Eau-Climat : Tant de temps pour un temps que nous n’avons plus

COP 24

20 février 2019

Résumé

La convention de lutte contre les changements climatiques des Nations-Unies a été adoptée en 1992. Après un premier parcours chaotique, les règles d’application de cette Convention ont été profondément révisées en 2015 lors de la COP21, baptisée accord de Paris qui a fixé un objectif partagé par tous les Etats de prendre des mesures en vue de limiter a moins de 2°C le réchauffement global de notre planète d’ici la fin de ce siècle. Les bilans successifs du GIEC, et notamment le bilan présenté en 2018 montrent, hélas, une poursuite de la hausse de la production des rejets de GES et une accélération de nombreux phénomènes liés aux réchauffements climatiques. Cet écart entre les constats des scientifiques et l’incapacité de nos sociétés à apporter des réponses adaptées aux menaces qui se profilent est inquiétante.

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Auteur·e

Redaud Jean-Luc

Ingénieur Général honoraire des Ponts et des Eaux et Forêts, a consacré l’essentiel de sa carrière à la question de l’eau, au sein du Ministère de l’Environnement, puis à la Direction de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et enfin comme expert de nombreuses missions internationales dans le domaine de l’environnement, du développement durable et du climat.
Administrateur de 4D, Membre du secrétariat d’édition de l’EDD et de l’Académie de l’eau, il préside, aujourd’hui, le Groupe de travail « Eau & Climat » du Partenariat Français pour l’Eau.



L’été 2018 s’est caractérisé en France par de nouveaux records de chaleur inconnus depuis 1900. Ceci n’est qu’un reflet d’une suite quasi-continue d’années chaudes dans notre pays comme dans beaucoup d’autres sur notre planète depuis une dizaine d’années, reflet d’un réchauffement qui s’accélère et n’est guère plus contesté.



Fin 2018 deux évènements majeurs ont venus éclairer l’actualité climatique : un nouveau rapport du GIEC sur nos capacités de limiter à moins de 1,5°C le réchauffement climatique et la Convention Climat - COP24 en Pologne. On ne peut que s’étonner de l’écart entre l’urgence signalée par les scientifiques et la lenteur des négociations internationales.
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 Le rapport du GIEC

Le rapport du GIEC publié début décembre 2018 avait pour objectifs de faire le point du progrès des connaissances susceptibles d’éclairer les décideurs sur les chemins qui permettraient de limiter la hausse du réchauffement climatique à 1,5°C. Il résulte d’une commande passée par les Etats aux scientifiques en 2015 à Paris en clôture de la COP21 à la demande notamment de certains pays qui se sentent menacés par ces phénomènes et en particulier les représentants de petites îles qui craignent des submersions marines de leur territoires.

Ce rapport comprend un résumé pour décideurs (SPM) négocié avec les Etats et 4 chapitres ; contexte général (chap1), chemins possibles pour 1,5°C (chap2), analyse des impacts (chap3) , développer des réponses globales (chap 4), liens avec développement, réduction de la pauvreté et des inégalités (chap 5) .

 Le résumé pour décideurs

Le GIEC constate en premier lieu, que la température moyenne du globe s’est réchauffée de 1°C par rapport à la période préindustrielle et que nous sommes entrés dans une ère de réchauffement de 0,17°C par décade. Le seuil de 400 ppm est maintenant dépassé alors que la courbe des rejets de GES est repartie à la hausse, au rythme actuel des rejets le budget carbone pour espérer rester en deçà de 1,5° (400 à 500 GTCO2) sera atteint d’ici 10 ans. Notre chemin actuel est un chemin qui nous conduit vers +3°C à la fin du siècle, sans modification profonde de notre modèle actuel de développement avant 2030. Les propositions actuelles des Etats (CDN) ne peuvent pas garantir les objectifs de la COP21.

Les conséquences sur notre système eau ne sont pas identifiées pour un réchauffement de +3°C et varient peu pour les scenarios 1,5°c par rapport à celles présentées dans le précédent rapport, AR5. Les études ont permis de préciser quelques annonces alarmantes sur l’évolution les glaciers de l’océan arctique et la hausse du niveau des mers. Les scenarios présentés impliquent un recours aux émissions négatives ( CDR et BECCS) [1] dont beaucoup pourraient interpeller le domaine de l’eau.

