Foncier, l’impérative maîtrise publique -Nord-Pas de Calais-

Le développement durable en Nord-Pas de Calais

3 octobre 2011

Résumé

En Nord-Pas de Calais, grande région industrielle, agricole et urbaine, les acteurs régionaux se sont mobilisés très tôt en faveur du développement durable, conçu comme une réponse à la désindustrialisation et à la crise. Dans un contexte marqué à la fois par la périurbanisation et l’artificialisation des sols, et la volonté de progression des espaces naturels et de maintien des espaces agricoles, la ressource foncière fait l’objet de tensions de plus en plus fortes . Tiraillée par la concurrence des usages, sa maîtrise est devenue un enjeu majeur du développement durable pour les acteurs de la région Nord- Pas de Calais.

Ce portrait a été corédigé par Antoine Goxe du Cerdd et Nathalie Holec du Conseil régional Nord-Pas de Calais.

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 Portrait d’un territoire engagé

De nombreux acteurs de la région Nord-Pas de Calais (collectivités locales, entreprises, établissements publics, universités, citoyens, associations …) se sont engagés très tôt dans des politiques publiques et des stratégies de développement durable en réponse aux difficultés sociales, environnementales, économiques rencontrées par le territoire du fait de son
passé industriel et minier. Cela s’est notamment traduit par l’élaboration précoce d’agendas 21 par les collectivités locales, par le lancement de démarches participatives associant les habitants aux réflexions concernant l’avenir et le développement de la région (assises de l’emploi, mise en place de conseils de concertation…), par des mesures de protection de l’environnement et des espaces naturels (premier parc naturel régional de France), par d’importantes actions de solidarité internationale et nationale ou encore par le développement de filières économiques reposant sur l’environnement (création du Centre de Développement des éco-entreprises – CD2E – en 2001). La création en 2001 sous forme associative du Centre Ressource du Développement Durable (Cerdd), devenu Groupement d’Intérêt Public Etat/Région en 2006, est également le signe de l’importance accordée par l’Etat et la Région à la mise en place d’un véritable service public du développement durable en région.

Aujourd’hui, la région Nord-Pas de Calais est confrontée à de nombreux défis communs à la plupart des régions françaises mais 4 lui sont spécifiques ou revêtent une importance particulière du fait de la géographie et de l’histoire du territoire ; ils sont au cœur du Schéma Régional d’Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT), adopté en 2006 et qui sera actualisé début 2012. Ces défis sont :

  • reconquérir l’environnement et améliorer le cadre de vie. La reconquête de ses milieux, largement malmenés par les activités humaines et parfois de façon irréversible (ex : empreinte minière sur le patrimoine naturel), est un enjeu important notamment en termes de préservation des cœurs de nature, de défragmentation des espaces naturels, de gestion globale de l’eau et des zones humides.
  • surmonter les disparités qui s’accentuent progressivement. Les inégalités sociales et territoriales sont importantes en Nord-Pas de Calais. Issues de l’histoire économique régionale (industrie minière, sidérurgiques, textile, etc) et des transformations socio-économiques majeures de ces dernières décennies, elles sont également stimulées par les mutations actuelles : mondialisation, effets de concurrence, etc. Les inégalités sociales, économiques, culturelles, environnementales, de santé au sein de la population régionale sont autant de menaces pour sa cohésion.
  • inventer et mettre en place de nouvelles gouvernances. Les initiatives et le volontarisme guident l’action de nombreux acteurs institutionnels, publics ou privés mais les projets ne sont pas toujours guidés par les principes du développement durable, de la solidarité inter-territoriale et de la cohésion sociale. De nouvelles formes de coordination des acteurs des territoires, de dialogue et de gouvernance sont recherchées, à travers notamment les dynamiques inter-SCoT ou autour des espaces naturels régionaux, du Plan Climat Nord-Pas de Calais, des Plans climat territoriaux ou encore de la Trame verte et bleue.
  • assurer le renouvellement urbain et la maîtrise de la périurbanisation. Défi majeur dans une « région urbaine » qui voit au travers de sa périurbanisation galopante à la fois une conséquence du mode de vie de ses habitants et une cause de bon nombre de menaces : accroissement des déplacements domicile-travail, émissions croissantes de gaz à effet de serre, imperméabilisation des sols, consommation non raisonnée du foncier, ségrégation spatiale, fragmentation des espaces naturels, création de besoins nouveaux, etc.

