Résumé
Définir l’agriculture biologique est moins simple qu’il n’y paraît. En effet d’une part l’expression est francophone et équivaut approximativement à l’organic farming des anglo-saxons, d’autre part le mot désigne à la fois des productions répondant à un cahier des charges (européens par exemple) et un courant de pensée sur l’agriculture. Or entre la vision administrative de l’agriculture biologique et la vision de ses acteurs historiques il y a parfois plus que des nuances : des désaccords profonds ! Ces désaccords reposent sur la nature de la pratique d’agriculture biologique, pratique déterminée par les “cahiers des charges”, c’est à dire le recensement de pratiques licites pour pouvoir bénéficier de l’appellation commerciale “issu de l’agriculture biologique”.
Mais mettre en avant d’abord le cahier des charges ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Le mouvement de l’agriculture biologique est antérieur au cahier des charges. Il s’appuie sur la tradition de progrès agronomique des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles et recherche l’équilibre et la stabilité des agro systèmes :
- diversité et complémentarité des productions ;
- recherche d’optimums locaux ;
- sélection dynamique des espèces cultivées ;
- gestion pointue de la matière organique.
L’essor de la chimie industrielle, de 1850 à 1950, a bouleversé la donne avec le rôle de plus en plus important des intrants, dont le développement est lié aux deux grandes guerres du XXe siècle : certes, les engrais et les pesticides ont permis des rendements importants mais se sont traduits par un état de dépendance à l’égard de l’industrie et une extrême spécialisation.
Aujourd’hui l’agriculture biologique, à l’échelle d’un territoire, peut être considérée comme une composante du développement durable. Mais attention aux dérives :
- s’affranchir des principes de l’agronomie biologique pour répondre aux exigences de la grande distribution ;
- risques d’homogénéisation de la production (d’un territoire à l’autre) ;
- nivellement par le bas des règlementations à l’échelle européenne.
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La nouvelle classification de cet article est :
• 4.4- Mode de production et de consommation
• 7.2- Agriculture et alimentation
Auteur·e
Matthieu Calame, expert dans les domaines agricoles et alimentaires, est ingénieur agronome. Il a été responsable de la reconversion vers l’agriculture biologique de la ferme de La Bergerie, domaine de Villarceaux à Chaussy (Val d’Oise). Il a été Président de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB). Il est aujourd’hui en charge de l’évaluation des recherches sur le vivant et la gestion des territoires à la Fondation Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH).
Histoire de l’agronomie biologique
L’agronomie biologique
L’agriculture biologique n’est pas née d’un cahier des charges ou de la simple juxtaposition de pratiques acceptées ou tolérées par ce cahier des charges. C’est le cahier des charges qui procède du mouvement d’agriculture biologique. Ce mouvement que l’on peut a priori définir comme une contestation de l’industrialisation de l’agriculture et plus largement de la société, est donc concomitant avec cette industrialisation. Pour autant l’agronomie biologique, si elle refuse la voie du “progrès industriel”, n’est en aucun cas une agronomie conservatrice. Elle revendique au contraire le fait de représenter une voie de progrès originale fondée sur une compréhension plus juste des lois des écosystèmes et des agro systèmes. En cela l’agriculture biologique s’appuie à l’origine sur une agronomie biologique.
L’essor de l’agronomie
Si l’on se contentait de définir l’agriculture biologique comme une agriculture “qui refuse les pesticides et les engrais de synthèse” on en arriverait vite à conclure que l’agriculture mondiale fut longtemps uniquement “biologique” pour ainsi dire par défaut : simplement parce qu’elle ne bénéficiait pas des produits de l’industrie chimique encore balbutiante. Cela étant la diversité des pratiques agricoles au 18ème siècle, ne serait-ce qu’en Europe, ou même si l’on suit Young l’hétérogénéité des agricultures et donc des performances au sein même du royaume de France, interdit de percevoir dans l’agriculture du 18ème siècle, le développement d’un modèle agronomique cohérent.
Or l’agriculture au XVIIIe siècle est concernée par le vaste mouvement des lumières qui touche toute l’Europe et toutes les activités. Venu des Pays-Bas, se répand un progrès agricole qui interpelle une partie de l’élite intellectuelle. À l’instar d’autres activités humaines, il devient évident que l’agriculture est susceptible d’importants progrès pour peu qu’on s’y applique avec constance. Bref, l’agriculture mérite une “science”, et ce sera l’agronomie.
