La cohésion sociale passeport pour l’identité calédonienne
Le développement durable en Nouvelle Calédonie et à Nouméa.
Résumé
Forte de sa diversité culturelle et de la richesse de ses ressources naturelles - biodiversité, lagon et présence abondante de minerai de nickel dans ses sous-sols - la Nouvelle-Calédonie dispose d’atouts considérables. La perspective d’un nouveau statut de l’île rend nécessaire un développement équilibré garantie d’un ééquilibrage territorial, ainsi que d’une résilience écologique et économique. Mais les évolutions institutionnelles à venir ne peuvent s’incarner qu’à travers l’expression d’une identité
calédonienne commune, dont la cohésion sociale est le vecteur.
Cette fiche a été co-rédigée par Liliane Duport et Sarah Née de 4D ainsi que par Natacha Berlin et Louise Vaisman d’Adage Environnement pour les parties relatives à Nouméa.
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Auteur·e·s
Diplômée de chimie analytique et d’économie rurale (EHSS) elle a travaillé au ministère de l’agriculture, puis au ministère de l’environnement sur les questions relatives à l’eau et à la gestion des rivières. Elle a coordonné l’élaboration du Cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux.
A 4D, elle a participé au projet « Archipel des régions » qui présente, par région, les avancées du développement durable et les grands défis qui se posent aux territoires. Elle est membre du secrétariat d’édition de l’Encyclopédie du développement durable
L’archipel de la Nouvelle-Calédonie est situé à 16 700 km de la métropole dans l’Océan Pacifique. Cet archipel d’Océanie à 1 500 km à l’est de l’Australie et à 2 000 km au nord de la Nouvelle-Zélande, est composé d’une île principale : la Grande Terre et de plusieurs petites îles. La Grande Terre est traversée du Nord au Sud par une chaîne de massifs qui divise l’île en deux régions distinctes : la côte Est, caractérisée par ses vallées profonde et la côte Ouest, plus découpée, avec des plaines propres à la culture et à l’élevage surplombées par des massifs riches en minerais. Les lagons de la Nouvelle-Calédonie ont été inscrits en 2008 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et reconnus mondialement pour leur « valeur universelle exceptionnelle ». Nouméa, capitale de la Nouvelle-Calédonie située sur la Grande Terre, est la plus grande agglomération de l’archipel ; deux tiers de la population y réside.
Cartographie des nouvelles aires urbaines, source INSEE, recensement de la
population 2007, exploitation principale, ©IGN - INSEE 2011
La Nouvelle-Calédonie se distingue par l’évolution progressive de son statut et de ses liens avec la lointaine métropole. Collectivité d’Outre-mer « à statut particulier », dotée d’institutions conçues pour elle seule, elle se voit transférer, de manière progressive mais irréversible, certaines compétences de l’Etat. Le territoire est aujourd’hui engagé vers une nouvelle phase de son histoire. En effet, la consultation de la population par référendum entre 2014 et 2019, permettra de déterminer l’autonomisation de l’île ou son maintien au sein de la République française.
Forte de sa diversité culturelle et de la richesse de ses ressources naturelles - biodiversité, lagon et présence abondante de minerai de nickel dans ses sous-sols - la Nouvelle-Calédonie dispose d’atouts considérables. Cependant, même si le taux d’emploi s’est accru en vingt ans, la population calédonienne doit faire face à un clivage persistant sur le marché du travail selon la communauté d’appartenance de ses habitants. Le taux de chômage et l’absence de qualification touche particulièrement les jeunes et la polarisation du secteur économique autour de l’exportation du nickel n’est pas sans soulever quelques interrogations sur le futur de cette monoactivité industrielle, la préservation de la biodiversité et de la santé des travailleurs.