Le rapport indique clairement que mitigation et adaptation sont intimement liées, mais les principales mesures analysées visent les possibilités de réduction des GES par réduction des émissions ou amélioration des puits.

Les principales conclusions du « résumé pour décideur » (SPM) interpellant directement ou indirectement le secteur de l’eau peuvent être résumées comme suit :

  1. Les voies possibles pour rester sur une fenêtre de 1,5°C deviennent très étroites et impliqueraient d’aller vers une neutralité carbone en 2050 et d’agir fortement simultanément sur les autres GES, notamment méthane et Nox liés notamment aux activités agricoles. Ceci impliquerait de faire appel simultanément à un ensemble de mesures sur les systèmes de production d’énergie, d’émissions négatives (puits naturels ou artificiels), de sobriété et d’adaptation
  2. Risques sont sûrs pour des régions qui seront touchées par aggravation conséquence catastrophes liées aux pluies diluviennes (hautes latitudes hémisphère nord), typhons, montée niveau des mers. Les risques d’aggravation des sécheresses restent à expertiser (medium confidence) selon les contextes régionaux
  3. Sur l’adaptation, il est noté fort justement qu’il y a de multiples voies d’adaptation dépendant de contextes régionaux et sociaux mais que l’adaptation a des limites. "L’adaptation sera un défi à relever pour les écosystèmes (entre1,5°C et 2°C les coraux pourraient disparaître en totalité), l’alimentation et la santé. Ce sera un enjeu multifactoriel pour des régions vulnérables comme les petites îles et les pays les plus pauvres (LDC ). Ce dossier adaptation reste à expertiser plus profondément.
  4. L’expertise du dossier eau continentale mériterait d’être approfondie mais manque de références / besoin d’expertise régionalisées, manque de données de terrain que la télédétection ne peut pas totalement compenser, interférences avec évolutions usages, démographie, implantations humaines
  5. Le dossier « loss and dammage » qui constitue un des points de conflits entre les Etats est quasiment pas abordé.
  6. 4 scenarios d’atténuation sont présentés faisant appel plus ou moins à des effets liés à la sobriété, aux AFOLU et BECSS [2], aux systèmes de production d’énergie, ou à une forte utilisation des émissions négatives et système de séquestration de carbone
    Pour une meilleure lisibilité du graphique cliquer : Ici

     [i]

  7. Dans tous les scénarii les CDR sont mobilisés et en termes de production d’énergie, les renouvelables , mais aussi le nucléaire sont des voies appelées à se développer
  8. Pour les CDR, l’afforestation est plus efficace que l’agriculture comme puits de carbone. Développer des bioénergies avec stockage de carbone est positif pour réduire l’impact des GES.
  9. La liste les impacts humains majeurs met en évidence des risques significatifs pour certains secteurs (voir graphique joint) entre 1,5°C et 2°C. Le cas des ressources en eaux douces n’est pas identifié à ce titre : il peut être très variable selon divers contextes régionaux et souffre trop souvent d’un déficit de connaissances.
    Pour une meilleure lisibilité du graphique cliquer : Ici
  10. Le rapport pointe fort justement les complémentarités et contradictions qui risquent d’apparaître entre des projets les plus favorables aux stockages de carbone (comme l’afforestation et le développement des bioénergies) et certains ODD comme l’affectation des terres, la sécurité alimentaire ou la biodiversité. D.3.2, 4.3
  11. Ce rapport montre les liens à faire avec le développement et en particulier avec les ODD. L’ODD6 sur l’eau est identifié comme un secteur où des compromis devront être cherchés.

 Progrès des connaissances sur l’eau

Le résumé pour décideurs comporte peu de considérations sur le cas des eaux douces . Ces problèmes font néanmoins l’objet de développements dans les rapports, notamment aux chapitres 3, 5. Un point est fait de l’évolution des connaissances sur le cycle des eaux continentales (chap3.3.4, 3.3.5 et 5.4.2), mais apporte peu d’innovations par rapport aux données recueillies pour l’AR5.

Concernant les températures et les pluies, le rapport (3.3.1) note pour 1,5°C, un réchauffement des températures généralisé avec de très fortes hausses sur les hautes latitudes de l’hémisphère nord (hc), un accroissement de la fréquence et intensités des fortes pluies dans plusieurs régions (hc), un accroissement des sècheresses dans quelques régions (mc). Entre 1,5°c et 2°C, les pertes de pluviométrie touchent les mêmes régions en étant aggravées.

