Résumé
Ouverte officiellement par le Krach de la banque Lehman Brothers, la crise actuelle, qui tourne aujourd’hui à la crise des dettes souveraines, apparaît aussi sérieuse que la Grande Dépression des années trente. Elle mérite certainement le grade attribué par « l’Approche de la Régulation » : une grande crise. C’est à dire : la fin d’un modèle capitaliste de développement.
Ce modèle qui s’effondre, et dont le règne s’étend de la fin de la période fordiste (autour du « tournant monétariste », 1980) jusqu’à nos jours, a été parfois appelé « néo-libéral » ou mieux « libéral productiviste ». Aujourd’hui qu’il rentre à son tour en crise, ce double caractère, à la fois libéral et productiviste, semble confirmer par la double origine de sa crise, conformément à l’adage hégélien selon lequel « la chouette de Minerve prend son envol à la tombée de la nuit ». La solution sera elle-même double , à la fois sociale et écologique.
Évidemment, comme dans les années 30, il faudra bien trouver une solution à la crise de l’insolvabilité et aux désordres financiers. Pourtant, la présente contribution, développée en deux articles, est dédiée aux aspects sociaux et plus particulièrement aux aspects écologistes des problèmes de sortie de crise. Trop souvent, une touche verte est apposée sur une analyse principalement keynésienne de la crise, comme une vertitude imposées par l’opinion publique. Au contraire, nous allons essayer d’enraciner la nécessité d’une « solution verte » dans l’analyse de l’aspect écologique de la crise. Pour ce faire, nous devons remonter à la nature du modèle en crise, et au mécanisme de sa crise.
Mais d’un autre côté, verdir une simple politique de relance budgétaire habituelle, en attribuant plus de subventions publiques aux technologies vertes, et en ignorant la profondeur des inégalités à l’origine de la dimension libérale de la crise et la nécessité de profondes réformes sociales, serait une erreur symétrique. Les aspects financier, social, écologique de la crise sont tissés de manière si serrée qu’aucune solution partielle ne serait efficace. Nous avons besoin d’un Green Deal, à la fois écologique et social et ce, au niveau global.
D’où l’organisation de ces deux textes :
Dans le présent article, nous rappelons les composantes du modèle de développement capitaliste finissant. Puis nous examinons les facteurs entrelacés de sa crise, de 2007 à nos jours.
Dans un second article, nous développons plus précisément les éléments d’un New Deal spécifiquement Vert. Nous examinerons alors les difficultés de la mise en oeuvre d’un tel compromis. Et finalement nous donnons quelques recommandations politiques.
Auteur·e
Alain Lipietz est économiste et député européen (Vert) depuis 1999, membre des commissions Affaires économiques et monétaires, et Commerce international du Parlement. À ce double titre, il a suivi la crise des années 1970 au sein de “l’école de la Régulation” et suit de même la crise actuelle du régime “libéral-productiviste” qu’il avait analysé dans plusieurs livres (voir son site http://www.lipietz.net).
Note liminaire de l’auteur :
[1]
Selon l’approche de la régulation, un modèle de développement capitaliste assure pendant une période prolongée un sentier d’accumulation du capital relativement stable, en dépit des contradictions de ses relations sociales. On peut le définir par les dimensions suivantes :
- un paradigme technologique : la façon dont le travail salarié est organisé ;
- un régime d’accumulation : la structure stable de demande sociale effective permettant la réalisation (la vente) continue de l’offre de marchandises capitalistes, et orientant les profits vers de nouveaux investissements ;
- un mode de régulation : l’ensemble des institutions et des routines qui induisent les agents à se comporter conformément au régime d’accumulation ;
- une configuration internationale : la compatibilité entre les différentes formations socio-économiques nationales, poursuivant des modèles qui peuvent être différents, et échangeant des capitaux et des marchandises sur le marché mondial.
Une telle méthodologie a été développée par l’approche de la régulation dans l’étude du modèle central de développement de l’après-seconde guerre mondiale, le fordisme, et sa crise autour de 1975-1980. Elle a permis une identification précoce des nouveaux modèles en compétition, et l’analyse de celui qui l’a emporté, le modèle libéral productiviste (LP).
A.Le taylorisme répressif.