Cette première agronomie est essentiellement centrée sur une production à partir des facteurs naturels locaux. Il convient de produire plus en gérant mieux le territoire, la complémentarité des cultures, la qualité des semences et des animaux que l’on sélectionne. Bref il s’agit d’une agronomie qui se fixe comme objectif d’améliorer la production par un développement endogène. Et comment en serait-il autrement puisque les facteurs exogènes n’existent pour ainsi dire pas.
L’essor de la Chimie modifie la donne
Mais l’essor de la chimie industrielle, grossièrement de 1850 à 1950 modifie la donne. L’industrialisation de l’agriculture par l’emploi massif de produits issus de la chimie industrielle n’avait rien d’évident a priori. Pour que cela fût possible il fallait que trois conditions soient réunies :
- une modification culturelle et scientifique : la manière dont on percevait les systèmes vivants et la relation entre l’Homme et le reste du vivant ;
- un développement technoscientifique offrant des opportunités nouvelles ;
- le développement d’un appareil industriel permettant de généraliser les nouvelles pratiques.
La modification culturelle, à savoir concevoir les organismes vivants comme des machines et le rapport entre l’homme et la nature comme une lutte, fut acquise en deux temps. Au XVIIe siècle avec Descartes se popularisa le modèle de l’organisme/machine. Au XIXe siècle avec Darwin se popularisa l’idée que la lutte était au centre des rapports vivants.
Le développement technoscientifique fut d’abord l’œuvre de Boussingault mais surtout de Liebig qui en développant la chimie organique identifière les “rouages” des organismes vivants, puis de leur successeur et notamment le chimiste Haber, qui développèrent les biocides qui ont donné naissance à la fois aux gaz de combat et aux pesticides. Le développement de l’appareil industriel fut définitivement acquis au cours des deux guerres mondiales qui en permirent le succès rapide.
Guerres mondiales
et changements de paradigmes agricoles
En effet, les deux guerres mondiales furent l’occasion de développer massivement les deux industries chimiques qui furent à la base de l’agriculture industrielle.
L’industrie des engrais d’abord. Le principal engrais chimique utilisé en agriculture est le nitrate. Or, sa production est relativement coûteuse en énergie, et son développement n’aurait jamais été rentable à court terme pour la seule agriculture. Mais, comme les nitrates sont la base des explosifs, l’Europe se dota entre 1914 et 1918 d’une importante capacité de production d’azote. La paix revenue, l’agriculture devient le débouché de ces productions industrielles.
L’industrie des pesticides ensuite, qui découle directement des gaz de combat. C’est au chimiste Haber en association avec l’entomologiste Eschering que revient l’idée d’utiliser les gaz toxiques mis au point à des fins militaires, à des fins de destruction des “insectes parasites”. C’est au cours de la seconde guerre mondiale que le chimiste Ezra Krauss développera le premier herbicide destiné à détruire la production de riz japonaise.
L’émergence des engrais et des biocides industriels va donc infléchir le cours de l’agriculture.
En quoi la chimie modifie-t-elle
l’agriculture ?
Le bouleversement que représentait l’irruption de la chimie en agronomie peut être compris à l’aide des notions d’autonomie et d’hétéronomie développée par le sociologue Illitch. L’autonomie, c’est la capacité d’un système à pourvoir par lui-même à ses propres besoins.
L’hétéronomie est son contraire, c’est à dire que c’est l’état de dépendance vis à vis de l’extérieur d’un système pour fonctionner. On aurait également pu faire appel aux notions proche d’endogène ou d’exogène.
Les immenses progrès agronomiques du XVIIIe et du XIXe siècle se faisaient essentiellement dans un cadre d’autonomie des exploitations agricoles. Il s’agissait d’améliorer les synergies à l’intérieur du système, de le bonifier en modifiant des pratiques en incluant des éléments nouveaux. Les exploitations agricoles du XIXe siècle importaient très peu d’intrants. Tout juste achetaient-elles des outils, quelques semences pour renouveler et diversifier le pool génétique présent sur l’exploitation. Ce qu’elles produisaient, elles le produisaient à partir de leur seule force et c’est pourquoi un mouvement de philosophie économique comme celui des physiocrates la voyait comme la source première de toute richesse.