Pour une meilleure lisibilité du graphique cliquer : Ici

Sur les risques d’aggravation des sécheresses (3.3.4), les études rappellent que les cause peuvent être diverses, qu’il est difficile d’impliquer des causes sûres de différence entre 1,5°C et 2°C au climat plutôt qu’à une intensification des prélèvements. Les études confirment l’identification des régions sensibles que sont la Méditerranée, l’Afrique de l’ouest et le sud de l’Afrique et le Sud-Ouest des Etats-Unis. Sur les écoulements et les débits des grands fleuves il n’y a pas pour l’instant d’identification d’évolution statistiques significative d’identifié, sauf dans certaines régions une aggravation des phénomènes d’inondations (3.3.5).

.Le cas des océans et des glaces semble avoir fait l’objet d’expertises plus complètes. La montée niveau des mers serait accrue de 10cm entre1,5°C et 2°C ; les modèles actuels prévoient pour 1,5°C hausse de 0,26 à 0,77 et pour 2°C, hausse supplémentaire de 0,04 à 0,16. Une hausse de 0,1 m affecterait environ 10 millions de personnes. La montée du niveau des mers se poursuivra après 2100 pour 1,5°C.

Les études sur les cyclones et tempêtes tropicales (3.3.6) ne mettent pas en évidence d’évolution significative de l’occurrence et de l’importance de ces phénomènes au cours des dernières décennies , comme entre 1,5°C et 2°C. IL est toutefois noté que des pluies violentes associées à des cyclones ont des probabilités de s’accroître avec le réchauffement climatique (IPCC SREX).

L’expertise du dossier « eau continentale », qualifiée de « medium confidence » doit sans doute être renforcée : cela traduit une faiblesse des références sur ce sujet dont les causes sont bien identifiées : besoin d’études régionalisées, manque de données de terrain que la télédétection ne peut pas totalement compenser, interférences avec évolutions usages, démographie, implantations humaines.

Environ 80% de la population mondiale est confrontée à de graves menaces pour la sécurité en eau développement : environ 8% devrait voir ses ressources en eau diminuer pour un réchauffement de 1,5°C, ce chiffre pourrait monter à 14% (+ 180 à 270 millions) pour 2°C.

Une aggravation des impacts liées aux risques d’inondation (évènements pluviométriques extrêmes et montée du niveau des mers) est particulièrement notée.
Dans le chapitre final, le rapport établit à juste titre le lien à faire entre lutte contre les changements climatiques et ODD en notant que les populations soumises aux plus grands risques sont celles qui souffrent aujourd’hui d’un faible développement. A ce titre de nombreux pays de l’Afrique sub-saharienne de l’ouest apparaissent particulièrement menacés par des risques de canicules aggravées, sécheresses ou envahissement des côtes par la montée des mers.

  Quels chemins pour les prochaines décennies ?

Ce rapport analyse surtout les voies qui nous permettraient de rester sur le chemin des 1,5°C et l’écart des menaces avec 2°C, avec notamment une clarification de l’importance qu’on devra accorder au chapitre des puits, pour éviter le chemin actuel qui nous conduit vers les 3°C à la fin du siècle. Il ouvre des perspectives sur les besoins d’adaptation et les liens avec les ODD, mais sur ce point soulève montre qu’il reste des besoins d’expertises à approfondir pour identifier des voies de cohérence entre développement et lutte contre les changements climatiques.

Deux nouveaux rapports du GIEC seront déposés en septembre 2019 sur océans et cryosphère d’une part et désertification et gestion des terres d’autre part .Il est souhaitable que le prochain rapport de l’AR6 en 2022 face état d’un progrès des connaissances sur les risques régionaux de modification du cycle des eaux douces liées aux changements climatiques et les problèmes de compétition qui pourraient être liées à une accroissement des besoins en eau liés à un fort développement des puits de carbone faisant appel aux forêts ou bioénergies.