C’est ce quatrième défi qui est au cœur du présent article car la maîtrise du foncier constitue l’une des principales clés du développement durable en région. En l’absence d’une meilleure maîtrise du foncier, la région parviendra difficilement à lutter contre le changement climatique ou encore à limiter le renforcement des inégalités sociales.

État des lieux des pratiques territoriales de développement durable
Très tôt, des démarches Agenda 21 ont été engagées en NPDC : la ville de Valenciennes (1995), la ville de Lille qui initie la sienne en 1996 (signature du premier Agenda 21 lillois en 2000), la Communauté urbaine de Dunkerque font partie des collectivités françaises pionnières en la matière. La Région a contribué au développement de ces démarches via un programme spécifique dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006 : le Programme Régional d’Animation et de Soutien aux Agendas 21 (PRASA 21). Deux appels à candidatures ont permis d’engager de nombreuses actions de sensibilisation au développement durable, de formation des personnels et élus, de diagnostics territoriaux, d’études de faisabilité et de diverses actions opérationnelles, dans plus de 50 collectivités et territoires. Le Comité de pilotage partenarial associait la Région, la DIREN (Direction Régionale de l’Environnement) et le Cerdd (Centre Ressource du Développement Durable).
Depuis, le Cerdd assure l’information des collectivités sur ces démarches, des accompagnements collectifs (démarrage d’un A21, évaluation), le référencement et la valorisation d’Agendas 21 en région. Les acteurs associatifs sont également très impliqués et interpellent les collectivités s’engageant dans des projets territoriaux de développement durable, dès les années 1990 avec l’association EDA (Environnement et Développement Alternatif), puis autour de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES – ex-MNE). Certains CPIE (Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement) de la région développent une compétence d’accompagnement des communautés de communes et petites communes rurales dans leurs projets de développement durable.

Parmi l’ensemble des projets territoriaux de développement durable les villes de Valenciennes, de Tourcoing, de Lille, d’Haubourdin, la Région Nord-Pas de Calais et la Communauté urbaine de Dunkerque ont été officiellement reconnues par le Ministère du développement durable, tout comme les chartes des Parcs Naturels Régionaux Scarpe-Escaut et Avesnois. Les deux Conseils généraux du Nord et du Pas de Calais ont également leur propre Agenda 21. Une dynamique de création d’Agendas 21 est toujours active en région et les agendas 21 sont nombreux.

Par ailleurs, la Région Nord-Pas de Calais, avec la Direction régionale de l’ADEME, a développé un programme incitatif de lancement de Plans climat territoriaux à destination des territoires de projets (agglomérations, pays et Parcs Naturels Régionaux) depuis 2008. Un appui collectif par deux bureaux d’études aide les territoires dans la préparation et le lancement de leurs démarches climat, qui se traduisent ensuite par la signature de contrats d’objectifs territoriaux (COT) climat. En 2011, l’intégralité du territoire régional est couvert par ces Plans climat des territoires, avec une visée opérationnelle forte.

Les acteurs économiques sont mobilisés : un collectif « Entreprises et développement durable », rassemblant des têtes de réseau (CCIR, réseau Alliances, CJD, AFNOR,… ) est animé par le Cerdd et la création d’éco-entreprises est fortement soutenue. Enfin, le développement de l’économie sociale et solidaire est croissant, autour de la CRESS et de l’APES.

 Le foncier, l’impérative maîtrise publique

Des pressions multiples et croissantes sur le foncier

La région Nord-Pas de Calais est une grande région urbaine. Comptant plus de 4 millions d’habitants (en 2006) vivant sur seulement 2,3% du territoire métropolitain, sa densité moyenne atteint près de 326 habitants au km2 : le Nord-Pas de Calais est ainsi la région la plus densément peuplée de province . Elle appartient pleinement à la mégalopole de l’Europe du Nord-Ouest, et subit la même dynamique de périurbanisation constatée de manière générale dans cette zone . Ainsi, 51% de la population régionale habite en périphérie des centres urbains (moyenne nationale : 35%) !
Par ailleurs, il s’agit d’une région industrielle, qui porte toujours des séquelles de l’exploitation minière, et souffre encore aujourd’hui de la déprise industrielle (sidérurgie, textile, automobile, chimie et pétro-chimie sur le littoral...) .