Avec le développement de la chimie, le progrès agricole repose sur la consommation massive de produits issus de l’industrie. Le niveau de production est dépendant de la consommation de ces produits. L’agriculture devient une activité hétéronome au sens où elle dépend d’une activité en amont pour son propre fonctionnement.
Remise en question de la complémentarité
des productions
Pour parvenir à une amélioration de la production dans le cadre de l’autonomie, les agriculteurs n’avaient d’autres choix que de travailler sur la complémentarité des productions, et ce pour deux raisons :
- la première étant que certaines plantes apportaient des nutriments utiles aux autres, c’est l’exemple le plus connu des légumineuses (comme le lupin) qui, aptes à capter par leur nodosité l’azote de l’air, fournissent les graminées (comme le blé) en nitrates. C’est ce que l’on peut appeler l’effet nutritionnel de la complémentarité ;
- la seconde étant que la succession, voire le mélange, des cultures ne favorisait pas le développement des maladies : la complémentarité avait donc une vertu prophylactique.
Or, l’azote minéral comme les pesticides permettait de s’affranchir et de la contrainte nutritionnelle et de la contrainte prophylactique. Il devenait possible techniquement, du moins à court terme, de produire, année après année sur la même parcelle, une même culture, par exemple du blé.
Ces contraintes techniques étant levées, il devenait possible de ne plus déterminer la production qu’en fonction des prix et du marché.
De fait le XXe siècle a connu un vaste mouvement de spécialisation
:
- des exploitations d’abord, les unes ne faisant que des céréales (voire que du maïs) les autres que du lait ou du porc (en important presque l’intégralité des aliments du bétail) ;
- puis des régions : telle ou telle région se spécialisant dans les grandes cultures ou l’élevage en fonction de ses avantages économiques comparatifs ;
- bientôt d’immenses zones quasi continentales comme la Corn-belt aux Etats unis, ou les millions d’hectares de monoculture de soja en Argentine ou au Brésil.
Les refuzniks de l’agronomie biologique
Dès le début de la convergence entre agriculture et industrie chimique, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles considéraient comme un dévoiement, une mort de l’agronomie classique. Les plus célèbres furent Steiner (1861-1925), Ehrenfried Pfeiffer (1899-1961), Hans Müller (1891-1988), Hans- Peter Rush (1906-1977), Howard (1873-1947) et au Japon Fukuoka (1913-2008). Quelles que soient les nuances que l’on peut distinguer dans leurs différentes approches, ces voix avaient en commun de remettre en cause ce qu’il convient d’appeler le “paradigme industriel” en agriculture. Toutefois cette critique était en général plus fondamentale et plus large et écornait généralement la société industrielle dans son ensemble, notamment dans son effet sur les individus. La trame générale de cette critique porte comme on l’a vu sur l’appauvrissement des individus et des systèmes, de leur perte d’autonomie également (on parlerait presque d’aliénation), dès lors que sous couvert d’efficacité à court terme, on entre dans une spécialisation extrême. En cela les premiers théoriciens de l’agronomie biologique tendent la main, sur un mode plus dramatique, au Charlot des “temps modernes”.
Sur cet arrière fond, leur critique de l’industrialisation de l’agriculture s’articule autour de deux axes :
- une critique de l’efficacité agronomique à long terme de cette agriculture, qui crée des agro systèmes fragiles, dépendants des intrants, et instables ;
- une critique de l’efficacité nutritionnelle de cette agriculture qui produit des aliments de faible qualité.
Ces deux assertions font encore débat de nos jours. Il en est une troisième qui fut plus faiblement développée à l’origine, mais qui paradoxalement est aujourd’hui au cœur de la critique de l’agriculture industrielle, et c’est son effet environnemental (dégradation des sols, participation à l’effet de serre) aussi bien que son effet sur la santé via la pollution de l’environnement global (contamination de l’eau et de l’air par les biocides qui sont généralement des perturbateurs endocriniens qui interviennent dans le système hormonal des animaux parmi lesquels l’Homme).
Les grands principes de l’agronomie biologique
Quelles voies de progrès propres ?
Si puissant était à cette époque le progrès de la chimie que ses réalisations furent identifiées au progrès tout court. Il paraissait si évident que le progrès en agronomie était d’utiliser les nouvelles molécules produites par l’industrie chimique, que les refuser fut assimilé à un refus du progrès en général.