 La COP 24 - Bilan de Katowice

La COP 24 a été placée sous la Présidence de la Pologne pays qui n’a pas manqué d’être interrogé sur ses intentions notamment concernant l’utilisation du charbon qui reste une ressource majeure revendiquée par ce pays qui venait d’inaugurer une nouvelle centrale géante électrique à charbon. La Pologne a fait d’une « transition juste » une de ses priorités, qui s’est réduite par la déclaration de Katowice signée par quasiment tous les pays présents. Une déclaration qui appelle à une décarbonisation rapide de nos économies , bien accueillie par les pays pauvres au nom des « responsabilités communes mais différenciées », mais revendiquée, aussi, par de nombreux autres pays pour justifier des adaptations « progressives » aux objectifs de lutte conte les changements climatiques (parmi lesquels les pays charbonniers ou pétroliers).

Trois ans après l’accord de Paris (APA), cette COP avait 3 grands objectifs

  1. Finaliser un guide d’application de l’APA (le « rule-book »)
  2. Organiser une relève de l’ambition des engagements des Etats
  3. Tirer un bilan de l’action collective dans le cadre du dialogue de Talanoa

 Une avancée : un accord sur le contenu d’un « rule-book »

Sur le point 1 des progrès sérieux sont enregistrés concernant les des informations à fournir pour répondre à l’APA sur des efforts de réduction des rejets de GES et dans les NDCs _(art4), d’évaluation des besoins d’adaptation (art7) , des mécanismes de financements (art9) , de transparence des informations (art 13) et de l’inventaire final à établir (art14). Aucun accord n’a pu être trouvé sur l’application de l’article 6 – approches coopératives-qui portent sur les mécanismes de marché pour éviter les doubles comptes. Les dispositions adoptées comportent de nombreux mécanismes de flexibilité pour pouvoir s’adapter aux capacités des pays et certains des moyens de mise en œuvre essentiels (adaptation, loss and dammage) restent encore flous ou sont renvoyés à plus tard (art 6).

L’un des éléments clés du « paquet de Katowice » est un cadre de transparence détaillé, destiné à promouvoir la confiance entre les pays. Il reconnaît que tous contribuent tous à la lutte contre le changement climatique. Il explique comment les pays transmettront des informations sur leurs plans d’action nationaux, y compris la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que sur les mesures d’atténuation et d’adaptation.
A Katowice, un accord a été conclu sur la manière de comptabiliser de manière uniforme les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et les puits dans leurs NDCs (anthtropogenic emission and removal), si les pays les plus pauvres estiment qu’ils ne peuvent pas respecter les normes, ils peuvent expliquer pourquoi et présenter un plan pour renforcer leurs capacités à cet égard. Les modalités d’évaluation font références aux travaux du GIEC, mais laissent de grandes marges de souplesses. Une forte incertitude concerne l’évaluation des contributions des puits naturels (forêts) ou artificiels (culture bioénergétiques, capture de carbone atmosphérique ou séquestration en sous-sol). Une note récente de l’IDDRI [3] montre que les perspectives d’obtenir la neutralité carbone grâce aux puits naturels ou artificiels reste incertaine : le passage des travaux de recherche à des actions de terrain de vaste ampleur s’avère lent et d’une efficacité limitée, des effets négatifs liés au réchauffement pourraient ne sont pas à négliger (réchauffements des sols), les pratiques négatives pour le climat de gestion de la biosphère restent dominants e persistants (déforestations, dégradation des sols agricoles, agriculture intensive. On peut au demeurant noter que dans le rapport du GIEC la mesure la plus sûre affichée serait la reforestation...ce qui n’empêche e pas le Brésil d’annoncer son intention de mettre en cultures de nouveaux espaces forestiers. Il est certain que la priorité devrait aller à la réduction des GES au vu de l’urgence soulignée par le GIEC et beaucoup craignent que des pays mettent en avant des process de captage naturels ou artificiels de carbone plus ou moins incertains comme alternative, voire demain des processus de geo-ingenièrie dont le GIEC a pourtant souligné qu’aujourd’hui on ne maitrisait pas les effets.