Le Nord-Pas de Calais est également une grande région agricole : plus de 70% de l’espace régional est dédié à l’agriculture, principalement de grandes cultures productivistes. L’agriculture biologique reste très faible en région, malgré un développement en cours : 1,2% des fermes et 0,5 % de la Surface Agricole Utile de la région en 2009 .

Qu’en est-il des espaces naturels ? En proportion, ils sont trois fois moins importants que la moyenne nationale avec à peine plus de 10% de l’occupation du sol (soit moins que les espaces artificialisés qui occupent 15% du territoire) que ce soit pour les zones humides ou pour la forêt (la surface boisée régionale ne représente que 9 % du territoire, taux le plus faible en France).

Une dynamique de périurbanisation très forte

La pression urbaine est particulièrement forte sur le littoral (second littoral français le plus dense après la Côte d’Azur avec environ 700 habitants au km2) et en périphérie des grandes villes (six agglomérations comptent entre 100 000 et plus d’1 million d’habitants), où les terres agricoles et les espaces naturels sont souvent menacés. Malgré une quasi-stagnation du nombre d’habitants en région entre 1999 et 2006, leur répartition spatiale évolue. C’est ainsi que :

  • les agglomérations de Lille (hormis son flanc Est : Villeneuve d’Ascq, Roubaix...), d’Arras et de Béthune gagnent chaque année de nouveaux habitants ;
  • toutes les autres agglomérations de la région perdent des habitants : Dunkerque, Lens-Liévin, Maubeuge, Calais, Boulogne-sur-Mer, Valenciennes, Cambrai...
  • un périurbain largement disséminé voit sa population augmenter : les bourgs et villages très nombreux gagnent, dans une moindre mesure, des habitants chaque année ;
  • l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer et de Berck, zone touristique du littoral du Pas-de-Calais, gagne également des habitants ;

Quelles sont les causes de cette évolution ? Les acteurs régionaux du foncier identifient plusieurs facteurs.

C’est d’abord le logement individuel qui constitue la première source d’artificialisation des sols en région, sous deux formes : le déploiement résidentiel, qui s’illustre par la croissance des aires urbaines (celle de Lille s’étend à plus de 45 km à la ronde), et l’étalement urbain des agglomérations, villes et villages sur les terres agricoles principalement (776 ha / an entre 1998 et 2005, soit 58% des surfaces artificialisées par an sur cette période) . Le mitage du territoire par de nombreuses communes offre un support à cet étalement urbain extrêmement diffus au-delà des agglomérations. On peut déplorer que la dynamique de création d’écoquartiers s’inscrive majoritairement dans cette tendance, par rapport à une logique de renouvellement urbain.

Seconde cause de l’artificialisation des sols : les activités économiques (315 ha / an, soit 23,5%). On dénombre 911 zones d’activités en région , sans grande coordination entre elles pour éviter de trop fortes concurrences. Par ailleurs, le développement de grandes plateformes logistiques (Delta 3 à Dourges, occupe 300 ha) et le raccordement fluvial du réseau du Nord de l’Europe au réseau de la Seine par le Canal à très grand gabarit Seine-Nord favorisera la poursuite du très fort développement de l’emploi logistique en région (plate-forme d’activités de Marquion-Cambrésis, prévue sur 160 ha).

La lutte contre la périurbanisation et le maintien des espaces agricoles en tant que tels au travers de leur protection dans les documents d’urbanisme sont ainsi des enjeux majeurs de la maîtrise foncière à l’échelle régionale. Il s’agit également d’un enjeu social : la part du budget des ménages, habitant dans les secondes et troisièmes couronnes urbaine, consacrée aux carburants est en croissance constante et risque de devenir considérable .

Les autres causes sont les équipements sportifs et de loisirs (72 ha / an), les infrastructures de transports (61 ha / an)...

Ces évolutions contemporaines de la périurbanisation, comme celles passées liées à l’industrialisation posent la question du statut du foncier agricole : s’agit-il d’une simple « variable d’ajustement » ? Pourtant, l’agriculture et l’agro-industrie régionale représentent respectivement 1,7% et 2,7% du PIB régional, et au total 75 000 emplois. Mais l’agriculture régionale a une particularité : sa dimension périurbaine. Ainsi, 53 % des exploitations régionales et 50 % de la surface agricole régionale se situent dans les zones urbaines et leurs couronnes . Si cette situation permet le maintien d’une forte tradition de vente directe à la ferme ou sur les marchés locaux, elle soumet les exploitations à une pression foncière très forte : le foncier est plus rare et plus cher. Du coup, ce sont les agriculteurs cherchant à s’installer qui se trouvent pénalisés, ce d’autant plus que les exploitations ne sont plus nécessairement reprises par les enfants des exploitants. Cela continue de favoriser la réduction du nombre d’exploitation et leur agrandissement continu depuis les années 1970, comme le grignotage des terres arables périurbaines.

