Une analyse empirique des déterminants des processus migratoires entre Tuvalu et la Nouvelle-Zélande

27 octobre 2010

Résumé

Dans le débat sur les migrations environnementales, qui a pris ces dernières années une ampleur inédite, Tuvalu tient souvent une place à part. Le petit archipel du Pacifique Sud a fait l’objet d’un nombre infini de reportages, d’articles de presse et de mentions à titre d’exemple dans des discours et conférences. Tous décrivent la même situation : celle d’un minuscule pays dont l’existence même, en tant qu’Etat, est menacée par la hausse du niveau des mers. Cet article examine les principaux déterminants et caractéristiques des mouvements migratoires de Tuvalu vers la Nouvelle-Zélande, à partir d’entretiens menés avec les migrants eux-mêmes, à la fois dans leur région d’origine et leur région de destination. Quel rôle ont joué les facteurs environnementaux dans la décision migratoire de ceux qui se sont établis en Nouvelle-Zélande ? Comment ces facteurs environnementaux se mêlent-ils à d’autres facteurs de migration, et quelles sont les stratégies développées pour accroître la résilience des communautés à Tuvalu ? Quelles ont été les politiques mises en œuvre, tant à Tuvalu qu’en Nouvelle-Zélande, pour gérer ou faciliter ces flux migratoires ?

Auteur·e

Gemenne François

François Gemenne est chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), il enseigne également la géopolitique du changement climatique et la gouvernance internationale des migrations à Sciences Po Paris.


 [1]

 Introduction

Dans le débat sur les migrations environnementales, qui a pris ces dernières années une ampleur inédite, Tuvalu tient souvent une place à part. Le petit archipel du Pacifique Sud a fait l’objet d’un nombre infini de reportages, d’articles de presse et de mentions à titre d’exemple dans des discours et conférences. Tous décrivent la même situation : celle d’un minuscule pays dont l’existence même, en tant qu’Etat, est menacée par la hausse du niveau des mers. Les habitants de Tuvalu, au fil des ans, en sont venus à incarner le visage de ceux qu’on appelle désormais les ‘réfugiés de l’environnement’, et leur quête d’une terre d’asile est devenue le symbole de l’inadéquation du droit d’asile face à cette situation nouvelle. Décrit comme une Atlantide future, ou un canari [2] du changement climatique, Tuvalu est devenu le symbole par excellence de la catastrophe environnementale globale que représente le changement climatique et l’élévation conséquente du niveau des mers (Chambers and Chambers 2007).

Cet article examine les principaux déterminants et caractéristiques des mouvements migratoires de Tuvalu vers la Nouvelle-Zélande, à partir d’entretiens menés avec les migrants eux-mêmes, à la fois dans leur région d’origine et leur région de destination. La Nouvelle-Zélande, et la banlieue d’Auckland en particulier, est devenue la principale destination migratoire desTuvaléens, et compte déjà une communauté de 3000 Tuvaléens environ, soit un quart de la population totale de Tuvalu. Quel rôle ont joué les facteurs environnementaux dans la décision migratoire de ceux qui se sont établis en Nouvelle-Zélande ? Comment ces facteurs environnementaux se mêlent-ils à d’autres facteurs de migration, et quelles sont les stratégies développées pour accroître la résilience des communautés à Tuvalu ? Quelles ont été les politiques mises en œuvre, tant à Tuvalu qu’en Nouvelle-Zélande, pour gérer ou faciliter ces flux migratoires ? Telles sont les principales questions abordées dans cet article.

La recherche qui a donné naissance à cet article a été effectuée dans le cadre du projet EACH-FOR (Environmental Change and Forced Migration Scenarios, www.each-for.eu), un projet de recherche financé par la Commission européenne qui visait à documenter de manière empirique l’influence des facteurs environnementaux sur les comportements migratoires dans 23 études de cas à travers le mon

 Des défis environnementaux qui ne se réduisent pas au changement climatique

Un pays particulièrement vulnérable à la hausse du niveau des mers.