Quelques chiffres clés : Nouvelle-Calédonie et Nouméa Superficie : 18 575 km2* ; Zone Exclusive Economique (ZEE) : superficie d’environ 1,4 millions de km2 IDH : 0,87 pour la Nouvelle-Calédonie ** ; 0,884 pour la France en 2011 Emissions de gaz à effet de serre : 11,2 tonnes par personne et par an soit 1,8 fois le niveau de la métropole** Consommation énergétique par hab. : 3,7 tep/an (en France ?) *The Word Factbook **Nouvelle-Calédonie 2025 *** INSEE, 2009 |
Un territoire vulnérable économiquement et écologiquement
Le territoire se caractérise par son appartenance à la région Pacifique. L’Océan Pacifique héberge 40 % des récifs coralliens de la planète. Ces écosystèmes maritimes représentent à la fois un patrimoine mondial exceptionnel de biodiversité et une source de revenus indispensables pour les populations locales. Pourtant, l’extraction de matériaux, les techniques de pêche agressives, la croissance des rejets polluants en zone littorale, l’érosion et les catastrophes climatiques menacent ces espaces fragiles et vitaux, les modes de vie insulaires, une culture héritée de la terre. La Nouvelle-Calédonie doit faire face à des défis importants liés à sa vulnérabilité économique et environnementale, même si elle est au 5ème rang des producteurs mondiaux de nickel et dispose du quart des réserves mondiales.
Une double dépendance économique
La Nouvelle-Calédonie est marquée par une forte dépendance économique notamment vis-à-vis des financements métropolitains mais également vis-à-vis du nickel, principale exportation du pays. A elles deux, ces sources de financement correspondaient à 16 % du PIB en 2007. La forte dépendance aux importations et les faibles exportations (en dehors du Nickel) place la Nouvelle-Calédonie dans une situation fragile. En effet, les forts investissements dans le Nickel font craindre un syndrome hollandais – syndrome caractérisé par une dégradation de la performance de secteurs clés suite à la génération brutale par de rentrées financières importantes par un seul domaine d’activité. La production du nickel a connu sept crises graves et quatre « booms » importants, avec un marché au plus haut en 2007 et retombé depuis. En 2010, la production avoisinait les 130 000 tonnes de nickel par an. Le contrôle de l’activité minière revient à chacune des trois provinces qui accordent elles-mêmes les autorisations sur son territoire. Mais l’exploitation du minerai conduit à des ruptures d’équilibre entre les provinces et le défi est au rééquilibrage économique de la Province Nord. Le récent accord donné par l’entreprise minière Suisse Xstrata pour un investissement de 3,85 milliards de dollars dans le projet Koniambo, site qui abrite la plus importante réserve de nickel non exploitée au monde, devrait permettre ce rééquilibrage.
Paradoxalement, si le secteur minier constitue une manne pour les investisseurs financiers, les retombées économiques pour le territoire connaissent leurs limites - symptôme de la « malédiction des matières premières » - et les facteurs de risques, sociaux et environnementaux s’accroissent. Les retombées en termes d’emplois s’affaiblissent (4 % de l’emploi salarié en 2006, 17 % en 1969). De plus, l’importance des investissements dans un domaine d’activités unique fait planer le risque de dégradation de la performance des autres secteurs clés. Par ailleurs, il s’avère que le minerai de nickel calédonien contient des matériaux amiantifères, facteurs de risque pour les professionnels du secteur.
Biodiversité : une richesse menacée
Le secteur minier constitue la principale menace à la préservation des ressources naturelles de l’île. La Nouvelle-Calédonie fait figure de 2ème Hot-Spot [1] Mondial de biodiversité. Bien que 20 fois plus petite que la métropole, elle présente autant d’espèces végétales que cette dernière et notamment 3261 espèces de végétaux vasculaires dont 76 % sont endémiques. L’archipel dispose d’une biodiversité marine exceptionnelle, préservée au sein de la seconde barrière de corail au monde en superficie et érigée en 2008 au rang de patrimoine mondial de l’UNESCO. 9372 espèces marines sont identifiées, ainsi que de nombreux sites de nidifications pour tortues marines et des zones de reproduction d’espèces menacées (baleines, oiseaux)… Ce milieu est cependant extrêmement menacé par les activités humaines dont l’extraction du nickel et les espèces envahissantes.