L’une des composantes de la crise du fordisme était l’épuisement des gains de productivité qui résultait de son paradigme technologique, le taylorisme, c’est à dire : une division stricte entre les tâches de conception et les tâches d’exécution du travail, et la prescription des tâches par les ingénieurs et techniciens aux opérateurs (ouvriers spécialisés). Dans le modèle libéral productiviste, le taylorisme a été étendu aux métiers tertiaires et exacerbé par une pression sur les « résultats » (lean management, puis stress et même crash management). Ce tournant de la « prescription » à la « répression » a entraîné un accroissement brutal du stress, des suicides, des maladies professionnelles etc. Une telle tendance s’est manifestée aussi bien dans les pays industriels que dans les nouvelles puissances émergentes.
Rappelons que, dans les années 80, une alternative semblait possible, basée sur une haute qualification des travailleurs et leur « implication négociée » (ce que, conformément au modèleToyota, on pouvait appeler « ohnisme »). Cette alternative, hautement prônée par le fameux livre de Piore et Sabel, The second industrial divide, a démontré sa supériorité dans quelques pays et quelques niches (la Scandinavie, partiellement l’Allemagne et le Japon). Mais il est resté minoritaire au niveau mondial parce que la combinaison « taylorisme répressif + dumping social » s’est révélée plus compétitive que « implication négociée + salaire décent » dans la plupart des branches.
B. Un « régime en retombée » et une économie de dette.
Dans le fordisme, la demande sociale était tirée par la demande populaire, elle-même basée sur des salaires augmentant au même rythme que la productivité moyenne. Dans le modèle libéral productiviste, les gains de productivité sont bien plus rapides que la croissance des salaires (au niveau mondial et en moyenne ). Il en résulte une croissance des profits dans la valeur ajoutée mondiale. Ces profits furent pour une part redistribués aux propriétaires des capitaux, et leurs dépenses sont retombées (trickle-down) vers les travailleurs salariés des biens de luxe ou de loisirs, et pour l’autre part ils ont été investis.
Tandis que, dans le fordisme, les capitalistes vivent de ce que les salariés dépensent, dans le régime libéral productiviste, les salariés vivent de ce que les riches dépensent. Mais, puisque ces retombées étaient insuffisantes pour assurer une demande sociale effective en face d’investissements exubérants, il a fallu distribuer des crédits aux consommateurs insolvables. Le modèle libéral productiviste est ainsi apparu tout aussi consumériste et productiviste que le fordisme, mais ce sont des « anticipations » de croissance (plutôt que la planification ou la régulation de cette croissance) qui furent la condition même de la stabilité de la croissance !
C. Le néo-libéralisme
Contrairement au fordisme « bien régulé » (on a parlé de « capitalisme organisé »), la régulation publique et contractuelle s’est éteinte progressivement dans le régime libéral productiviste. Comme dans la période de laisser-faire typique de l’avant-seconde guerre mondiale, la croyance dans la puissance autorégulatrice des marchés prévalut. Et comme dans la période classique du libéralisme (avant la première mondiale), les cycles des affaires revint. Pourtant, le néolibéralisme n’a pas oublié toutes les bénédictions du mode de régulation fordiste-keynésien. Non seulement les dépenses publiques sont restées à un haut niveau (financées à crédit, puisque les impôts étaient réduits). Mais même les consommateurs privés ont pu bénéficier d’une immense création monétaire, à travers le développement des crédits privés. On peut dire que le « crédit privé » est devenu une forme de monnaie privée à cours forcé, sur lesquels les banques privées levaient un seigneuriage... même sur la dette publique : le spread. [2] En conséquence, une part croissante de la valeur ajoutée fut captée par les banques privées, réduisant en conséquence, non seulement la part des salaires dans la valeur ajoutée, mais même la part du profit d’entreprise.
D. La Chinamérique.
La transition du fordisme au libéral productivisme (début des années 80) put bientôt s’appuyer sur deux transformations majeures de l’économie mondiale : la généralisation de la « nouvelle industrialisation" dans le tiers monde (qui avait débuté dans les années 70 avec les premiers nouveaux pays industrialisés - NPI) et la chute de l’empire soviétique et de son modèle (à la fin des années 80). Il en résulta une complète réorganisation de la hiérarchie des compétitivités, de la production industrielle, et des pouvoirs.
L’Allemagne et le Japon se sont maintenus en adoptant quelques variantes du modèle « à implication négociée » en tant que paradigme technologique, au moins dans certaines niches. Ils devinrent plus compétitifs que les Etats-Unis.
Dans leur transition au modèle libéral productivisme, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France acceptèrent de voir glisser leurs industries à faibles qualifications et même leurs tâches de fabrication qualifiées vers les NPI. Du coup, leur balance commerciale devint structurellement déficitaire.