Seuls cinq Etats sont composés intégralement d’atolls [3] et d’îles de faible élévation ; Tuvalu est l’un d’entre eux. Malgré un territoire qui s’étend sur plus de 75 000 kilomètres carrés dans l’Océan Pacifique Sud, la partie immergée de son territoire ne représente que 26 kilomètres carrés, ce qui en fait le quatrième plus petit Etat souverain du monde, après le Vatican, Monaco et Nauru, un autre Etat insulaire de l’Océan Pacifique Sud. Situé au nord de Fidji et à mi-distance entre l’Australie et les Etats-Unis, l’archipel est composé de six atolls coralliens et de trois îles de récifs. Funafuti, Nanumea, Nui, Vaitupu, Nukufetau et Nukulaelae sont des atolls coralliens, avec un lagon ouvert sur l’océan, tandis que Nanumanga et Niutao sont des îles de récifs, avec un lagon à l’intérieur des terres. Niulakita, quant à elle, est la plus petite île de Tuvalu, et ne possède pas de lagon. Tuvalu comprend également environ 120 îlots, inhabités. La distance minimale entre ces différentes îles est de 60 kilomètres, et peut atteindre 350 milles nautiques entre l’atoll situé le plus au Nord, Nanumea, et l’île située la plus au Sud, Niulakita.(Barton 1977).

Une des caractéristiques essentielles de la géographie de Tuvalu, et celle qui attire naturellement l’attention, est sa très faible élévation. Tuvalu, topographiquement parlant, est un pays presque parfaitement plat, situé à une élévation moyenne d’un mètre au-dessus du niveau de la mer, et dont le point culminant n’atteint que cinq mètres. En raison de sa très faible élévation, Tuvalu est extrêmement vulnérable à l’élévation du niveau des mers et à d’autres événements climatiques extrêmes, comme des tempêtes ou des ouragans (Barnett and Adger 2003 ; Mimura et al. 2007 ; Lal et al. 2002). De plus, Tuvalu ne possède ni lac ni rivière, et ses ressources en eau potable dépendent donc exclusivement de l’eau de pluie, collectée dans des réservoirs.

En raison d’inondations fréquentes et de l’érosion côtière, la salinité des sols s’est considérablement accrue, rendant difficile la culture locale de pulaka (une espèce de taro, un tubercule à grosse racine et à chair tendre). De surcroît, la formation des atolls de Tuvalu repose essentiellement sur des récifs coralliens, qui n’abritent presqu’aucune terre fertile, ce qui rend extrêmement difficile la culture de plantations à Tuvalu. Les rendements agricoles déclinants ont accru la dépendance alimentaire des habitants aux produits importés, ce qui a provoqué de graves problèmes de santé publique, notamment une augmentation drastique des cas de diabète. Par ailleurs, il n’existe aucune ressource minérale naturelle.

Effets du changement climatique à Tuvalu

Les petits Etats insulaires sont extrêmement vulnérables au changement climatique, et en particulier à l’élévation du niveau des mers, comme cela a été souligné dans le 4ème rapport d’évaluation du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) :

  • « Selon les prévisions, l’élévation du niveau de la mer devrait intensifier les inondations, les ondes de tempête, l’érosion et d’autres phénomènes côtiers dangereux, menaçant les infrastructures et installations vitales pour les populations insulaires […] Selon la plupart des scénarios de changements climatiques la menace sur les ressources en eau dans les petites îles est une évidence […]. Le changement climatique impacte fortement les récifs de corail, les pêcheries et autres ressources issues de la mer[…]. Il est très vraisemblable que la subsistance et l’agiculture commerciale sur les petites iles seront affectées par le changement climatique  » (Mimura et al. 2007).

L’élévation du niveau de la mer est évidemment une préoccupation majeure des habitants de Tuvalu, et des petits murets ont été construits par les familles pour protéger leurs habitations. De grandes incertitudes subsistent néanmoins quant aux prévisions futures de l’élévation du niveau de la mer à Funafuti (Hunter 2002), et cette élévation n’est pas directement perceptible pour l’instant (2003). En l’absence de mesures fiables, les Tuvaléens se reposent sur des observations empiriques pour chercher les premiers signes du réchauffement global. Deux phénomènes en particulier ont attiré l’attention des habitants. Le premier est la disparition d’un îlot, le Tepuka Savilivili, dans le lagon de Funafuti. De l’îlot, qui abritait un grand nombre de cocotiers, ne restent désormais que quelques tas de sable et de coraux (Shen, 2008). Le deuxième phénomène est l’occurrence régulière de ‘marées géantes’ ( king tides ), qui recouvrent de larges morceaux de l’atoll. Les marées géantes sont des marées de très grande amplitude, nettement supérieure à celle des marées hautes. Auparavant, ces marées géantes se produisaient à Tuvalu tous les cinq ou six ans ; elles sont désormais beaucoup plus fréquentes, alimentant les peurs que ces marées géantes ne deviennent un jour permanentes.