Une reconquête des espaces naturels amorcée

Depuis plusieurs années, la surface totale des espaces naturels de la région semblent croître. Le déficit d’espaces naturels, et notamment boisés, étant considérable, la tendance actuelle à l’extension de ces espaces semble donc prometteuse, alors même que les grands projets régionaux ne sont pas encore entrés dans leur phase opérationnelle (notamment le Plan Forêt de la Région, qui vise à doubler en 30 ans la surface boisée régionale). Ainsi, entre 1998 et 2005, près de 4800 ha ont été reboisés, enherbés ou submergés.

En y regardant de plus près, on constate que cette extension a des caractéristiques diverses. En effet, les pertes en espaces naturels se sont également accrues en parallèle par rapport à la décennie précédente. En particulier, si des espaces (parcs, jardins...) sont aménagés en proximité des grandes agglomérations, ils ne compensent pas en surface les forêts, marais et landes convertis en habitats ou en zones d’activités dans certaines zones urbaines (pourtour de l’agglomération lilloise, de Calais et Dunkerque, littoral...). L’extension régionale globale cache donc des « régressions locales » importantes .

Autre motif de nuance de la statistique : certains espaces qualifiés de naturels ne répondent ni à une demande sociale d’espace de nature, ni à des motifs de préservation, mais à des logiques productives économiques. C’est notamment le cas de la sylviculture régionale qui privilégie depuis longtemps les peupliers, essence de croissance rapide, dont les surfaces ont crû de 20% entre 1990 et 2005, pour atteindre une surface de près de 115 km2 et 15% de la surface boisée régionale. Principalement plantées sur des terres agricoles ou des prairies, ces exploitations populicoles ont régulièrement été créées en zones humides (75 ha depuis 1990). Selon les statistiques, ces surfaces sont classées en espaces naturels ou en espaces agricoles . La période récente montre un ralentissement de leur expansion, au profit de la plantation de différentes essences locales, ayant un impact moindre sur les paysages comme sur la ressource en eau, et constituant un milieu plus propice aux continuités écologiques.

Ainsi l’expansion des espaces naturels en NPDC n’est pas uniforme, mais s’effectue par dissémination, en particulier par le boisement de parcelles agricoles éparses, ou plus rarement par la plantation ou la submersion d’espaces dégradés pour des aménagements publics. La progression ne vient donc pas actuellement des cœurs de nature (massifs forestiers, marais, espaces dunaires littoraux...), et ne semble favoriser ni les continuités écologiques, ni l’accessibilité pour le public.

Le foncier : un enjeu majeur de développement durable

Le foncier est donc une ressource soumise à de très fortes tensions en Nord-Pas de Calais, et difficilement renouvelable (les coûts de changement d’affectation ou de réhabilitation sont très élevés) ce qui le place au coeur des enjeux de protection et de gestion des milieux naturels et de la ressource en eau. Le fort déficit de forêts, de zones humides et de biodiversité impacte la cadre de vie des habitants, leur santé, leur bien-être mais également le bon fonctionnement des écosystèmes, garant de la qualité de l’eau, de l’air, du sol, de la pollinisation … ; certains territoires n’offrant pas ses services manquent d’attractivité.

Le foncier est non seulement une ressource naturelle mais également un facteur de développement économique. Une grande partie des terres sont consacrées aux activités agricoles ; la pression foncière interroge donc le modèle agricole régional. La multiplication des zones d’activité pose des questions en termes de hiérarchisation, de localisation mais aussi de leur niveau d’intérêt (du local au régional). La question des usages et des affectations du foncier pour les grands ports de la façade maritime et les ports intérieurs est également essentielle car leur développement va générer des opérations d’envergure en termes de recyclage foncier à l’exemple du Port de Calais 2015. Par ailleurs, la non maîtrise du foncier et notamment la périurbanisation génère des surcoûts en matière d’équipements, de voieries et de services pesant sur la fiscalité des communes et intercommunalités.