La chute de l’empire soviétique accéléra l’évolution de la Chine et de l’Inde vers une forme de Fordisme périphérique au milieu d’un océan de pauvreté. La Russie ne les suivit pas, et se limita à un rôle de pays exportateur d’énergie.
Alors qu’en Asie la plupart des premiers NPI avaient ajusté leurs industries d’exportation au niveau de leur dette extérieure, les pays latino-américains durent supporter pendant les années 80/90 de sévères plans d’ajustement structurels. Toutefois, au début du XXIème siècle, après les crises coréenne et « Tequila », la plupart des NPI avaient fini de payer leurs dettes et, depuis, accumulent d’immenses surplus commerciaux. Ces « pays émergents » sont devenus les créanciers des anciennes puissances dominantes.
Ce fut rendu possible parce que les principaux agents économiques aux États-Unis restèrent en déficit (les ménages à cause de la stagnation des salaires, les administrations, à cause de la croyance reaganienne dans les effets positifs de la réduction des impôts) : et du coup la balance commerciale nationale était aussi en déficit. Mais les crédits à très bas taux d’intérêt émis par la Banque Fédérale (la FED) ont permis le développement d’une « économie de dettes » et plus tard d’une « économie casino ».
Cette économie de dettes fut autorisée aux pays occidentaux (et tout particulièrement aux Etats-Unis) parce que les pays émergents (et notamment la Chine) n’avaient d’autre possiblité que le dollar en tant que monnaie de réserve et équivalent général international (Dollar Exchange Standard). Puis, l’impossibilité de vendre ces réserves en dollars (au risque d’en faire chuter la valeur) a maintenu leur taux de change à un niveau excessivement bas, améliorant encore leur compétitivité, mais autorisant les agents américains à acheter leur travail à bas prix et à crédit. Cette « équilibre de la terreur« fut la base de la configuration mondiale du régime libéral-productiviste. On l’appelle parfois »Chinamérique".
On peut donner bien des explications endogènes à l’effondrement du modèle libéral productiviste, étant donné qu’il était manifestement basé sur une montagne de contradictions, déjà identifiées par les économistes classiques du XIXe siècle (dont Ricardo et Marx). Le miracle fut plutôt l’incroyable succès de la croyance superstitieuse dans la puissance auto-régulatrice des marchés, alors que le modèle libéral productiviste était précisément si semblable aux “Roaring Twenties” (les Années folles), le modèle libéral critiqué par Karl Polanyi.
En effet, les explications standard à la crise de 1929 vinrent immédiatement à l’esprit lors du krach de la banque Lehman Brothers en 2008. Et bien sûr, toutes ces explications capturaient certains aspects de la réalité, puisqu’une grande crise est toujours à multiples couches. Mais dans la crise actuelle, de nouveaux aspects sont apparus, invisibles dans toutes les crises du XXe siècle : le développement d’une crise écologique.
Ce n’est pas absolument « nouveau ». C’était même le caractère général de toutes les crises jusqu’en 1848 ! Mais c’est nouveau pour le capitalisme développé. Si nouveau que Marx, Keynes, l’approche de la régulation, et l’approche mainstream ont pu l’ignorer dans leurs analyses de toutes les crises postérieures à 1848…
A- Entre Minsky et Keynes : les approches dominantes.
En tant que régime d’économie de dettes, le modèle libéral-productiviste était condamné à tomber du côté de son péché le plus évident : une crise de la dette, suivie par une avalanche de faillites, et finalement un credit crunch, un resserrement du crédit. La crise de la dette se développa quand les agents les plus faibles de la société américaine, les travailleurs pauvres et les couches moyennes appauvries, furent conduits à acheter leur maison à crédit à un taux subprime. Quand se révéla leur insolvabilité, tout le système bancaire se retrouva illiquide, et après une tentative malencontreuse de combattre l’ « aléa moral » (refus de renflouer Lehman Brothers), les États durent voler au secours de la planète financière toute entière. La conclusion qu’en tira le courant principal chez les économistes fut : les marchés fonctionnent, mais certains agents sur le marché sont si stupides qu’ils en ignorent les signaux. C’était déjà la compréhension dominante en 1929, et ce fut de 2009 à 2010 l’analyse mainstream de la crise présente : « on remet ça, business as usual, mais cette fois on fait attention où on met les pieds ».