Les pouvoirs publics mettent en place des mesures visant à améliorer le traitement des eaux et des déchets, ainsi que la gestion des risques afin de protéger la biodiversité de l’archipel. A ce titre, l’autorisation d’exploitation commerciale du gisement de nickel-cobalt d’envergure internationale du plateau de Goro, au sud de la Grande Terre a attisé les controverses sur sa compatibilité avec la préservation de la biodiversité locale et de la santé des travailleurs. En effet, malgré un discours qui se veut rassurant de la part de l’exploitant sur les normes de contrôle environnemental - mise en place d’études d’impact, mesures de traitement des effluents et des déchets et réhabilitation paysagère et végétale des sites - plusieurs associations et acteurs de la société civile s’inquiètent. Ainsi, en août 2011, l’association « Ensemble pour la planète » a effectué une requête auprès du gouvernement métropolitain et de celui de Nouvelle-Calédonie, visant à établir un « bilan économique, social/sociétal, environnemental et sanitaire de 150 ans de nickel en Nouvelle-Calédonie » en y intégrant toutes les externalités négatives.
Un potentiel en énergie renouvelable encore sous exploité
L’essentiel des besoins énergétique de la Nouvelle Calédonie est couvert par l’importation de combustibles fossiles en provenance d’Asie Pacifique. 96,5 % de l’énergie primaire est importée, même si le potentiel en énergies renouvelables de l’île est
important (qu’il s’agisse du solaire électrique, thermique, de l’éolien ou de l’hydraulique). Des mesures ont été prises dans ce domaine dès 1981, avec la création du Comité Territorial pour la Maîtrise de l’Energie (CTME), visant des économies d’énergie et le développement des ENR [2]. Actuellement, 20 % de la production électrique est issue d’énergies renouvelables. Cette nécessité d’opérer une transition énergétique est d’autant plus pressante que le niveau d’émission des gaz à effet de serre par habitant est de 1,8 par rapport à celui de la métropole. Il n’existe à l’heure actuelle pas de plan de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, l’île n’étant pas concernée par le protocole de Kyoto, et la prise en compte des enjeux énergétiques et climatiques dans les politiques publiques est encore faible.
L’emploi entre moteur du développement et révélateur des déséquilibres
Un contexte de forte expansion démographique et de l’employabilité
Si l’emploi caractérise la dynamique d’un territoire, cette corrélation est encore plus nécessaire pour un territoire insulaire éloigné de 17 000 km de sa métropole, avec une démographie en pleine expansion et un rattrapage des niveaux et modes de vie fondé sur la consommation. Avec son solde migratoire positif de 500 personnes par an et son solde naturel annuel de 2600, la Nouvelle-Calédonie est un territoire avec
Les richesses naturelles : une dimension indissociable de l’identité kanak et un élément important de l’identité calédonienne « Pour les clans kanak, le patrimoine naturel est fondamental pour assurer la subsistance, mais aussi pour garantir leur ordre identitaire et culturel, pour se reconnaître comme complémentaires les uns vis-à-vis des autres. La mer et la terre constituent, dans une même unité, un territoire vital et un ciment pour le développement pacifié de la communauté. Le territoire du clan est intimement connu de celui-ci, et la gestion de ses ressources respecte des règles sociales fortes : ne pas prélever au-delà des besoins, se présenter et faire un geste coutumier dans les zones dont on n’est pas issu, être respectueux envers les espèces et les lieux à forte charge symbolique, etc. Il est unanimement reconnu que cette vision kanak a influencé la relation des Calédoniens d’autres origines par rapport à l’environnement. L’environnement participe à l’évidence des enjeux du « destin commun », et doit être pris en compte dans l’intention de « refondation d’un contrat social entre toutes les communautés », inscrite dans l’accord de Nouméa. » Extrait de l’Atelier 6 Environnement et cadre de vie du Schéma d’Aménagement et de Développement de la Nouvelle Calédonie, Nouvelle Calédonie 2025 |