Le foncier est enfin la traduction des rapports sociaux. La pression sur le foncier et le manque de régulations publiques (déficit d’une offre de logements diversifiée et socialement accessibles en milieu urbain au cours de la période récente) ont accentué la ségrégation sociale et spatiale, conduisant de nombreux ménages à subir une résidentialisation lointaine des centres-villes , source de coûts importants et de stress, sans compter l’impact sur le climat liés aux déplacements induits.

Un usage non maîtrisé du foncier peut ainsi conduire à une mauvaise allocation de la richesse, à la montée des risques environnementaux et à des déséquilibres sociaux . Le foncier constitue donc un enjeu majeur de développement durable pour la région.

Une mobilisation active des acteurs publics sur la question du foncier

C’est à travers la requalification des grands sites industriels et miniers laissés en friche à la suite de l’arrêt des activités, que la région a commencé à se mobiliser sur la question foncière. L’Etablissement Public Foncier (EPF) Nord-Pas de Calais a ainsi été l’un des premiers créés en France, en 1990 pour mettre en œuvre une politique de requalification des espaces dégradés et des sites pollués, partagée par l’Etat et la Région.

En 1996, ses missions ont évolué puisque suite à la perception de la taxe foncière d’équipement, il devient un opérateur foncier, chargé d’accompagner les collectivités locales et les intercommunalités dans la maîtrise de leur foncier et le recyclage des espaces dégradés. C’est ce qui en fait aujourd’hui l’un des principaux outils de la politique de maîtrise du foncier engagée par la Région et les collectivités du territoire.

En avril 2005, le Conseil Economique et Social Régional (CESR) rend un avis , adopté à la quasi-unanimité, pointant l’urgence à définir et mettre en œuvre une stratégie foncière régionale, favorisant l’articulation entre les stratégies territoriales. L’urgence résulte pour le CESR des faiblesses et spécificités du Nord-Pas de Calais : densité de population et urbanisation fortes, crise du logement plus importante…

Vers une stratégie foncière régionale partagée

La volonté de mettre en place cette stratégie s’est appuyée principalement sur le Schéma Régional d’Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT), adopté en séance plénière en novembre 2006. Le SRADT propose ainsi d’expérimenter l’élaboration de Directives Régionales d’Aménagement (DRA), dont l’une concerne la Trame Verte et Bleue (TVB) régionale et l’autre la maîtrise de la périurbanisation. La première cherche à assurer la cohérence des actions entreprises par tous les acteurs de la région : l’État, les collectivités locales mais aussi les parcs naturels, les associations, pour préserver et entretenir la biodiversité régionale quand la deuxième « vise à l’organisation collective et concertée des différents acteurs afin de maîtriser l’étalement urbain que connaissent la plupart des agglomérations régionales » .

Avec ces Directives Régionales d’Aménagement, la Région souhaite co-construire avec l’ensemble de ses partenaires régionaux un cadre d’intervention cohérent partagé et appliqué par tous .

C’est dans le cadre de l’élaboration de ces 2 DRA, qui convergent toutes deux vers la question foncière, que la Région, au titre de chef de file de l’aménagement du territoire régional au sein des collectivités territoriales, prend l’initiative de travailler à l’émergence de cette stratégie foncière avec l’ensemble des acteurs. La Région propose alors en 2009 d’engager un dialogue entre tous les utilisateurs du sol régional pour en équilibrer les usages (habitat, activités économiques, agriculture, espaces naturels, infrastructures de transport) et garantir une meilleure qualité de vie aux habitants.

Une première « Conférence régionale du foncier », rassemblant les services de l’État, les départements (qui interviennent notamment par leur politique des Espaces naturels Sensibles), le CESR, les agglomérations, les Pays, les Parcs Naturels Régionaux, les organismes consulaires, les opérateurs fonciers (Etablissement Public Foncier – EPF- et Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural – SAFER -) ainsi que des représentants de la profession agricole est organisée par la Région en juillet 2009. L’objectif de cette conférence était à la fois de partager le diagnostic (état des lieux de la consommation des sols) et d’établir un consensus sur les enjeux de maîtrise du foncier. Elle a abouti à la volonté commune de se donner collectivement des objectifs clairs et d’élaborer des propositions concrètes de régulation. S’est notamment imposée la nécessité de concilier et d’articuler globalement les objectifs suivants :

  • préserver la surface agricole utile,
  • reconstruire la ville sur la ville et limiter significativement l’étalement urbain et économique,
  • conforter la Trame verte et bleue régionale et lancer le plan forêt régional.