De surcroît, la fréquence et l’intensité accrues d’événements météorologiques extrêmes, tels que les ouragans, représentent des menaces environnementales importantes pour Tuvalu. Il s’agit là d’une autre conséquence du changement climatique. De plus en plus de cyclones se transforment en ouragans dans l’Océan Pacifique : à plusieurs reprises au cours des dernières années, Tuvalu a été touché par des ouragans importants, malgré le fait que la plupart de ses îles soient situées en dehors de couloirs habituellement utilisés par les ouragans.

En 1997, Tuvalu a été frappé par trois ouragans : Gavin, Hina et Helly, qui ont érodé un demi kilomètre carré du territoire de l’archipel. Les souvenirs de l’ouragan Bebe, qui dévasta Funafuti en 1972, demeurent vivaces (Falani s.d.). La crainte que les atolls puissent être un jour balayés par un ouragan est largement partagée. Les ouragans pourraient en effet causer plus de dommages que l’élévation du niveau des mers, dans la mesure où toute possibilité pour les habitants de se cacher ou d’être évacués n’existe plus. Le scénario-catastrophe surviendrait si une énorme vague provoquée par un ouragan, ou un tsunami, coïncidait avec une période de marées géantes.

1.

© Laurent Weyl / ARGOS

Aperçu historique des migrations à Tuvalu

Il est connu que l’ensemble de la Polynésie possède une grande tradition migratoire. La migration est une caractéristique essentielle du style de vie polynésien, et dans de nombreux cas une routine sociale (Connell and Conway 2000). Les premières migrations furent économiques : des travailleurs de Tuvalu furent recrutés pour travailler dans les plantations de Samoa et du Queensland australien. La migration s’est ensuite étendue aux mines de phosphate de Banaba (Kiribati) et de Nauru. Après la Seconde Guerre Mondiale, deux mouvements de population significatifs se produisirent : le premier fut la réinstallation externe de certaines familles de Vaitupu sur l’île de Kioa, à Fidji ; le second fut la réinstallation interne de Niutao vers Niulakita. En 1951, les anciens de Vaitupu, sous l’impulsion de Donald Kennedy, un expatrié australien qui était également le directeur de l’Inernat, décidèrent d’acheter à Fidji l’îlot de Kioa (White, 1965).

La principale raison qui guida cette acquisition fut la peur que les ressources de l‘île ne deviennent insuffisantes pour répondre à la demande accrue du fait de la croissance de la population. Devant cette ‘catastrophe malthusienne’, quelques douzaines de familles déménagèrent à Kioa, cela jusqu’en 1983, et obtinrent finalement la nationalité Fidjienne en 2005. Pour les mêmes raisons, les autorités coloniales britanniques avaient décidé en 1989 de réinstaller une partie de la population de Niutao, qui était alors l’atoll le plus habité de Tuvalu, vers l’îlot désert Niulakita. Depuis lors, Tuvalu, qui signifie littéralement ‘groupe de huit, réunis ensemble’, compte neuf îles habitées. Niulakita demeure l’île la moins peuplée, avec 40 habitants environ seulement.

Ces deux mouvements migratoires passés révèlent que la perspective d’une réinstallation permanente de la population fut envisagée bien avant que n’apparaissent les menaces liées au changement climatique. La plupart des médias continuent pourtant à prétendre que la réinstallation de la population serait inédite – les deux exemples ci-dessus montrent que cette idée n’a rien d’inédit, même si les réinstallations étaient envisagées à une échelle bien plus petite. L’idée de la réinstallation fut également abordée dans les années 1980, en réponse à ce qui était perçu comme un problème de surpopulation (Connell 1983). Cette idée de réinstallation découlait alors directement d’une perspective malthusienne, selon laquelle l’approvisionnement en nourriture des populations serait toujours menacé, sauf si ces populations étaient maintenues sous un strict contrôle démographique (1980). Ce spectre de la catastrophe malthusienne reste prévalent encore aujourd’hui : il justifie largement la politique migratoire actuelle du gouvernement tuvaléen, qui vise à encourager et à faciliter la migration de ses habitants vers l’étranger.