les pratiques territoriales de développement durable en Nouvelle Calédonie |
La cohésion sociale, ferment de la transition statutaire ? En 1946, la Nouvelle-Calédonie devient territoire d’outre-mer et la citoyenneté française est accordée aux Kanak. L’accord de Nouméa, signé en 1998, a permis la poursuite du transfert de compétences de l’Etat français vers la Nouvelle-Calédonie, ce qui a conféré une plus grande autonomie à l’archipel, notamment dans le domaine de la protection de l’environnement, de l’exploration et de l’exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol (réglementation minière) et des eaux de l’océan situés dans la Zone Economique Exclusive. Cette loi organique a aussi statué sur la reconnaissance du peuple Kanak. Cependant, le fonctionnement de l’archipel est encore dépendant de la métropole qui détient les compétences régaliennes de la justice, l’ordre public, la défense, la monnaie et les affaires étrangères et financièrement. (12% du PIB en 2007). |
une population en expansion (plus 53 000 habitants dans 15 ans selon NC 2025). La population est dans l’ensemble jeune avec une forte représentation des moins de 15 ans mais également vieillissante, les projections estimant que le nombre de personnes ayant plus de 65 ans devrait tripler d’ici 15 ans. Bien qu’en baisse, l’exode rural qui caractérise les communes de la côte est, et les communes
insulaires,est encore marqué. Ainsi on estime à 500 personnes par an, l’exode vers Nouméa entre 1996 et 2004. Cet exode est à mettre en relation avec une répartition inégale de l’activité économique, la cherté de la vie et la difficulté d’accès aux services en dehors des grandes agglomérations.
Le taux d’emploi de la Nouvelle-Calédonie, qui était de 57,9 % en 2009, atteint un niveau nettement supérieur à ceux mesurés dans l’Outre-mer français et dans les petits états insulaires du Pacifique. Au recensement de 2009, 95 500 personnes de 15 à 64 ans occupaient un emploi, ce qui correspond à un accroissement de 75 % en 20 ans. Par ailleurs, une part plus importante de la population féminine a rejoint le marché du travail. L’expansion économique que connaît la Nouvelle-Calédonie depuis les années 90 est un puissant moteur pour l’emploi, voire de mutation sociale. Parallèlement, la nature de l’emploi a évolué. La tertiarisation de l’économie a fait émerger un besoin croissant en postes qualifiés tandis que se poursuivait le déclin agricole.
Ces dix dernières années, la croissance économique a été corrélée à une forte croissance des recettes fiscales, ce qui a permis de réduire la dépendance des finances publiques vis-à-vis des transferts métropolitains. Quatre grands secteurs ont contribué à la croissance de l’économie : les services non marchands, les services aux ménages, le secteur du nickel et le BTP (Bâtiments Travaux Publics), qui a connu un essor important en raison du développement des projets miniers.
Une volonté de rééquilibrage territorial et social
Compte tenu du chantier de Goro Nickel, la prédominance de la province Sud s’est renforcée : en 2006, plus de 90% des nouvelles offres d’emploi se situaient dans la province Sud, contre 9% dans la province Nord et moins de 1% dans celle des îles Loyauté. Trois emplois sur quatre sont concentrés dans la zone du Grand Nouméa. Un rééquilibrage territorial est voulu à l’échelle de l’archipel par les autorités politiques. Ce rééquilibrage passe par des actions localisées au niveau de chaque province. Ainsi, le pôle de rééquilibrage Voh-Koné-Pouembout dans le territoire Nord connaît une croissance démographique importante et un fort développement via le développement de l’activité minière et métallurgique qui passe notamment par la création d’une usine, mais aussi le développement économique de divers secteurs (artisanat, petite industrie, commerce, etc.). Afin de répondre à ces enjeux de cohérence de développement sur le territoire, un schéma d’aménagement et de développement est en cours d’élaboration.
