiffres clés sur les conditions de Eurofound and International Labour Organization (2019), Working conditions in a travail et la santé au travail - SYNTHESE STAT’ • a o û t 2021 n°27
[55] global perspective, Publications Office of the European Union, Luxembourg, and International Labour Organization, Geneva
[56] Cité dans Le Monde du 7 octobre 2021 p.35 par Pauline Grosjean
[57] Le Monde - Hors série - Les révolutions du travail, novembre 2021.
[58] Adoption en fév 2022 de l’« orientation générale » concernant la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) de la Commission européenne.
[59] 13 ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi - des préjugés aux discriminations : des conséquences durables pour les individus – Défenseur des droits, déc 2020.
[60] Odile Merckling – Face à l’émiettement des emplois quelles perspectives pour les femmes ? – Les reconfigurations du travail – Les débats de l’ITS p.37.
[61] Exposé à l’Institut des Etudes Avancées , (IAE)21/03/2022.
[62] Céline Marty - Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste – cité par Auriane Stroud , journals.openedition, 53205
[63] Place et sens du travail en Europe : une singularité française – L. Davoine D. Méda, 2008.
[64] Dominique Meda – Plus d’emplois pour la transition- Le Monde, 3-4 octobre 2021 p 33.
[65] Marion Flécher - Les start-ups, des entreprises « cools » et pacifiées ? Formes et gestion des tensions dans des entreprises en croissance- La nouvelle revue du travail , n°15, 2019.
[66] Bruno Latour
[67] Interview à Télérama du 26/01/2022
[68] Les Etats-Unis face à la « grande démission » Le Monde du 26 janvier p. 16.
[69] Une nouvelle approche de l’emploi – Le Monde 25 janvier 2021 p.21.
[70] Olivier Favereau : Une crise du consentement au travail – Le Monde des 12 et 13 juin 2022, p. 26
[71] DARES – Quand le travail perd son sens – Thomas Coutrot, Coralie Perez - document d’études n°249, août 2021, 52 p.
[72] Baromètre confiance & bien-être 2021 – MGEN - Solidaris.
[73] Céline Marty « Travailler moins pour vivre mieux »
[74] L’utopie (1560).
[75] Maurice Dommanger dans l’introduction à « Le droit à la paresse » de Paul Lafargue – FM/ petite collection, n°50, p. 52.
[76] La durée effective de travail en France et en Europe – Les résultats de 2019 – document de travail n°79 , Rexecode, oct 2021.
[77] Eurofound and International Labour Organization (2019), Working conditions in a global perspective, Publications Office of the European Union, Luxembourg, and International Labour Organization, Geneva
[78] Selon RTE, la hausse de consommation du secteur résidentiel a été de l’ordre de 5%
[79] Plan de transformation de l’économie française.
[80] Dominique Meda – Plus d’emplois pour la transition - Le Monde, 3-4 octobre 2021 p 33.
[81] Emploi, formation éducation pour la transition écologique – CEREQ – édition Anthares.
[82] Le Monde campus du 25 janvier 2022 p. 7.
[83] Christian de Perthuis – Les cartes rebattues - Le Monde, 3-4 octobre 2021 p 33
[84] Chapitre X du livre de Dominique Méda : le travail , une valeur en voie de disparition
[85] Paroles de chômeurs, livre blanc – collectif d’associations- 25 janvier 2022, 61 p
[86] Frédéric Salat-Baroux Le Monde, 25 janvier 2022 p.30
[87] Travail - l’histoire d’une réinvention permanente - Arnaud Pauter, l’éléphant p. 49oct 2021
[88] Dominique Bidou « Six manières de dégrader la valeur travail » www.dictionnaire-du-developpement-d...
[89] Le jour où le monde du travail explosa – Fanny Lederlin - Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021, p 73
[90] Les manageurs jouent l’individualisation contre l’invidualisme dans Le Monde du 17 février p. 20
[91] Olivier Favereau – une crise du consentement au travail – Le Monde 12, 13 juin 2022, p.26.
[92] Le Monde des 3 et 4 janvier p.33
[93] Bruno Latour
[94] Le Monde du 8 novembre 2011
[95] La colonisation du quotidien – Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme, Patrick Cingolani, p. 214
[96] Entretien avec Alain Supiot dans Le Monde hors- série, septembre, novembre 2021 p 11
Bibliographie
* Le droit à la paresse de Paul Lafargue – FM/ petite collection, n°50, 1979
* La fin du travail – J. Rifkin, 1996
* Qu’est-ce que la précarité ?, Régis Pierret - , Socio, - Révolutions contestations, indignations- p. 307-330 - 2013
* Les transformations des métiers– Les Débats de l’ITS,n°5 ,sept 2016, 69 p.
* Working conditions in a global perspective, Eurofound and International Labour Organization (2019), Publications Office of the European Union, Luxembourg, and International Labour Organization, Geneva
* Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, Observatoire des inégalités, juin 2021, 176 pages.
* Quand le travail perd son sens – Thomas Coutrot, Coralie Perez - DARES – document d’études n°249, août 2021, 52 p.
Dares -Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail - SYNTHESE STAT’ • août 2021 n°27
* La colonisation du quotidien – Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme - Patrick Cingolani -– 2021, 214 p.
* Les révolutions du travail, Le Monde - Hors série , novembre 2021
* Ubérisation et après ? Collectif coordonné par Pascal Savoldelli, 272 p., octobre 2021
* Céline Marty – Travailler moins pour vivre mieux – octobre 2021, 183 p.
* Dominique Méda –Le Travail Une valeur en voie de disparition – nouvelle édition 2021, 395 p.
* Paroles de chômeurs, livre blanc – collectif d’associations- 25 janvier 2022, 61 p.
* Dennis Meadows – Les limites de la croissance (dans un monde fini) – nouvelle version 2022, 488p.