Dans le droit fil de cette conférence, un avant-projet de DRA « maîtrise de la périurbanisation » a été établi et validé par les principaux partenaires. Ceux-ci ont exprimé par le biais de déclarations d’intention leur volonté de contribuer concrètement à sa mise en œuvre territoriale. Actuellement, le travail se poursuit autour de la déclinaison territoriale des objectifs des 2 DRA, dans un dialogue étroit avec les collectivités concernées, l’objectif étant qu’elles s’approprient leurs enjeux et les traduisent au niveau local.

Au-delà du SRADT et des deux DRA, les deux opérateurs du foncier que sont l’EPF Nord-Pas de Calais et la SAFER Flandre-Artois jouent un rôle essentiel dans la maîtrise du foncier et la mise en œuvre des orientations définies par l’ensemble des acteurs. C’est pourquoi leurs axes stratégiques d’intervention ont été adaptés fin 2010 et les moyens financiers de l’EPF augmentés pour la période 2010-2014 afin de répondre aux attentes et aux orientations formulées par l’Etat, la Région et les collectivités locales. Les Départements du Nord et du Pas de Calais sont également des acteurs majeurs dans la maîtrise du foncier à travers notamment leur gestion des Espaces Naturels Sensibles. Ils sont fortement impliqués dans la DRA « maîtrise de la périurbanisation ».

Quant aux SCOT, ils constituent les outils de planification spatiale permettant aux intercommunalités d’inscrire une urbanisation économe et raisonnée dans leur politique d’aménagement. C’est ainsi que Lille Métropole Communauté Urbaine a pleinement intégré ces enjeux en adoptant une délibération-cadre « Faire la ville intense » le 26 juin 2009 ; elle devrait se traduire, entre autres, par la fixation de seuils de densité dans le SCoT qui doit être approuvé en 2012.

Il reste néanmoins une prise de conscience à opérer auprès de très nombreux acteurs locaux pour qu’ils prennent pleinement en considération les atouts écologiques et agricoles de leur territoire. Cette prise de conscience doit amener à (ré)interroger les choix réalisés dans l’affectation des sols entre « terres » à vocation économique, résidentielle, nourricière ou naturelle et d’aménité. Dans la perspective de concrétiser cet attendu, les collectivités locales disposent de moyens peut-être « sous exploités » ; des outils de planification territoriale, tels que les SCOT et les PLU, ainsi qu’une stratégie foncière ambitieuse peuvent permettre à la collectivité de réaliser de meilleurs choix en termes d’affectation de l’espace et de répondre à l’exigence de qualité en terme de développement territorial durable.

Un travail collectif à poursuivre pour changer les pratiques d’aménagement

Pour le Nord-Pas de Calais, l’aménagement régional est étroitement imbriqué à l’aménagement et au développement des villes grandes et moyennes et aux tissus urbains interstitiels plus ou moins lâches. L’État et le Conseil régional ont un rôle majeur pour stimuler l’innovation locale en termes de planification territoriale intégrée.

Une planification urbaine à l’échelle régionale semble possible au travers de ces directives ; mais celles-ci auront-elles une force de cohérence suffisante pour articuler planification régionale et projets urbains intégrant les espaces agricoles et naturels ? Et, par quels moyens ?

Du point de vue du Cerdd, trois pistes de progrès peuvent être mises en perspective :