Si les déséquilibres entre communautés ont commencé à se résorber de profondes inégalités persistent. L’écart de taux d’emploi entre Kanak et non Kanak se réduit et les Kanak accèdent plus souvent aux fonctions d’encadrement. Néanmoins, l’emploi des Kanak demeure généralement peu qualifié et ils restent beaucoup plus exposés au chômage, particulièrement lorsqu’ils résident en tribu.
La perspective d’un nouveau statut de l’île rend nécessaire un développement équilibré garantie d’un rééquilibrage territorial, ainsi que d’une résilience écologique et économique. Mais les évolutions institutionnelles à venir ne peuvent s’incarner qu’à travers l’expression d’une identité calédonienne commune, dont la cohésion sociale est le vecteur.
Face à la grande diversité de la population calédonienne, la construction d’une identité et d’une citoyenneté commune constitue des enjeux clés, dont les fondements reposent sur le partage du territoire et la cohésion sociale. En effet, trois statuts civils cohabitent : le statut civil de droit commun, le statut civil particulier et le statut civil coutumier réservé aux Kanak. L’épisode de la grotte d’Ouvéa, attisé par les conflits communautaires, a porté sur la place publique la nécessité de trouver un compromis en faveur d’une paix durable entre communautés et d’une cohésion sociale. Celle-ci est un objectif fort de l’agenda 21 de Nouméa.
Multiculturalisme et inégalités
La population calédonienne est marquée par un multiculturalisme fort. Le peuplement de la Nouvelle-Calédonie est à mettre en parallèle avec l’histoire du Pacifique. Aujourd’hui, de nombreuses communautés vivent côte à côte (communauté Kanak, polynésienne, européenne, futunienne, wallisienne, indonésienne, asiatique, vanuataise, etc.) ayant chacune leur identité. La population autochtone est constituée à 44,1% de Mélanésiens (Kanak) ; les Européens constituent la seconde ethnie en importance (34,1 %) et le troisième groupe ethnique fortement représenté regroupe 11,5% de Polynésiens.
Le multiculturalisme se révèle inégalitaire : 21 % des ménages se situant sous le seuil de pauvreté relative et les 20 % des ménages ayant les plus hauts revenus recevant presque la moitié du total des revenus des ménages calédoniens. Ces écarts de revenus recoupent le fait communautaire et sont associés à un coût très élevé de la vie. C’est la raison pour laquelle ils sont vécus comme une injustice par nombres de Calédoniens et exacerbent les tensions sociales et les conflits intergénérationnels.
Actuellement, la cohésion sociale est mise en danger par de fortes inégalités en termes d’accès à l’emploi. De mêmes inégalités sont perçues pour l’accès au logement, à l’éducation ainsi qu’au regard des revenus et de l’insécurité. Ce sont des enjeux majeurs auxquels la ville de Nouméa, qui regroupe les 2/3 de la population calédonienne, cherche à répondre.
Depuis la signature de l’accord de Nouméa, en 1998, le taux d’emploi n’a cessé de progresser. Cet accord soulignait la nécessité de rétablir les équilibres économiques et sociaux afin de pallier à l’étroitesse du marché du travail. En juillet 2010, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté la loi de pays relative “à la protection, à la promotion et au soutien de l’emploi local”. Le dispositif prévoit, à condition de qualification et de compétence égales, une priorité d’embauche aux citoyens, un accès facilité pour leur conjoint et des niveaux de protection pour les personnes durablement installées (10 ans, 5 ans et 3 ans). En effet, le taux d’emploi révèle des déséquilibres ethniques entre Kanak et non Kanak. En 2009 le taux d’emploi correspondait à 71% pour les Européens contre seulement 45% pour les Kanak. Pour les autres ethnies, le degré de participation au marché du travail est intermédiaire. Il correspond à 58% pour les Wallisiens Futuniens et à 63% en moyenne pour les autres communautés. Quant au taux de chômage, il atteint 26% pour les Kanak soit un chiffre deux fois supérieur à celui des Wallisiens et Futuniens, alors que la situation est proche du plein emploi pour les Européens ou encore pour les Asiatiques.