Les sages corrigent immédiatement et plus profondément : « Quand les choses vont bien, une bulle financière exubérante et auto-réalisatrice se forme d’elle-même, jusqu’à ce que l’excès de crédit conduise à une inflation du prix des actifs, conduisant ainsi au krach, puis à une aversion pour le risque conduisant à un assèchement du crédit. Et c’est ce que nous avions annoncé !". Dans le jargon des économistes : une crise dans le cycle de Minsky, c’est à dire ce cycle entre une prise de risque excessive et une prudence excessive après la crise. La solution doit être : d’abord repartir à zéro avec une annulation (faillites) ou un rééchelonnement de certaines dettes, puis des contrôles plus stricts (organisés au niveau international, puisque la finance est internationalisée, plus que jamais), des règles prudentielles plus strictes et une supervision plus forte. Un « Super Glass-Steagal Act », pour filer la comparaison avec les années 30.
L’analyse comme la solution sont correctes. Mais tout à fait insuffisantes. En effet, pourquoi les prêteurs sont-ils si voraces ? Pourquoi les emprunteurs si endettés ? Parce que les prêteurs (et notamment les fonds de pension) doivent récolter de l’argent pour leurs titulaires (les rentiers et les salariés retraités), et parce que les emprunteurs sont trop pauvres. Dans une économie de la dette, la racine du problème n’est pas la finance, mais la mauvaise distribution des revenus (avant ou après impôt). Si le modèle libéral productiviste a marché, malgré une demande effective primaire insuffisante, c’est parce que les consommateurs pauvres ont pu obtenir des crédits faciles. Mais pas tous, pas les travailleurs pauvres des pays émergents dans le sud de la planète : seulement les travailleurs pauvres et les classes moyennes dans le nord-ouest du monde. Nous avons donc besoin d’un New Deal, mais au niveau mondial, incluant les classes ouvrières chinoises et indiennes. Un « super-Wagner Act », et probablement une « Super-Tennessee Valley Authority » [3] , un super-Plan Marshall au niveau mondial : accroître les salaires, et annuler les dettes des couches populaires.
Evidemment tout cela est vrai aussi. Évidemment la Chine, qui a des réserves infinies de demande intérieure potentielle, à cause de l’incroyable fossé entre salaire et productivité qu’elle a creusé, qui a aussi un gouvernement omnipotent et prêt à l’emploi, et qui n’a pas de contraintes financières extérieures, peut activer avec succès ce Policy Mix super-keynésien. Et pourtant ... est-ce qu’un New Deal planétaire, la généralisation de l’American Way of Life à tous les êtres humains serait écologiquement soutenable ? Certainement pas, et la chose étrange est que le concept de « soutenabilité » inhérent au concept même de régime d’accumulation, se soit imposé en économie seulement à ce moment-ci de l’Histoire !
B. L’émergence de la contrainte de soutenabilité dans le modèle libéral productiviste.
La contrainte de soutenabilité a fait son apparition dans la conscience des élites mondiales avec la Conférence des Nations Unies à Stockholm en 1972, et la publication du fameux modèle Les limites de la croissance par le Club de Rome. Mais, à ce moment-là, les avertissements étaient encore peu précis, et centrés sur le côté « source » des problèmes écologiques : la rareté des ressources. Le choc pétrolier de 1973 souligna la dépendance du modèle fordiste à l’offre en pétrole, mais cette offre semblait limitée seulement par des raisons géostratégiques. Rien de nouveau par rapport aux classiques guerres pour l’énergie et les matières premières : si vous contrôlez la réserve, le problème est résolu. Il n’y a plus grand monde pour croire que la crise du modèle fordiste à la fin des années 70 a résulté du choc pétrolier, même si celui-ci y a certainement contribué.
À ses débuts, le modèle libéral productiviste n’a pas tenu le moindre compte de quelque contrainte écologique que ce soit, pas plus d’ailleurs que les théories de l’économie dominante, ni l’approche de la régulation, ni les économistes « radicaux ». Au contraire, le contre-choc pétrolier de 1985/1986 révéla une disponibilité en pétrole qui pouvait de nouveau paraître infinie. En réalité, tout le monde savait que cette ressource était finie, mais croyait que les limites se trouvaient au-delà de l’horizon politique ou de l’horizon des affaires. On interprète même ce contre-choc comme un coup du président Reagan, de la CIA et de l’Arabie Saoudite pour assurer la victoire totale du modèle libéral-productiviste, en tuant le pouvoir des pays de l’OPEP, et en affaiblissant l’économie soviétique exportatrice en pétrole. Quoi qu’il en soit, la possibilité même d’un tel plan prouve qu’ inonder le marché mondial avec du pétrole n’était pas un problème, durant les premières années du modèle libéral-productiviste !