 Système migratoire de Tuvalu

Parmi les migrants interrogés, beaucoup avaient migré à de nombreuses reprises au cours de leur vie, certains d’entre eux jusqu’à huit fois. A travers l’histoire, la migration a toujours été un élément important de l’identité de Tuvalu (Connell 2003). Les flux migratoires ont connu une augmentation importante après la Seconde Guerre Mondiale : les Tuvaléens furent formés dans la marine marchande, pour travailler sur des embarcations au long cours, en particulier sur des navires allemands (Borovnik 2004). Après l’épuisement des mines de phosphate à Nauru, de nombreux travailleurs migrants furent rapatriés à Tuvalu, ce qui entraîna une diminution significative des remises d’épargne. Aucune institution d’enseignement supérieur n’étant présente à Tuvalu, les jeunes Tuvaléens furent également envoyés à l’étranger pour y mener leurs études, essentiellement à Fidji, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Au cours des dernières années, néanmoins, les opportunités de migration dans la région ont drastiquement diminué : les mines de Nauru ont fermé, tandis que les tensions politiques avec le gouvernement fidjien ont eu pour effet pour réduire les possibilités d’émigration à Fidji. Sous l’impulsion du gouvernement de John Howard, l’Australie a également mis en place une politique migratoire très restrictive à l’égard des îliens du Pacifique. Contrairement à la plupart des îles de la région, qui sont des protectorats ou des dominions, Tuvalu est un Etat totalement indépendant. Contrairement à ses voisins, Tuvalu a donc connu au cours des dernières années une réduction importante de ses possibilités de migration : c’est également une des raisons pour lesquelles le gouvernement tuvaléen cherche activement de nouvelles opportunités de migrations pour ses citoyens, avec un succès limité jusqu’ici. Cette recherche répond à une triple demande : la réduction des problèmes de surpopulation à Funafuti, l’augmentation des remises d’épargne, et enfin les craintes de la population concernant les menaces liées au changement climatique. Tuvalu faisait en quelque sorte partie d’un système migratoire (Bedford 1992) qui s’est désintégré au cours des dernières années, et que le gouvernement cherche désormais à reconstruire. Les flux migratoires à Tuvalu se divisent désormais entre migrations internes, très importantes en volume, et migrations internationales, plus limitées.

Migrations internes

La première caractéristique des migrations à Tuvalu est l’importance des migrations internes entre les différents atolls. Depuis que le gouvernement de Tuvalu a reçu du gouvernement australien le bateau Nivanga, dans les années 1990, les mouvements de population entre les différents atolls ont considérablement augmenté. L’aide internationale a non seulement facilité les possibilités de transport entre les différentes îles, mais a également transformé Funafuti en un pôle d’attraction important, en raison du développement rapide qu’a connu l’atoll dans les années 2000. L’aide internationale a permis le développement de nombreuses infrastructures, notamment un immeuble pour les services du gouvernement, un hôpital, un centre de télécommunications, un quai, et une école navale sur le petit atoll d’Amatuku, à proximité de Funafuti. Le gouvernement cherche désormais à développer des infrastructures sur les autres îles de l’archipel, de manière à réduire l’attractivité comparative de Funafuti, et les migrations internes qui y sont liées.

Migrations vers Fidji

Avec la présence de l’Université du Pacifique Sud à Suva, les migrations vers Fidji sont également relativement importantes. Les étudiants tuvaléens bénéficient de bourses d’études qui leur permettent notamment d’emmener leurs familles à Fidji pendant la durée de leurs études. Une autre source importante de la présence tuvaléenne à Fidji sont les institutions internationales et régionales, notamment les bureaux du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et de la Commission du Pacifique Sud (SOPAC). Les fonctionnaires tuvaléens travaillant pour ces institutions s’établissent généralement à Fidji avec leurs familles. Enfin, un flux migratoire limité, mais continu, s’est établi entre l’atoll de Vaitupu et l’île fidjienne de Kioa, qui fut donc acquise en 1951. Depuis 2005, les résidents de Kioa ont pu obtenir la nationalité fidjienne. Depuis l’introduction récente d’un visa par le gouvernement fidjien, les flux migratoires entre Tuvalu et Fidji se sont considérablement ralentis, mais la présence tuvaléenne à Fidji demeure importante, avec une vie communautaire particulièrement active.

Migrations vers l’Australie et les Etats-Unis

Les migrations vers l’Australie et les Etats-Unis restent extrêmement limitées, en raison de politiques migratoires restrictives. Selon le Ministère tuvaléen des Affaires étrangères, il y aurait moins de 300 résidents tuvaléens en Australie, concentrés dans la région de Brisbane. L’Australie, néanmoins, reste souvent vue comme un eldorado, et une des raisons majeures de l’acquisition de la nationalité néo-zélandaise par les Tuvaléens est la possibilité qui leur est alors offerte de migrer librement vers l’Australie, en vertu de l’accord de libre circulation trans-tasmanien.