L’absence de qualification et d’accès aux formations supérieures est le principal facteur d’exposition au chômage et la résidence en tribu, constitue un handicap dans l’insertion professionnelle et un facteur aggravant en termes de chômage
L’évolution des cultures traditionnelles
Les règles sociales de la communauté Kanak, encadrées par la coutume, subissent une forte pression du fait des changements de mentalité qui découlent du développement. De plus en plus de Kanak cherchent à s’insérer dans l’économie de marché, dans des conditions qui parfois les obligent à s’écarter plus ou moins des liens sociaux de la tribu. En effet, les règles sociales, la relation au travail « à l’occidentale », les principes de l’économie de marché, le « mode d’emploi » de la société moderne,
© Patrice Morin
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Source : La place du jeune kanak dans la société contemporaine et les moyens de lutter contre la marginalisation d’une partie de la jeunesse ; Commission Education Formation du Sénat coutumier de la Nouvelle-Calédonie, Juin 2009-
Le centre culturel Tjibaou, lieu d’affirmation identitaire Inauguré en mai 2008, suite à la création de l’agence de développement de la culture kanak (ADCK) lors des accords de Matignon, le centre culturel Tjibaou a aujourd’hui pour mission de : L’architecture du centre culturel Tjibaou est le fruit d’une étroite collaboration entre Renzo Piano et l’ADCK. C’est le résultat d’une prise en compte des formes architecturales kanak et de leur transfiguration dans une architecture moderne. Les « cases » inspirées de l’architecture kanak traditionnelle sont de hauteurs et de surfaces différentes et donnent un aspect inachevé qui rappelle que la culture kanak est toujours en devenir. |
sont des notions comprises de façon très diverses au sein de la communauté Kanak. L’accès à un emploi salarié peut d’ailleurs exiger de la mobilité régulière voire un déménagement loin de la tribu, entraînant une perte de repères. Les interrogations qui accompagnent ces mutations sont d’autant plus complexes qu’il n’y a pas d’unicité de vue au sujet du développement au sein de la communauté Kanak. Les jeunes se retrouvent au cœur de conflits entre générations car le système scolaire leur inculque certains principes d’égalité de tous, d’épanouissement individuel et de compétition, qui s’accommodent mal à la hiérarchie sociale inhérente à la coutume. Ils sont aussi nettement plus tournés vers les modes de vie modernes que leurs parents, à travers la télévision, internet, les voyages, l’école, etc [4] .
La diversité de la population calédonienne et son histoire font de la culture un enjeu majeur dans le cadre de la construction d’une identité commune. La politique culturelle menée par la ville de Nouméa, en termes d’équipements, d’associations ou de spectacles, insiste en particulier sur la diversité et la proximité de l’offre avec la mise en place d’une programmation « hors les murs » dans les quartiers afin de faciliter l’accès pour tous. Pour développer les pratiques culturelles et fédérer les habitants des maisons de quartiers ont été créées. Ces maisons sont à la fois des ateliers, des lieux d’animation, de centres de loisir, des lieux de réunion ou de débats, des cyber-bases, des coins lecture ou des lieux de conseils (aide juridique, psychologues, assistantes sociales et conseillers MIJ peuvent y être rencontrés). Ces maisons étaient conçues pour attirer du public de l’ensemble de la ville et non seulement de leur quartier d’origine. Concentrant majoritairement des publics en difficulté leur requalification est aujourd’hui à l’étude afin de favoriser une cohésion sociale à l’échelle de l’ensemble des publics potentiels. En parallèle le Centre culturel Jean-Marie-Tjibaou à Nouméa, le musée de Nouvelle Calédonie, ou l’Aquarium font l’objet de politique volontariste de promotion d’une diversité culturelle de la Nouvelle Calédonie et sa région du Pacifique Sud.