Les choses commencèrent à changer avec les pluies acides, l’érosion de la couche d’ozone et avec le Sommet de la Terre (la Conférence des Nations Unis sur l’Environnement et le Développement) à Rio, en 1992. Là, les problèmes écologiques furent exposés en pleine lumière : pas seulement du côté des « sources », mais du côté des « puits ». Non seulement les ressources naturelles sont rares, mais la production de déchets, en particulier les gaz à effet de serre (GES), comme le dioxyde de carbone, et les déchets nucléaires apparut comme une sérieuse menace à la soutenabilité d’une vie décente et même de la production capitaliste sur la planète. Une limite cette fois inhérente au modèle, et non aux hasards de la géologie.
À côté de la productivité du travail et du capital, de nouveaux concepts surgirent dans les théorie de la croissance ou du développement, tels que : « le contenu en énergie ou en carbone de l’unité de PIB ». Et, à côté de la contradiction Capital / Travail, une "seconde contradiction du capitalisme » fut redécouverte (O’Connor) : Capital / Nature. Et cette fois, il n’y avait guère d’espoir qu’une nouvelle équation de Kaldor-Verdoon [4] résoudrait le problème en assurant une croissance automatique de la productivité de l’énergie avec la croissance économique. Au contraire, toute l’affaire apparaissait comme une revanche des théories des crises chez Malthus et Ricardo : une réduction de la profitabilité pour les « fermiers » capitalistes, due aux coûts croissants des ressources naturelles et de la gestion des risques et des déchets. La différence avec la théorie ricardienne de la hausse tendancielle de la rente foncière, c’est que la hausse de l’empreinte écologique était gratuite pour le Capital... du moins jusqu’à maintenant, parce qu’il n’y avait pas de propriétaire foncier des biens communs mondiaux comme l’atmosphère, et parce que l’incertitude radicale [5] sur le coût des dommages nucléaires était implicitement couverte par les États, sans cotisation d’assurance imposée au capital.
Mais une fois ces coûts explicités, peut-on imaginer un sentier de progrès technique incorporé dans l’investissement qui pourrait les réduire ? Nouveau champ de recherche pour les approches de la régulation : que pourrait être un régime d’accumulation écologiquement soutenable ? Que pourrait être le mode de régulation d’un tel modèle ? Y a-t-il un paradigme technologique accroissant la « productivité de l’énergie (et des GES émis) » à un taux élevé, du moins supérieure au taux de croissance du PIB ?
En fait, le débat s’est dispersé entre de nombreux participants. Les ingénieurs et scientifiques se sont attaqués directement au problème de l’efficacité de l’énergie et des coûts des énergies renouvelables, les économistes écologistes ont bâti des modèles de régulation (des écotaxes aux marchés de permis), les militants ont insisté sur l’idée que l’énergie la plus sûre est celle qui ne se consomme ni se produit. Mais peu d’entre eux se sont confrontés au problème de la globalité du « modèle alternatif ». Il n’y avait pas d’urgence : les élites mondiales avaient vite oublié les avertissements de Rio, et le modèle néo-libéral se développait de plus en plus nettement comme un modèle « libéral productiviste ».
Pourtant, de graves tempêtes dans l’Europe du Nord-Ouest commencèrent à préoccuper le secteur des assurances. Le changement climatique n’était plus une menace pour les « générations futures », mais un problème immédiat pour ce secteur professionnel. D’où le succès des conférences de Berlin (1995) et de Kyoto contre le changement climatique.
Malheureusement, le libéralisme progressait encore plus rapidement. Alors qu’un changement dans le modèle de développement aurait impliqué une énorme mobilisation du politique au niveau mondial, la création de l’Organisation mondiale du commerce, avec ses dogmes libre-échangistes, réduisait encore la capacité d’action des pouvoirs politiques. La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de Johannesburg en 2002 se conclut par un match nul entre les dogmes libéraux et les proclamations écologistes. Ce qui voulait dire que la crise écologique mondiale avait une autoroute ouverte devant elle.
C. L’éclatement des crises écologiques
Vers 2007, la croissance « rugissante » des pays émergents rencontra les limites des capacités courantes de production pétrolière. Le prix du pétrole, qui avait commencé à monter depuis 2002, s’envola vers des pics sans précédents. Nous ne discutons pas ici de la question de savoir si la production a atteint ou pas une limite absolue (pic de Hubber) : de toute façon, il y avait un pic de la demande, manifestement structurel, qu’il y ait eu ou pas une possibilité plus ou moins limitée de croissance de la production. Les problèmes du côté des sources ou du côté des puits avaient fusionné dans une crise énergie-climat.