  • la nécessité de poursuivre la dynamique partenariale afin de renforcer l’action foncière régionale. Cela renvoie à des formes renouvelées de concertation avec les collectivités locales, engagées au travers des DRA et du projet de DTADD, mais aussi avec les autres acteurs du foncier et notamment les opérateurs publics et privés. En d’autres termes, il s’agit de faire aboutir la construction en cours d’une vision partagée de l’aménagement et du développement du territoire régional et d’en faciliter l’appropriation par tous et la traduction dans les stratégies locales.
  • le renforcement de l’animation territoriale et de l’ingénierie locale. Des compétences d’animation, des outils de mobilisation, des outils techniques d’appropriation, des moyens humains et financiers semblent nécessaires pour une bonne traduction locale politique et technique des enjeux d’aménagement et de développement à une échelle plus petite.
    Comment néanmoins financer de manière pérenne ces activités d’ingénierie sociale sans se substituer à la responsabilité des pouvoirs publics locaux ?
  • le rôle majeur des structures d’appui technique et de conseils relais de politiques régionales d’aménagement et de développement territorial durable auprès des collectivités locales. La maîtrise de l’usage d’un espace se combine souvent avec plusieurs outils : les outils de planification (SCOT, PLU...) et les outils de maîtrise foncière (outils réglementaire, acquisition...). Il est parfois difficile pour une collectivité locale de manier ces différents outils réglementaires (PLU, baux environnementaux, outils de protection écologique...) ou de gouvernance... Les Services départementaux de l’État, les agences d’urbanisme, les CAUE, les structures ayant une compétence plus spécifique en termes de portage foncier (EPF, SAFER...), jouent un rôle essentiel de conseils personnalisés et d’appui technique pérenne. Leurs interventions auprès des collectivités locales doivent être articulées pour une plus grande efficacité.
Deux initiatives associatives complémentaires en milieu rural :Terre de Liens Nord-pas-de-Calais et l’AFIP 59/62
Terre de Liens est un mouvement citoyen favorisant une agriculture locale, de qualité, préservant l’environnement et recréant un lien entre consommateurs et producteurs. La vocation du mouvement est de soutenir des projets économiquement, socialement et écologiquement pérennes, en agriculture paysanne, biologique ou bio-dynamique, en favorisant les acquisitions collectives et solidaires de foncier.
Début 2011, Terre de Liens NPDC compte 100 adhérents, 4 groupes locaux, 2 salariés. Avec près de 700 000 euros épargnés, l’association travaille sur 5 acquisitions (en cours ou réalisées) et une donation en cours : terrains qui permettront le maintien ou l’installation de producteurs. Au-delà, Terre de Liens NPDC anime le débat citoyen sur l’agriculture et l’alimentation avec l’organisation de conférences, d’ateliers-débats, et contribue ainsi à l’alerte citoyenne sur ces problématiques.

L’AFIP 59/62 (Association de Formation et d’Information Pour le développement d’initiatives rurales), créée en 2001, relie des associations qui tentent de concevoir autrement le développement rural. Membre du réseau national AFIP, elle promeut un développement écologique et solidaire, une agriculture paysanne, les échanges ville-campagne, par des pratiques d’éducation à la citoyenneté.
L’AFIP 59/62 est localisée à Ambricourt (62) dans le Germoir, site d’expérimentation destiné à des porteurs de projets (5 à 6 par an), principalement en maraîchage bio et autres productions bio. Le but est de leur permettre de se tester (tester les métiers, les techniques bio, envisager des modes de commercialisation, s’inscrire dans les réseaux bio de la région) et de lancer leurs activités agricoles en production biologique pendant un an ou deux. Ce projet d’un collectif d’associations régionales coordonné par l’AFIP 59/62, va assurer sa pérennité par l’acquisition en cours de la ferme et les 4 ha de terres du Germoir par la foncière Terre de liens.

Ces deux initiatives renforcent la dynamique de développement de l’agriculture de proximité en circuits courts, que démontrent, entre autres initiatives, la création de 21 AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) depuis 2007 et les 7 en projet.
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 Bibliographie

L’Archipel des régions souhaite faire la preuve que le développement durable s’ancre localement, qu’il se construit sur les territoires et renouvelle leurs perspectives d’avenir. Région après région, chaque portrait rend compte du cheminement du territoire régional vers un développement durable au travers de l’exploration d’un enjeu particulier. A l’horizon des 20 ans du sommet de la Terre de Rio, l’association 4D donne la parole à des acteurs régionaux, afin d’éclairer les réponses singulières et novatrices apportées par les territoires aux défis du XXI ième siècle.

Auteurs : Antoine Goxe (Cerdd) et Nathalie Holec (Conseil régional Nord-Pas de Calais)

Coordination : Ana Hours Encyclopédie du développement durable/ 4D www.encyclopedie-dd.org

Les auteurs remercient pour leur aide précieuse : Guillaume Schmitt et Bertrand Zuindeau (Université de. Lille 1), Emmanuel Bertin (Cerdd), Thierry Rosière (Conseil régional Nord-Pas de Calais) et Emmanuelle Latouche (MRES puis Cerdd).

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