La cohésion sociale, au cœur de l’agenda 21 de Nouméa
Le renforcement de l’identité nouméenne
La construction de l’identité nouméenne relève d’un véritable défi étant donné la diversité de la population calédonienne que ce soit d’un point de vue culturel ou de statut civil. En effet, 3 statuts civils cohabitent : le statut civil de droit commun, le statut civil particulier et le statut civil coutumier réservé aux kanaks.
Cette diversité de la population se retrouve à l’échelle de Nouméa mais s’estompe à l’échelle des quartiers où les communautés se mêlent peu. Afin de fédérer la population, des actions de proximité ont été mises en place, en particulier des actions culturelles et de valorisation des quartiers. Des actions de sensibilisation citoyenne et au droit de vote ont été mises en place afin de renforcer la participation effective de la population aux prises de décision.
Pour améliorer la mixité sociale, des actions sont menées notamment dans le domaine du logement. En effet, le logement est l’un des facteurs d’inégalité les plus marquants. C’est pourquoi des politiques d’amélioration de l’habitat (renouvellement urbain, réhabilitation des squats) sont menées et de l’aide est apportée aux populations les plus sensibles (relogement de foyers en situation d’urgence, accession au logement aidée pour les jeunes Nouméens). Cependant ces actions doivent s’accompagner d’une atténuation plus générale des inégalités sociales que ce soit en matière d’emploi ou d’aides pour la vie quotidienne pour être efficaces. Dans ce sens, la Ville mène plusieurs politiques pour accompagner les familles dans leurs démarches, leur quotidien et leurs loisirs (location de jardins familiaux, création d’équipements pour compléter les politiques culturelles et sportives). Des mesures contre les inégalités scolaires ont également été mises en place avec des actions autour de la lecture et de l’accompagnement scolaire afin de réduire le décrochage et la déscolarisation.
Le défi demeure néanmoins de motiver la volonté des citoyens pour s’impliquer différemment dans la ville, le territoire. L’exercice des agendas 21 recherche l’intégration sociale à travers une participation à la production du vivre ensemble. Il suscite l’échange autour du projet, la confrontation des points de vue et des intérêts pour contribuer à l’appropriation par tous et à la construction d’une vision partagée du territoire. La culture calédonienne nourrit en son sein nombre de savoirs qui peuvent répondre aux 6 enjeux posés par l’agenda 21 de Nouméa.
Garantir l’épanouissement de tous, à tous les âges
Bien que la population de Nouméa soit encore jeune (30% des Nouméens ont moins de 20 ans), un vieillissement de la population est annoncé (la population des plus de 60 ans devrait doubler d’ici 2030) ce qui va modifier les besoins d’infrastructures et de services alors que l’offre est déjà limitée. Afin d’anticiper ces besoins croissants,
La cohésion sociale, objectif de l’agenda 21 de Nouméa Depuis 2011, la Ville de Nouméa s’est lancée dans une démarche d’Agenda 21. Cette démarche constitue une nouveauté car il existe peu d’Agenda 21 sur le territoire (seulement un agenda communal à Kouaoua). Etant donnés les enjeux particuliers de ce territoire, la ville doit relever simultanément 6 défis majeurs pour tendre vers l’objectif de cohésion sociale ciment du développement durable :
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différents et évolutifs le CCAS (centre communal d’action sociale) de Nouméa mènent plusieurs actions en direction des personnes âgées telles qu’une politique de maintien à domicile, de lutte contre l’isolement, d’accompagnement social individualisé ou de développement de l’intergénérationnel.
Face au coût important de la vie (plus élevé qu’en métropole), certains foyers ne peuvent plus satisfaire des besoins essentiels tels que le logement, la culture ou les loisirs. Afin de faciliter la vie courante des Nouméen la ville participe notamment à des programmes d’aides alimentaires, à la réduction du coût des transports via l’utilisation de tarifs différenciés voire gratuits sur certaines prestations pour les familles modestes.