Mais la question de l’énergie se trouva vite enfermée dans un « triangle des risques énergétiques ». À un sommet du triangle, du côté des énergies fossiles, les risques de l’effet de serre et de l’épuisement des ressources. Si l’on se tourne vers le nucléaire, on a le risque d’accidents, l’insoluble problème des déchets, et le risque de la prolifération vers le nucléaire militaire ou l’usage terroriste des déchets. Et si l’on se tourne vers la production de bio-masse [6] , il y a risque de conflits sur l’usage des sols.
Car bien vite une crise de l’alimentation se joignit au problème énergie-climat. C’était d’abord le résultat de la demande croissante des pays émergents. La croissance de la classe moyenne dans un pays entraîne l’adoption d’un régime alimentaire « occidental », donc carné. Et la viande nécessite 10 fois plus d’espace que les protéines végétales traditionnelles. Aussi, le « décollage » de gros NPI, comme la Chine et l’Inde, accroissait de manière décisive la pression sur les terres cultivables. Or au même moment, on assistait aux premiers effets du changement climatique. Directement : plusieurs années de sécheresse persistante avaient compromis les livraisons de l’un des traditionnels greniers à grains de la planète : l’Australie. Et indirectement : la réponse même de productivisme à la crise énergie-climat, c’est-à-dire le développement des agro-carburants, accroissait le problème alimentaire. Ce noeud est appelé le « dilemme FFFF des priorités sur l’usage des sols » : Food (la nourriture pour les humains), Feed (nourriture pour le bétail), Fuel (nourriture pour les machines) ou Forest (c’est à dire les réserves de biodiversité et de puits de carbone).
Le résultat macro-économique du noeud FFFF fut l’envolée des prix de l’alimentaire. Une tragédie pour les pays les moins avancés, qui avaient été contraints par la Banque mondiale et le FMI d’abandonner leurs récoltes vivrière traditionnelles au profit des cultures de rente : une vague d’émeutes de la faim balaya le Tiers-Monde. Mais cela voulait dire aussi une croissance du poste alimentaire du coût de la vie dans les pays du Nord-Ouest. Résultat, les ménages pauvres endettés « subprime » aux Etats-Unis durent choisir : payer pour la nourriture, pour le carburant de la voiture, ou pour rembourser leur logement. Et ils abandonnèrent leurs maisons hypothéquées aux banques, déprimant profondément le marché du logement... et ruinant les banques ! Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme depuis 1848, de mauvaises récoltes déclenchaient une « crise d’Ancien régime » à la Fernand Braudel. Mais, cette fois-ci, les mauvaises récoltes ne tombaient pas du ciel, mais des réformes libérales du capitalisme agraire dans les décennies précédentes, et du modèle capitaliste de développement lui-même, dans l’industrie et l’urbanisme.
D. L’état où nous en sommes (été 2011)
Après deux ans de renflouement du système bancaire et d’injection de dépense budgétaire, une pâle reprise se manifesta dans les vieux pays capitalistes, tandis que les pays émergents poursuivaient leur expansion rugissante [7] . Immédiatement les mêmes problèmes de fond réapparurent en 2010. À la différence de la période 2006-2008, la dette privée avait été transformée fin 2008 en dette souveraine. Et immédiatement, les banques commencèrent à mordre les mains qui les avaient renflouées. La « crise grecque » (début 2010) signifiait que, derrière la « crise de liquidité » (provisoirement résolue), apparaissait la crise de solvabilité : les crédits engagés dans un modèle de développement caduc ne seraient jamais remboursés. Et rien n’avait été fait, ni du côté de la régulation ni du côté de la répartition des revenus : les travailleurs pauvres, les chômeurs et les retraités étaient juste un peu plus pauvres, les riches avaient perdu une partie de leurs actifs fictifs, mais avaient recouvrés leurs revenus d’avant la crise. D’où la permanence de la crise écologique, aggravée par l’échec de la conférence sur le climat de Copenhague, en décembre 2009.
Mêmes causes, mêmes effets. Un second et un troisième grenier à grains (l’Ukraine et la Russie) partirent en fumée à l’été 2010, suite à une sécheresse et une vague de chaleur sans précédent. Et immédiatement une nouvelle vague d’émeute de la faim se déclencha (au Mozambique). Mais cette fois, comme en 1848, les tensions sur le prix de la nourriture entraînèrent des conséquences plus intéressantes : les révolutions démocratiques arabes.