Ceci compliqua considérablement la tâche des premiers promoteurs de l’agronomie et de l’agriculture biologique. Parce qu’ils remettaient en question les apports de l’industrialisation, ils furent suspectés de s’opposer au principe général de progrès. L’agronomie biologique passa très vite inaperçue et l’agriculture biologique fut rapidement désignée par la négative : une agriculture qui n’emploie pas d’intrants (engrais et pesticides) de synthèse. Et, malheureusement l’évolution des cahiers des charges est souvent allée dans le sens de prescriptions distinguant des produits autorisés de produits interdits. Ce qui fait qu’encore aujourd’hui les principes positifs à la base de l’agriculture biologique qui représentent également sa marge de progrès sont méconnus du grand public et des décideurs.
Diversité, complémentarité, co-évolution
et résilience
Refusant la rupture industrielle, l’agriculture biologique s’inscrit dans la tradition de progrès agronomique des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Ce progrès repose sur quatre principes agronomiques principaux :
- La diversité et la complémentarité des productions ;
- La recherche d’optimums locaux ;
- La sélection dynamique des espèces cultivées ;
- une gestion pointue de la matière organique.
En matière de complémentarité et de diversité, l’agronomie biologique préconise les rotations longues, c’est-à-dire une succession des cultures qui évite de cultiver d’une année sur l’autre la même plante, ce qui est à l’opposé de la monoculture. A un niveau supérieur on peut également pratiquer la culture de plantes en mélange, la polyculture élevage qui associe plantes et animaux ou, à l’extrême l’idéal de la “forêt jardinée” dont les formes emblématiques en Europe furent l’oliveraie ou la châtaigneraie méditerranéenne, et dans une moindre mesure la prairie sous verger. Ceci va à l’encontre de la spécialisation des exploitations qui a caractérisé l’évolution moderne de l’agriculture. La recherche d’optimums locaux fonde la nécessité d’expérimenter localement les assolements, les associations de cultures. En effet dès lors qu’il s’agit d’optimiser la capacité de production locale, toute transposition de pratique – par exemple une association de culture - doit être progressive et prudente. Pour continuer dans l’exemple d’une culture en mélange, deux plantes qui ont mûri simultanément dans un climat sec, peuvent connaître un grand décalage de mûrissement dans un climat trop humide, ce qui poserait d’importants problèmes de récolte.
Ceci redonne toute sa force à la notion, autrefois courante, d’acclimatation. Une nouvelle technique, une nouvelle pratique, une nouvelle plante doit faire l’objet d’une acclimatation pour s’intégrer harmonieusement dans le système local. Ce qui est visé est toujours l’efficience globale du système. Ceci va à l’encontre d’une modernisation de l’agriculture reposant sur le nivellement des différences locales, grâce aux intrants, et la diffusion d’outils génériques.
Dans cet ordre d’idée la sélection dynamique des espèces cultivées dans leur milieu joue un rôle prépondérant. Par le passé, cette sélection/acclimatation a été à l’origine de la diversité des espèces cultivées, diversité qui a beaucoup souffert depuis soixante ans. Systématisée, mieux encadrée, elle avait apporté une contribution majeure au progrès agricole au XIXe siècle. La sélection est devenue au XXe siècle une activité distincte effectuée par des entreprises selon un modèle d’homogénéisation clonale :chaque plant est semblable à son voisin. Mais une plante ne vaut que dans un contexte climatique et technique donné. Ces plants clonaux ne se développent qu’avec et grâce aux intrants chimiques rendant les plants actuels souvent impropres à une agriculture à plus faible niveau d’intrants. D’où l’insistance en agriculture biologique sur la sélection permanente, intégrée à l’activité agricole de plantes qui évoluent avec leur temps dans leur environnement, à l’image de ce qui se produit dans les écosystèmes naturels. Cet enjeu est particulièrement fort dans le contexte du changement climatique.
Enfin l’agriculture biologique est une agriculture qui gère la matière organique – ce qui explique son nom en anglais d’organic farming – c’est à dire qui récupère au maximum toute la matière organique résiduelle par rapport à la production alimentaire (paille, déjections) voire qui en importe de zones boisées comme dans le cas du bois raméal fragmenté. Par contre une controverse reste très vive au sein des agronomes sur la gestion de cette matière organique. Compost ? Épandage superficiel ? Avec ou sans travail du sol ?