Par ailleurs, la place des équipements scolaires et de l’accueil pour la petite enfance est également essentielle afin de permettre l’épanouissement des adultes et des enfants. Dans ce cadre, la ville cherche à maintenir la qualité de ses équipements et à améliorer son offre via notamment la mise en place de crèches d’entreprise, un projet d’équipement de toutes les écoles maternelles d’une cantine, la présence d’une salle informatique et d’une bibliothèque dans les écoles, une offre de garderie et de ramassage scolaires, la création de centres de loisirs
© Patrice Morin
et d’une maison de la jeunesse. Ce sont des services nécessaires pour les nouveaux modes de vie qu’adoptent les insulaires.
Activités sportives et cohésion sociale
Les activités sportives occupent une place très importante dans la société calédonienne (la moitié des calédoniens pratiquerait une activité sportive au moins 1 fois par semaine). Les Jeux du Pacifique, compétition sportive de transposition des Jeux olympiques sur le plan régional du Pacifique insulaire, participent à renforcer la cohésion sociale avec les îles limitrophes et véhiculer des notions de citoyenneté. Nouméa a accueilli l’édition 2011. La Ville de Nouméa a lancé une politique sportive active afin de faciliter l’insertion et de faire du sport un élément fort de lien social. Des études ont été lancées concernant l’attente des 8-35 ans en matière de sport et des soutiens financiers sont apporté aux associations qui entretiennent leurs propres équipements, ainsi qu’aux projets d’équipements polyvalents. La durabilité des infrastructures, la construction de bâtiments adaptables et extensibles ainsi que leur qualité environnementale est également prise en compte. Par ailleurs des animations sportives gratuites sont organisées pour les 8-20 ans sur tous les temps extrascolaires afin d’inciter la population à faire du sport, consolider la citoyenneté, et préserver la santé des habitants car en Nouvelle-Calédonie, l’obésité affecte 40 à 80 % des adultes [5] et 17 % des enfants souffrent de surpoids ou d’obésité [6]. |
La difficile accessibilité des espaces publics et des établissements ayant vocation à recevoir du public pour les personnes souffrant d’un handicap est également un problème majeur d’insertion et de cohésion sociale. De plus, le système éducatif n’est pas adapté (que ce soit pour l’accessibilité ou les formations) et les personnes handicapées en sont souvent exclues (57 % des travailleurs handicapés sont sans diplôme). Dans ce cadre, la ville cherche à améliorer sa connaissance et son accessibilité via notamment la mise en place de diagnostics des lieux publics ou encore la sonorisation des feux de signalisation et l’aménagement de la voirie. Elle met également en place des actions de sensibilisation à destination du grand public avec notamment un projet d’une maison de l’enfance et du polyhandicap (soutenu par le gouvernement) et la création de récompenses par la mairie pour les projets innovants en matière de handicap.
Le développement durable en Nouvelle Calédonie repose sur la recherche d’une identité fruit d’un consensus culturel, d’une harmonie homme nature. La lutte contre les inégalités sociales et territoriales est un préalable indispensable à la poursuite de cet objectif. L’agenda 21 de Nouméa a fait de la cohésion sociale un objectif prioritaire. Renzo Piano disait dans son Carnet de travail à propos de l’architecture kanak « J’ai compris que l’un des caractères fondamentaux de l’architecture kanak est le chantier : le ’ faire ’ est aussi important que le ’ fini ’. J’ai pensé, dès lors, développer l’idée de chantier permanent, ou plutôt d’un lieu ayant l’apparence d’un chantier ’ non fini ’ », une belle métaphore de la transition vers un développement durable en Nouvelle Calédonie.
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] C’est une zone biogéographique (terrestre ou marine) possédant une grande richesse de biodiversité particulièrement menacée par l’activité humaine.
[2] Energies renouvelables
[3] Terme latin désignant une situation juridique spécifique.
[4] Schéma d’Aménagement et de Développement « Nouvelle-Calédonie 2025 »
[5] Référence : JM Tassié, Int J Obesity 1997 ;21 :61-66
[6] Référence : S Barny, DASS NC 1999
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