  • «  J’aimerais émigrer en Nouvelle Zélande, quand j’aurai suffisamment d’argent. J’y travaillerai trois ans ou plus, et ensuite je voudrais aller en Australie. C’est là que je veux vivre, parce que la vie y est meilleure.  » (Oketopa Tinilau)

Migrations vers la Nouvelle-Zélande

Mais c’est vers la Nouvelle-Zélande que les flux migratoires internationaux sont les plus importants. Plusieurs accords migratoires existent entre Tuvalu et la Nouvelle-Zélande : un programme de réunification familiale, un programme de migration saisonnière, dans les secteurs agricole et horticole, et enfin un programme d’immigration par quotas, la ‘Pacific Access Category’. Le programme permet chaque année à quelque 650 résidents de Fidji, Tuvalu, Kiribati et Tonga de s’établir en Nouvelle-Zélande. Dans ce programme, Tuvalu dispose d’un quota de 75 migrants, qui n’est d’ailleurs pas rempli chaque année [4] . Les immigrants doivent remplir des conditions très sévères avant de pouvoir émigrer vers la Nouvelle-Zélande : ils doivent notamment maîtriser l’anglais, disposer d’une offre d’emploi sur place, et subir des tests médicaux. Une fois établis en Nouvelle-Zélande, ces migrants ont le droit d’y emmener leur famille.

  • «  Je voulais déjà partir pour la Nouvelle Zélande en 1997, mais ma femme a dû rester pour soigner ses parents. Il n’est pas facile de trouver un travail en Nouvelle Zélande quand vous êtes à Tuvalu, j’ai donc dû aller là-bas pour chercher du travail. J’ai eu deux offres : une comme fermier et une autre comme fonctionnaire. Je ne sais encore laquelle je choisirai. J’ai besoin de faire un contrôle de santé à Fidji d’abord, parce je ne peux pas le faire ici à Tuvalu. C’est très cher et je n’ai pas assez d’argent actuellement. Je partirai quand j’aurai assez d’argent (...) Le Gouvernement pourrait faire plus ; par exemple faciliter les contrôles de santé à Tuvalu.  » (Utala Ktaloka)

La communauté tuvaléenne d’Auckland est particulièrement active, et maintient des liens très forts avec ceux qui sont restés à Tuvalu. La vie culturelle de la communauté est particulièrement évidente dans les activités paroissiales et sportives, ainsi que dans les festivités religieuses et folkloriques. Cette tradition culturelle, même si elle reste vivace, a néanmoins été quelque peu diluée dans la culture occidentale néo-zélandaise.

  Perspectives migratoires des Tuvaléens

Contrairement à une idée reçue, tous les habitants de Tuvalu ne partagent pas les mêmes vues sur la menace que représente le changement climatique, et la nécessité de quitter l’archipel. En réalité, il y a sans doute autant d’opinions sur la question que d’habitants dans l’archipel. Ces différentes perspectives peuvent être classées en cinq groupes.

Résignation et refus de migrer

Le point de vue le plus répandu mêle résignation et désespoir. Bien que reconnaissant la réalité de la menace climatique, ces habitants expriment également un attachement profond à leur pays, affirmant qu’ils ne partiront jamais, même si l’île devait être totalement submergée par l’océan.

  • « C’est mon pays, je suis prêt à y mourir. Je connais beaucoup de gens qui sont en train de partir mais je ne veux pas partir avec eux. Je veux rester ici. » (Eti Eseta)
  • « Je ne veux pas partir, si nous partons tous, Tuvalu mourra, et je ne le veux pas. Nous devons rester ici, c’est ici que devons être. » (Luisa Kakamua)
  • «  La communauté internationale doit faire quelque chose pour nous aider. Nous ne sommes pas responsables du changement climatique, donc notre pays ne peut pas disparaître. Les autres pays doivent remédier à ce problème. » (Suilia Toloa)

Optimisme quant aux possibilités d’adaptation

D’autres répondants, par contre, adoptent une vue plus optimiste, convaincus qu’il serait possible de s’adapter au changement climatique, bien que la mise en place de ces stratégies d’adaptation demande une aide internationale importante. Ces répondants considèrent généralement la migration comme l’aveu d’une défaite, une option qu’ils ne considéreraient que si d’autres stratégies d’adaptation devaient échouer. Ces répondants avaient souvent reçu une éducation supérieure, et étaient également souvent proches du gouvernement – soit qu’ils soient eux-mêmes fonctionnaires, soit qu’un membre de leur famille soit employé par le gouvernement.