Il n’y aura pas d’issue à cette grande crise sans un changement du modèle tout entier et en particulier sans un tournant décisif dans la crise énergie-climat. Les rapports du GIEC et de Lord Stern [8] ont fixé la fenêtre étroite pour l’action : entre 2010 et 2020. Et, tandis que la résistance des paysans et des militants écologistes a réduit les ambitions des agrocarburants, le triple accident de Fukushima (s’ajoutant à l’impossibilité de plus en plus constatée de limiter l’énergie nucléaire à ses usages civils, en Corée du Nord comme en Iran) a réduit la tendance à chercher une solution aux problèmes climatiques en accroissant les risques nucléaires.
Malheureusement, durant les premières années de la crise, les couches superficielles (la crise financière) ont rapidement évincé l’intérêt pour ces défis plus profonds. Une fois basculée des mains privées aux mains publiques, la crise de la solvabilité apparut plus clairement derrière la crise de liquidités et l’endettement des Etats se manifesta comme « Le problème ». Non mais toute l’Europe périphérique (Europe de l’Est, Portugal, Irlande) et même toutes les économies faibles de l’Europe économiquement centrale (l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et bientôt la France) sont concernées. Mais le pire restait à venir : au début de l’été 2011, le rating [9] des bons du Trésor américain fut réduit de AAA à AA.
Le rating de la crédibilité d’un débiteur par l’oligopole des 3 agences mondiales de notation est probablement de bien pauvre qualité. Elles n’ont pas détecté l’insolvabilité des subprimes, et maintenant elles donnent une meilleure note à la France qu’aux États-Unis ! Et pourtant, cette dégradation de la note signifie plus que la fin du régime libéral-productiviste : la fin d’un régime monétaire mondial qui prévalait dans les deux derniers modèles de développement (de 1950 à nos jours), le Gold Exchange Standard devenu de jure en 1971 un Dollar Exchange Standard, l’idée que le dollar est aussi bon que l’or. C’est-à-dire, implicitement ou explicitement depuis la fin de la convertibilité dollar-or, l’idée qu’une fois échangée contre un dollar une valeur (quelque actif que ce soit) est reconnue comme une vraie valeur, socialement utile et donnant droit à une valeur équivalente au niveau mondial. Du coup, le Trésor américain et en fait toute l’économie américaine pouvaient payer leur dette avec la monnaie qu’émettait le système monétaire américain. La Fed n’avait qu’à escompter des crédits à l’économie US sous forme de monnaie qui était universellement acceptée. Mais lorsque même les bons du Trésor US deviennent douteux, où est « la vraie monnaie" ? Et plus immédiatement : si un débiteur fait défaut (comme la Grèce), qu’adviendra t-il aux créditeurs (comme les banques françaises ou allemandes) ?
En fait, toute l’économie de dettes du modèle libéral-productiviste était basée sur une convention : que certains titres de dettes sont sûrs. Avec ces titres à leurs actifs, les banques commerciales pouvaient émettre de nouveaux crédits, en fonction de règles prudentielles acceptées (le ratio Cooke et ses développements [10] : Bâle I, II et III). Si la communauté financière considère que les titres de débiteurs respectés ne seront plus jamais remboursés, alors la capacité de faire crédit (ce qu’on appelle la « New Money ») se réduit, et dés lors, comment financer un nouveau modèle de développement ?
Dans les années 2010-2011 le débat commença entre économistes et responsables politiques, mais dans un premier temps (en dépit des avertissements des économistes keynésiens et même du FMI) l’opinion dominante resta que « D’abord on paie ses dettes ». On proclama dans la plupart des pays la réduction des déficits publics, mais en fait la tendance générale fut de chercher à réduire le déficit plutôt en réduisant les dépenses qu’en accroissant les impôts. Résultat : la pâle reprise provoquée par les politiques budgétaires expansionnistes de 2008-2009 agonisa à l’été 2011... D’où réduction d’activité et des rentrées fiscales et accroissement des déficits publics. Une spirale récessive, très similaire à la politique du président Hoover ou de Tardieu et Laval dans les années trente.