La présentation de programmes d’ adaptation dans les NDCs n’est pas obligatoire, mais il est certain que la majorité des pays menacés souhaitantémarger aux financements climat ne manqueront pas de présenter ces programmes qui feront l’objet d’un examen officiel. La caractérisation de ce que pourraient être de « bons projets » d’adaptation reste largement à définir : des projets qui concourent à la fois à l’atténuation et l’adaptation devraient être privilégiés, comme les programmes d’économie d’eau, d’autres programmes, potentiellement fort consommateurs d’énergie, se révèleront incontournables comme tous les programmes de lutte contre les catastrophes naturelles, enfin les projets liés à des programmes de développement devraient privilégier les technologies économes ou productrices d’ énergie, dans le secteur biosphère devraient être privilégiés des programmes concourant à mieux stocker le carbone (gestion forêts, cultures et sols) ou de protection contre les atteints à notre biodiversité. Il est, aussi, vrai que les risques de mal-adaptation de projets de développement sont malheureusement réels dès aujourd’hui et devraient être évités.

Autre résultat notable de ces négociations : les pays se sont mis d’accord sur la manière d’évaluer collectivement l’efficacité de la lutte contre le changement climatique en 2023, l’inventaire final des DC révisés en 2028 et sur la manière de surveiller et de rendre compte des progrès accomplis en matière de développement et de transfert de technologies.

 Une déception : le passage à l’action

Les ambitions actuellement affichées parles Etats (NDCs) ne sont pas conformes à l’accord de Paris et conduisent vers un relèvement des températures supérieure à 3°C au lieu de 2°C Peu de progrès ont été adoptés concernant les promesses de relèvement de ces ambitions. Une coalition pour une haute ambition a été lancée par 70 Etats dont la France fait partie, le Commissaire européen a confirmé l’ambition de l’UE de relever se ambitions. Toutefois ces annonces ne sauraient cacher les réserves exprimées publiquement exprimées par l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Usa et la Russie sur l’urgence des décisions à prendre soulignée par le GIEC ; les pays de l’UE ont eux-mêmes apparus très divisés entre pays de l’Europe de l’est souhaitant , à l’instar de la Pologne l’organisation d’une transition maitrisée dans le temps et pays d’Europe de l’ouest empêtrées dans de graves crises politiques et loin encore, à l’image de la France et de l’Allemagne d’assurer les engagements déjà pris. Dans ces conditions ce sont les pays pauvres qui sont apparus souvent comme les plus fervents avocats de l’accord de Paris en mettant, en avant leurs inquiétudes à faire face aux obligations d’adaptation qui allaient les menacer et les obligations de transitions justes conciliant respect des ODD, lutte contre les changements climatiques et solidarités nord-sud.

Sur l’épineuse question du financement, la mise en place des solidarités financières, notamment l’engagement des pays riches d’affecter 100milliards par an à destination des pays en développement a constitué une source de difficiles négociations. Des annonces importantes ont été faites en ce sens par la Banque Mondiale qui a annoncé un doublement de son objectif pour la période 2021-2025 (200 milliards $), par l’Allemagne et la Suède pour le Fonds Vert pour le Climat, et par un ensemble de pays européens (Allemagne, Suède, UE , Benelux, etc.) pour 129M€ en faveur du Fond d’Adaptation (dont 15M€ par la France). Les pays pauvres estiment néanmoins que les promesses de financement ne sont pas satisfaites et que les crédits consacrés à l’adaptation sont encore loin de représenter la moitié des financements climatiques, comme promis.

Si les pays en développement s’accordent sur l’importance d’améliorer la transparence sur les financements, les Etats-Unis, l’Australie et le Japon, ont de leur côté proposé un texte commun excluant toute avancée sur ce plan.

Quelques dossiers majeurs ontdu être reportés comme l’application de l’article 6 sur les mécanismes de coopération ou ont fait l’objet d’avancées faibles comme le sujet des pertes et dommages.

Enfin même si l’intérêt de faire un lien entre lutte conte les changements climatiqueset développement a été reconnu par une majorité de pays beaucoup notent que le texte final adopté est faible sur les dimensions sociales, du genre ou liés aux droits humains, avec des références absentes aux ODD. Il est dommage que le gros travail qui a été fait pour établir une batterie d’indicateurs des ODD ne soit pas croisé avec le travail fait dans le cadre de la convention climat pour établir un inventaire des progrès sur le versant climatique.