  • « Si nous avons assez de ressources pour nous adapter, Tuvalu peut être sauvée. C’est un problème d’argent, vous savez. Je ne pense pas que Tuvalu disparaîtra, il n’y a pas nécessité d’émigrer. Il n’entre pas dans les plans de Dieu de déplacer Tuvalu. » (Sakala Tekavatoetoe)

Refus d’accepter la réalité du changement climatique

D’autres refusent de reconnaître le changement climatique comme un problème, et considèrent l’élévation du niveau des mers comme un processus naturel.

  • « Nous sommes un pays-atoll, il est normal que le niveau de la mer change avec les marées et les courants. Un jour cela monte, un autre jour cela descend.  » (Risasi Finikaso)

Certains réagissent assez durement aux questions posées, affirmant que le changement climatique n’était qu’une invention des pays industrialisés pour accroître leur domination sur les pays pauvres, et singulièrement les petits Etats insulaires.

  • «  Nous n’avions aucun probleme avant que des gens comme vous viennent nous parler du changement climatique… Maintenant les populations sont en train de partir pour la Nouvelle Zélande à cause de vous. » (Pulafagu Toafa)

Enfin, une petite minorité religieuse demeure convaincue qu’une intervention divine se produira au dernier moment pour sauver Tuvalu, en raison de la promesse mythique faite par Dieu à Noé qu’il n’y aurait plus de déluge sur terre. L’Eglise considère désormais la question sérieusement, et a lancé des missions de sensibilisation de la population au changement climatique, qui insistent notamment sur le caractère métaphorique de la promesse faite à Noé.

La migration par crainte du pire

Parmi ceux qui envisagent la possibilité de migrer, deux perspectives émergent. La première est la migration de peur que l’île ne se trouve un jour brutalement inondée.

  • « Je ne veux pas me reveiller un matin avec une île inondée. Regardez ce qui s’est passé aux Iles Salomon ! Je préfère partir maintenant avant de n’avoir d’autre choix. Je ne sais pas ce qui peut arriver à notre pays, donc je voudrais accéder au Pacific Access Catégory [5] dès que j’aurai assez d’argent. » (Nofoalofa Petero)

La migration comme stratégie proactive et opportuniste

La seconde consiste à considèrer l’option migratoire comme une stratégie proactive, une manière de réduire sa vulnérabilité environnementale et de développer d’autres projets en Nouvelle-Zélande.

  • «  L’avenir de Tuvalu est incertain, je pense donc que je serai mieux en Nouvelle Zélande. La vie de toute façon est meilleure en Nouvelle Zélande, il n’y a aucune opportunité à Tuvalu. » (Kumitia Tekaai)

Dans la plupart des cas, les facteurs environnementaux se mêlent à des facteurs économiques et sociaux pour justifier la migration. La plupart de ces futurs migrants possèdent déjà de la famille en Nouvelle-Zélande, et ces liens familiaux constituent un important facteur d’attraction. La migration est souvent considérée dans l’intérêt des enfants, et conçue comme une stratégie de réduction des risques pour l’ensemble de la famille.

Ces différentes attitudes vis-à-vis de la migration montrent que celle-ci n’est pas conçue dans un cadre déterministe, comme on le suppose souvent, mais plutôt comme une décision prise par le migrant et fondée sur son ressenti personnel, ses valeurs et ses intérêts. Une perception similaire de la menace représentée par le changement climatique peut donner lieu à des décisions migratoires différentes (rester ou partir), de même que des perceptions différentes du changement climatique (‘Tuvalu survivra’ ou ‘Tuvalu est condamné’) peuvent aboutir à la même décision migratoire. Dès lors, on peut établir qu’il n’existe pas, à Tuvalu, de relation causale directe entre le changement climatique, la perception de celui-ci, et le comportement migratoire. D’autres facteurs, tels que les valeurs et intérêts personnels, doivent impérativement être pris en compte dans l’explication du comportement migratoire.