Le principal progrès de la période est une avancée vers la mutualisation des dettes dans le Fond Européen de Stabilisation Financière puis le Mécanisme de Stabilisation Européen (MSE) prévu pour 2013. C’est une sorte de FMI intra-européen, empruntant les fonds sur le marché mondial avec la garantie de toute l’Europe, et prêtant à ses pays les plus endettés. Mais le pas suivant (la monétisation des dettes par les opérations de la Banque centrale européenne sur le marché secondaire de la dette) crée des tensions entre les Allemands et d’autres responsables, plus keynésiens, de la direction de la BCE. Et ce mécanisme de stabilisation (indispensable pour apporter de la New Money) respecte le dogme selon lequel toutes les dettes doivent être payées, alors qu’elles étaient basées sur un modèle de développement qui est en crise.
Quand un modèle s’effondre, les crédits qui étaient basés sur lui doivent être annulés, et le seront de toute façon, soit à travers des faillites, soit à travers l’inflation, ou soit à travers quelques formes organisées de rééchelonnement, permettant le sauvetage des débiteurs sans ruiner les créditeurs, tout en offrant de la New Money, des nouveaux crédits pour un nouveau modèle. Ce fut le cas lors de la crise de l’Amérique latine dans les années 80-90 (Plan Brady), et c’est ce qui reste à inventer pour la crise présente.
Alain Lipietz
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Des éléments de ce texte ont été présentés :
- A la conférence Responding to the Crisis in International Development, 20th Anniversary Conference, International Development dept, London School of Economics, 8 sept. 2011 ;
- Comme Invited lecture to : The Global Economic Crisis and State : Alternative Approaches for Monetary and Fiscal Policies, 59th JSPE Annual Conference, Rikkyo Univ, Tokyo, 17 sept. 2011.
[2] Les banques privées qui prêtent aux Etats contribuent à la création de monnaie disponible. Ces prêts permettent une production réelle, dont une partie revient aux banques. On appelle « seigneuriage » ce gain réel qui revient à l’émetteur de monnaie –papier. Ce terme qui fleure bon le Moyen Age visait les rois qui donnaient une valeur faciale à la monnaie métallique (les Louis d’or…) supérieure au poids du métal. De même les banques qui prêtent aux Etats nécessiteux se couvrent en empruntant sur le marché mondial. La différence entre le taux du prêt (aux Etats) et le coût de l’emprunt s’appelle le « spread ». En théorie, il est justifié par le risque de défaut de l’Etat emprunteur.
[3] Deux reformes importantes du New Deal de Roosevelt. La première est une loi qui améliore les conditions de la négociation collective, la seconde est un grand chantier public d’équipement en énergie hydraulique.
[4] Equation empirique liant le taux de croisance de la productivité et la croissance tout court : plus on produit, mieux on produit. C’est le point de départ de l’idéologie productiviste.
[5] Durant les premières années, la probabilité d’accidents nucléaires majeurs était considérée comme inconnue mais extrêmement faible. Maintenant nous pouvons considérer que l’incertitude est devenue risque mesurable. Sur les 14000 premières « années-réacteurs », la fusion du cœur du réacteur est survenue 5 fois, avec, 4 fois, d’importantes émissions de radioactivité dans l’atmosphère, en Union Soviétique et au Japon. Rien n’indique à l’heure actuelle que ce genre d’accident puisse être financièrement couvert par des États nationaux, même dans le cas de ces super-puissances mondiales...
[6] Traditionnellement le bois, qui reste la source primordiale d’énergie de la majorité des humains, et maintenant les agro-
carburants.
[7] C’était également le cas en Amérique Latine dans les années 30 : les pays émergeants ont toujours la possibilité, lors d’une crise de « sous-consommation » dans les marchés centraux, de substituer le développement du marché intérieur aux exportations. Cette fois cependant il est probable que la Chine et le Brésil se heurteront très vite à la barrière écologique
[8] Le dernier rapport du Giec a établi le lien entre les dates et l’intensité des efforts accomplis- ou non- contre le changement climatique, et l’évolution future du climat. Le rapport Stern évalue le coût de ces efforts et le coût de l’absence d’effort.
[9] Le rating est une évaluation des risques de défaut (non-remboursement) de l’emprunteur, donc des risques que prend le prêteur. Elle se traduite par une note, par ordre décroissant : AAA ; AA + , etc.
[10] Les règles prudentielles fixent par exemple combien une banque doit garder en réserve quand elle fait des crédits. Il y a une vingtaine d’année, la régle était simple (ratio Cooke) : 8% . Par les négociations de Bâle, on cherche à améliorer ces règles, en tenant compte de la nature des réserves des banques.
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