 La participation des acteurs non-étatiques, le dialogue de Talanoa

Tous les pays se sont félicités des échanges et de l’enrichissement acquis par les dialogues multi-acteurs organisés dans le cadre du dialogue de Talanoa lancé à l’initiative des iles Fidji, Présidente de la COP 23 et ont lancé un appel à l’action. Cet appel rappelle le rapport du GIEC et appelle les pays à accélérer leurs actions avant 2020 et à relever leurs NDC, ainsi qu’à développer des stratégies de long terme.

Cette COP revêtait un caractère plus institutionnel que les précédentes les espaces de dialogue multi-acteurs et les espaces de négociation étaient mélangées, mais le contexte des négociations très techniques cette année a conduit cette année les représentants officiels des Etats à travailler derrière des portes closes aux autres participants. Malgré quelques initiatives française (Comite 21, collectif Climate Chance), cela s’est traduit par une présence des acteurs de la société civile (entreprise, ONGs,) comme des villes et collectivités plus faible que dans les précédentes réunions. Cela est dommage car ce sont les villes et les entreprises qui seront demain les principaux moteurs des progrès sur le champ climatique.

 Le secteur de l’eau





Le sujet de l’eau a fait l’objet de multiples side-events et évènements à l’occasion de cette COP, à l’initiative du PFE, de ses membres (OIEau, Ps-Eau, SIE-SEE etc.) mais également de ses partenaires internationaux (SIWI, AGWA, Conseil Mondial de l’Eau, Nownet etc.).




Dans le cadre du Partenariat de Marrakech, une demi-journée officielle a été organisée sur ce sujet : cette demi journée est restée néanmoins assez formelle avec un impact très faible sur les négociations.

Dans le secteur de l’eau qui subira particulièrement les impacts des changements climatiques, il existe de multiples solutions peuvent être mises en œuvre pour faire face à ces défis en matière d’adaptation comme de mitigation. Ces actions reposent pour partie sur les moyens d’économiser l’eau ou l’énergie en faisant appel autant à des changements de comportements venant des usagers comme à des progrès technologiques (dessalement, re-use, économies et production d’énergie, etc.), mais nécessiteront, sans doute, aussi, la réalisation d’infrastructures lourdes pour faire face aux risques majeurs d’inondations (digues, déplacements d’équipements en bord de mer, etc.) ou de sécheresses (canaux, barrages). Il est, aussi, sans doute nécessaire de réexaminer à ce titre nos connaissances permettant d’aller vers une meilleure vision intégrée de toutes les activités liées au cycle de l’eau par bassin versant (GIRE), et avec toutes les facettes du développement économique et social (ODD, Nexus).

Enfin les perspectives d’un fort développement de cultures bio-énergétiques avec production d’életricité et séquestration de carbone doivent être examinées avec précaution au vu des impacts potentiels sur le cycle des eaux continentales. Les surfaces à mettre en œuvre pour espérer des effets significatifs de réduction des GES sont en effet gigantesques : elles mobiliseront des prélèvements concurrents d’autres usages ou de l’équilibre des milieux naturels et des systèmes de cultures intensifs, potentiellement polluant pour rester économiquement viables.

L’analyse des premières contributions des Etats a montré que le secteur de l’eau était la préoccupation dominante sur laquelle les Etats souhaitaient engager des mesures d’adaptation, il existe une grande diversité de réponses possibles faisant appel à des innovations technologiques ou sociales dont beaucoup peuvent aussi concourir à l’atténuation par le recours aux économies d’énergie, aux circuits de recyclage voire à la production d’énergies. Il est néanmoins certain qu’entre un réchauffement de 1,5°C et 3°C les besoins d’adaptation seront considérablement accrus, pourront générer des évolutions naturelles irréversibles et que l’insécurité hydrique risque de conduire dans certaines régions à des migrations humaines massives.

 Conclusion

« Attendre pour voir avant d’agir signifie attendre qu’il soit trop tard » dixit le rapport Charney en 1979.
Depuis les alertes se succèdent ...