  Différents facteurs migratoires en Nouvelle-Zélande

Selon le dernier recensement (2007), il y a officiellement 2625 Tuvaléens résidant en Nouvelle-Zélande. Néanmoins, en raison de l’immigration irrégulière, la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce nombre doit être porté à 3000 environ. 80.3 % d’entre eux habitent dans la région d’Auckland.

Les préoccupations liées au changement climatique sont évidentes chez les Tuvaléens émigrés en Nouvelle-Zélande, bien qu’ils aient rarement eu l’occasion de voir par eux-mêmes les effets du changement climatique à Tuvalu. Parmi les migrants interrogés, tous ont évoqué la menace du changement climatique et de l’élévation du niveau des mers comme facteurs qui ont influencé leur décision migratoire. Tous ont également mentionné que leur famille et leurs amis subissent des dégradations de leur environnement à Tuvalu.

En Nouvelle-Zélande, les migrants interrogés se sentent tous concernés par les incertitudes qui pèsent sur le futur de leur Etat d’origine, se sentent très concernés par les difficultés rencontrées par leurs familles restées au pays. Tous craignent que leur pays ne soit un jour submergé par la mer, et cette crainte est partagée par tous les groupes socio-démographiques. La plupart des migrants ont une bonne connaissance des impacts du changement climatique sur les territoires insulaires, et ont entendu les récits d’inondations et d’érosion côtière à Tuvalu.

  • «  Quand je suis parti il était clair que cela allait empirer année après année. Mon frère était déjà là- bas avec sa famille, ainsi cela était plus facile pour moi de quitter Tuvalu. J’y retourne une fois l’an parce qu’il me reste de la famille à Tuvalu. Peut-être qu’eux aussi iront en Nouvelle Zélande, un jour. Cela dépend de ce qui se passera. (…) Je ne sais si Tuvalu disparaîtra ou quoi (sic), mais je ne pense pas que les gens aient un avenir à Tuvalu. C’est en train d’empirer.  » (Tomalu Talu)

Lorsque les migrants étaient interrogés sur la manière dont l’élévation du niveau des mers pouvait affecter l’environnement à Tuvalu, certaines variations apparaissaient néanmoins. Le risque d’inondations était le plus fréquemment mentionné, mais des migrants ont également évoqué l’accélération de l’érosion côtière et la salinisation des sols.

Dans les réponses données par les migrants transparaissent également de l’anxiété, du désespoir et même de la colère quant au futur incertain de Tuvalu. Il apparaît que cette incertitude a joué un grand rôle dans leur décision migratoire. Bien que la formulation des réponses puisse différer selon les migrants, l’inquiétude concernant les effets du changement climatique à Tuvalu est uniformément perçue.

La dégradation de l’environnement à Tuvalu, présente et future, a clairement joué un rôle important dans la migration de ceux qui se sont établis en Nouvelle-Zélande. Parmi les autres facteurs environnementaux mentionnés par les migrants, on peut également citer la pauvre qualité de l’eau, des sols, les sécheresses et les ouragans.

D’autres facteurs migratoires, néanmoins, ont également joué un rôle significatif : c’est notamment le cas des liens familiaux et des réseaux sociaux. Beaucoup de migrants signalent que leur migration a été facilitée par l’aide qu’ils ont reçue de la part d’associations de migrants qui se sont formées en Nouvelle-Zélande. Ces associations regroupent les migrants en fonction de leur île d’origine, et visent à faciliter l’émigration d’autres habitants de cette île. Ces associations parrainent les migrants, les aident à trouver un emploi, et remplissent même parfois à leur place les formulaires d’immigration.

Par ailleurs, les facteurs économiques ont également joué un rôle décisif dans la décision migratoire de nombreux migrants : presque tous les répondants ont également mentionné leur chômage et/ou leurs revenus insuffisants parmi les raisons qui ont justifié leur migration. Enfin, il faut signaler que de nombreux migrants souhaitent obtenir la nationalité néo-zélandaise, de manière à pouvoir par la suite émigrer vers l’Australie. Comme mentionné précédemment, en vertu du Trans-Tasman Travel Arrangement (TTTA), les Australiens et les Néo-Zélandais peuvent circuler librement entre les deux pays, y séjourner et y travailler sans restrictions.