Equilibre productif
des agrosystèmes
A l’instar des systèmes forestiers, le but recherché est celui de la constitution d’un équilibre productif de l’agro système, ce qui peut apparaître comme un oxymoron. La notion d’équilibre renvoie de fait à la stabilité dans le temps de l’écosystème qui ne doit pas s’appauvrir, la productivité à l’idée que ce système produit toutefois un excédent exportable et consommable par l’homme. L’écosystème est donc à la fois perçu comme stable et comme productif. Dans les faits les écosystèmes ont bien globalement produit des excédents puisque le pétrole, e gaz, le charbon, l’humus du sol, sont différentes formes d’excédents de matière organique accumulés dans la biosphère. C’est avec cet équilibre productif que l’agriculture biologique tend à renouer, l’excédent étant destiné à l’homme.
Ainsi une agriculture biologique parfaite, et plus largement une agriculture durable, exporterait de la nourriture tout en maintenant intact et le taux de matière organique accumulé dans l’agro système et l’activité biologique de celui-ci. A contrario une agriculture non durable tend à produire en épuisant peu à peu l’agro système, en “décapitalisant”. Dans certains cas, l’étape ultime de cette décapitalisation
est le désert.
Agriculture biologique
et développement durable
Si l’on dépasse l’échelle de l’exploitation et si on l’étend à l’ensemble des activités à l’échelle d’un territoire, l’agriculture biologique est l’application agricole d’un génie écologique, ou d’une ingénierie environnementale qui poursuit des objectifs de recyclage et d’économie des ressources. Toutefois des limites sont apparues dans les synergies possibles notamment en matière de récupération de la matière organique urbaine (boues de stations d’épuration, tontes de gazons urbains ou déchets verts). En effet les risques de contamination de ces matières organiques d’origine urbaines, soit avec des résidus d’antibiotiques ou leurs métabolites, soit avec des métaux lourds, n’ont pas paru compatibles avec l’image de l’agriculture biologique aux yeux du consommateur, ni d’ailleurs aux yeux de l’éthique des producteurs ! Ceci a posé les limites du recyclage de déchets urbains contaminés à la source.
Les grands principes de l’agronomie biologique
Agriculture biologique :
fait social en mutation
Les succès commerciaux récents de l’agriculture biologique ont rapidement élargi le nombre de ses acteurs. Or, tous ne partagent pas les fondamentaux de l’agronomie biologique. Et l’on voit se multiplier une agriculture biologique qui tout en s’efforçant de respecter le cahier des charges, souhaite d’affranchir de l’agronomie biologique pour mieux correspondre aux demandes de la filière agroalimentaire qui demeurent une demande de produits standards en importante quantité, la plus régulièrement répartie sur l’année. Il y a clairement contradiction entre l’analyse des agro systèmes faite par l’agronomie biologique et une filière de transformation et de commercialisation qui demeure industrielle dans son essence. On aurait pu s’attendre à ce que l’on pose la question en terme de flexibilité accrue des procédés de transformation - comment adapter ma chaîne de production de yaourt en fonction de la qualité du lait – malheureusement la tendance lourde demeure celle d’une homogénéisation de l’amont. En outre, sous couvert de faciliter un développement plus rapide de l’agriculture biologique en limitant les investissements, et de favoriser la coexistence de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle sous sa forme la plus agressive – notamment celle utilisant les plantes génétiquement modifiées en monoculture – les pays de l’union européennes se sont entendus pour accepter un règlement européen sur l’agriculture biologique très inconsistant.
Matthieu Calame
Bibliographie
- Yvan Besson - Histoire de l’agriculture biologique : une introduction aux fondateurs, Sir Albert Howard, Rudolf Steiner, le couple Müller et Hans Peter Rusch, Masanobu Fukuoka, Thèse 2007.
- Catherine de Silguy, L’Agriculture biologique, Que-sais-je ?, n° 2632, PUF, 2000.
- Pascale Solana et Nicolas Leser, Passions bio, des produits, des hommes, des savoir-faire, éditions Aubanel, 2006.
- Matthieu Calame, Une agriculture pour le XXI° siècle, Editions Charles Léopold Mayer, 2007.
- Matthieu Calame, La tourmente alimentaire. Pour une politique agricole mondiale, Editions Charles Léopold Mayer, 2008.
* Aurélie Trouvé, Pour une agriculture et une alimentation réellement durable, quelles politiques agricoles européennes ? (n° 61), Mars 2008.
* Un dossier sur l’agriculture dont fait partie le présent article, est en cours de préparation.