Lors de cette COP24 un pas important a été franchi : les pays se sont accordés sur le « mode d’emploi » du pacte de Paris, avec des règles aussi essentielles que le mode de vérification des engagements. Le passage à l’action n’est malheureusement pas là encore :une révisiondes engagements actuels des Etats est nécessaire pour éviter d’aller vers un réchauffement sensiblement supérieur à 2°C : celle-ci risque d’attendre 2020, au mieux, plus sûrement 2025, voire 2030 échéance fixée pour l’inventaire final. On ne peut que s’inquiéter de l’écart entre l’urgence d’agir soulignée par le GIEC et la lenteur des réactions d’un système international dans lequel un petit groupe de pays peut bloquer tout progrès
L’urgence reste donc à la réduction des rejets de GES.. ce que personne n’a envie d’entendre car cela suppose une modification assez profondes de nos modes de vie. Le recours aux puits naturels ou artificiels est peut-être utile mais n’est jamais qu’un pis-aller tant l’’efficacité des actions envisagées sur les océans ( la fertilisation des mers !), comme sur la biosphère (forêts, cultures, sols) s’est révélée pour l’instant très faible et risque d’être demain incertaine.
La mise en œuvre de programme d’adaptation que certains jugeaient avec méfiance craignant de voir là une alternative à l’atténuation est malheureusement devenue une contrainte incontournable pour nombre de pays.
La réussite de l’accord de Paris dépend autant d’une mobilisation de tous les acteurs de la société civile que des engagements des Etats.
Dans le monde de l’eau un large panel de solutions peuvent être mises en place tant pour réduire l’empreinte de ces activités sur le climat que pour s’adapter aux menaces à venir. Le Partenariat Français pour l’Eau (PFE) a établi plusieurs recueils de ces solutions et fait les recommandations suivantes à la lecture du rapport du GIEC [4]
Toutes ces actions devraient être mises en œuvre sans tarder.
Mr Guterres, S.G. des Nations-Unies, conscient des dangers qui pèsent désormais sur la réussite de l’accord de Paris a appelé à un sursaut des Etats et a décidé de provoquer un nouveau sommet en septembre prochain.

À l’heure du bilan, personne ne semble vraiment étonné d’un résultat en demi-teinte : certes, samedi 15 décembre, près de 200 États ont adopté les règles d’application de l’accord de Paris, ce qui permettra de le rendre opérationnel, mais l’impulsion à faire plus et mieux contre le réchauffement n’a pas été donnée, alors même que les signaux climatiques sont au ’rouge’.

°O°

La grande majorité des réactions notées après cette COP traduisent cette insatisfaction :

«  The agreement struck in Poland is not strong enough, but the UN process is all we have  » - Guardian 161218
«  This time, Africa wants action on climate  » - Africa Times
«  Climate negociation reach an overtime deal to keep Paris Pact alive  » – New-York Times
«  Un climate accord »inadequate« , and slack surgency experts warn  » – The guardian
«  Katowice delivers Paris Rulebook, but not every one is happy  » - Indian express
«  On attendait que l’urgence de la situation soit reconnue. Mais l’accord final note simplement que le rapport a été rendu en temps et en heure. C’est très décevant  », note Jean Jouzel
«  Le sommet, qui s’est achevé samedi en Pologne, a réussi à rendre opérationnel l’accord de Paris de 2015, mais a échoué à engager une hausse collective des efforts » – Le Monde
« La science a clairement montré que nous avons besoin d’ambition accrue pour battre le changement climatique », a déclaré Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU
« Nous ne manquons pas de solutions. Mais pour que la majorité des acteurs les réplique à grande échelle, nous manquons de volonté politique et d’incitations économiques » - Antoine Frérot, PDG de Veolia.

Espérons que la COP 25 au Chili sera celle de la relance.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1CDR : carbon dioxyde removal, BECCS : Bio Energy with Carbon Capture and Storage

[2AFOLU : secteur terres et forêts

[iCe graphique, ainsi que les 2 suivants, ont pour source.. https://meteo.lcd.lu/BLOG/SR15_ever....

[4Voir sur le site du PFE www.partenariat-francais-eau.fr.

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 Lire dans l’encyclopédie

* Bettina Laville : « Contraindre les Etats et les éléments » publié dans la revue ’ Energie - Environnement - Infrastructures ’ - Revue mensuelle LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - Février 2016, http://www.comite21.org/docs/actual...
* Géraud Guibert : Fabrique écologique, "COP21 : Quel résultat pour quel impact ?, Décembre 2015,
http://media.wix.com/ugd/ba2e19_2f6...
* I4CE : Point climat, N° 38 ; « Cop 212 : un succès qui marque la fin du commencement », 18/12/2015 , https://www.i4ce.org/download/point...

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