  • « Dans deux ans, je pourrai obtenir un passeport australien. Je veux aller à Brisbane. J’ai toujours voulu aller en Australie. J’ouvrirai une affaire là-bas, je ne sais quelque type d’affaire, mais je veux avoir mon affaire. Le travail est si difficile en Nouvelle Zélande.  » (Molu Tavita)

Globalement, bien que les impacts futurs et présents du changement climatique aient été un déterminant important des migrations vers la Nouvelle-Zélande, le facteur migratoire n’a pas toujours été le facteur décisif, et les déterminants économiques et familiaux ont également été significatifs.

 Conclusion

Les processus migratoires entre Tuvalu et la Nouvelle-Zélande sont infiniment plus complexes que l’image qui en est généralement donnée dans les médias. L’approche dominante est un discours alarmiste, qui décrit des flux de réfugiés qui quitteraient Tuvalu suite à l’élévation du niveau de la mer. Ce discours alarmiste rejoint également les intérêts de politique extérieure de deux pays : Tuvalu peut utiliser ce risque pour mobiliser l’aide internationale, tandis que la Nouvelle-Zélande, en apparaissant comme un pays d’accueil possible, en tire des bénéfices réputationnels auprès des pays de la région.

Sur le plan interne, néanmoins, c’est un tout autre tableau qui apparaît. Tout d’abord, la majorité des habitants de Tuvalu ne souhaitent pas quitter leur pays, et beaucoup pensent d’ailleurs que ce pays n’est pas condamné à disparaître. Ensuite, ceux qui ont migré vers la Nouvelle-Zélande l’ont fait pour d’autres raisons également, telles que des opportunités économiques ou des liens familiaux. Bien que les facteurs environnementaux aient largement influencé leur décision migratoire, le facteur décisif semble avoir été essentiellement les incertitudes pesant sur le futur de leur pays. Les processus migratoires de Tuvalu vers la Nouvelle-Zélande pourront souvent être caractérisés comme des stratégies familiales de réduction des risques.

Même dans le cas de Tuvalu, qui apparaît pourtant comme le cas emblématique des migrations environnementales, la relation entre les changements environnementaux et les flux migratoires est loin d’être une relation causale directe. Au contraire, il apparaît que la migration environnementale, en tant que concept, est un produit des perceptions et intérêts individuels, ainsi que des politiques publiques menées pour prendre en compte ce problème, à la fois sur les plans interne et externe. Cela ne signifie évidemment que la menace du changement climatique ne soit pas réelle, ou que les facteurs environnementaux ne jouent aucun rôle dans le processus migratoire, mais plutôt que la caractérisation de l’importance de ces facteurs est une construction sociale et politique.

De plus, la description constante des Tuvaléens comme des migrants environnementaux potentiels peut les enfermer dans un piège relativiste (Connell 2003) et les empêcher de développer des stratégies d’adaptation adéquates. C’est donc aussi notre processus de catégorisation des migrants qui doit être interrogé ici.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Cette recherche a été menée dans le cadre du projet EACH-FOR (Environmental Change and Forced Migration Scenarios), co-financé par la Commission européenne (6ème PCRD, contrat 044468). Un financement additionnel a été apporté par le Fonds National de la Recherche Scientifique belge (FNRS). L’auteur tient également à remercier l’association ‘Alofa Tuvalu’, à Paris, pour l’aide précieuse fournie sur place.

[2Les canaris étaient auparavant employés dans les mines de charbon pour avertir d’un danger imminent

[3Un atoll est un anneau de récifs coralliens qui entourent un lagon (Barnett and Adger 2003)

[4En 2005, 16 migrants ont bénéficié du programme, et 22 en 2006 (source : Ministère des Affaires étrangères)

[5Le Pacific Access Category (PAC) donne tous les ans la possibilité à 75 ressortissants de Tuvalu, 75 ressortissants de Kiribati, 250 de Fidji et 250 de Tonga d’obtenir une résidence permanente en Nouvelle-Zélande.

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 Bibliographie

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 Lire dans l’encyclopédie

dans l’encyclopédie

* Marc Darras,

* Jean-Michel Bélorgey, Migrations, (n°68) Juin 2008

* Hélène Combe, Les migrations du climat : un défi pour les villes, un devoir d’engagement collectif, N° (87) , avril 2009.

* Julien Bétaille, Les déplacements environnementaux : un défi pour le droit international, N° (90) , mai 2009.

* Jacques Ould Aoudia, Une ONG engagée depuis 23 ans dans le co-développement sur le territoire de l’Anti-Atlas marocain,« Migrations et Développement », N° (91) , mai 2009.

 Lire sur Internet

 Collectif Argos : http://www.collectifargos.com/Tuval...

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