Les perspectives démographiques mondiales

30 mars 2012

Résumé

La population mondiale a franchi le seuil de 7 milliards en 2011 et devrait atteindre 8 milliards vers 2025. La croissance démographique décélère pourtant : ayant atteint un maximum de plus de 2% par an il y a cinquante ans, elle a diminué de moitié depuis (1,1% en 2012) et devrait continuer de baisser jusqu’à la quasi stabilisation de la population mondiale dans un siècle autour de 10 milliards d’habitants. L’un des grands changements à venir est le formidable accroissement de la population de l’Afrique qui, Afrique du Nord comprise, pourrait malgré le sida quadrupler d’ici un siècle, passant de 800 millions d’habitants en 2000 à 3,6 milliards en 2100.

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Auteur·e

Pison Gilles

Professeur au Muséum national d’histoire naturelle, chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques (INED) et rédacteur en chef de la revue Population et Sociétés. Il a conduit de nombreux travaux sur les changements démographiques et sanitaires dans le monde avec un intérêt particulier pour les évolutions en Afrique subsaharienne


Cette présentation est réactualisée par l’article de même titre ’ Les perspectives démographiques mondiales ’, (N°252), paru dans cette Encyclopédie en - août 2018 -

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L’humanité s’accroît rapidement, suscitant la crainte de la surpopulation. Les projections des démographes annoncent une poursuite de la croissance pendant encore quelques décennies, mais à un rythme décélérant d’année en année. L’humanité n’échapperait pas à un surcroît de 1 à 5 milliards d’habitants d’ici un siècle, mais elle ne devrait probablement plus guère alors augmenter. Sur quoi repose ce pronostic ? Une fois le total mondial arrivé à 10 milliards, la situation sera-t-elle ensuite figée partout ? Tentons ici de faire la part des certitudes et des interrogations.

  L’évolution démographique mondiale : les leçons du passé

Pour explorer le futur, il est utile d’avoir en tête les évolutions passées. La population mondiale se compte en milliards d’habitants et s’accroît rapidement que depuis deux siècles. Pendant presque toute son histoire, elle n’en a compté que quelques centaines de milliers ou quelques millions, et elle n’a augmenté que très lentement. Approchant du milliard à la fin du XVIIIe, c’est seulement alors qu’elle se met à augmenter rapidement. Elle franchit le milliard vers 1800, puis atteint deux milliards en 1927, trois milliards en 1960, quatre milliards en 1974, cinq milliards en 1987, six milliards en 1999, sept milliards en 2011 (figures 1 et 2). Au début de la décennie 2010, elle augmente chaque année de 79 millions (1,1%), en raison des 137 millions de naissances (375 000 par jour, 4,3 par seconde) auxquelles il faut retrancher 58 millions de décès (160 000 par jour, 1,8 par seconde).

A ce rythme (1,1% par an), la population double en près de 60 ans. S’il se maintenait, les 7 milliards de 2011 deviendraient 14 milliards en 2071, 28 milliards en 2131, etc. Si les Nations unies prévoient dans leur projection moyenne que la population mondiale sera « seulement » de 10 milliards en 2100 (les scénarios haut et bas encadrant ce scénario moyen conduisant respectivement à 16 et 6 milliards en 2100 – figure 2) et qu’elle pourrait se stabiliser à terme, c’est qu’elles supposent que tous les pays vont connaître la transition démographique (voir définition en encadré) selon un modèle qui implique la stabilisation de la population après une phase de croissance rapide (figure 3). Penchons-nous sur ce modèle qui rend compte des évolutions observées dans les pays du Nord.


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  D’un équilibre à l’autre : la transition démographique

La population n’augmentait pas ou que très faiblement jusqu’il y a deux siècles, en raison d’un quasi-équilibre entre les naissances et les décès. De violentes crises de mortalité, au gré des épidémies et des famines, faisaient osciller la durée de vie moyenne entre 20 et 25 ans, en raison notamment d’une très forte mortalité infantile. Il fallait, pour équilibrer cette mortalité, une fécondité moyenne élevée (voir définition en encadré), de l’ordre de 6 enfants par femme. Cet équilibre a été rompu il y a deux siècles dans le monde occidental. Avec l’essor économique, les premiers progrès de l’hygiène et de la médecine, ainsi que la mise en place des grands États modernes, les épidémies et les famines disparaissent progressivement d’Europe et d’Amérique du Nord. La mortalité, notamment infantile, diminue. Les familles étant toujours aussi nombreuses, les naissances excèdent dorénavant les décès et la population s’accroît (figure 3). Après une ou plusieurs générations, les adultes prennent conscience que la plupart des enfants échappent désormais à la mort. Les enfants deviennent par ailleurs une charge dès lors qu’il faut les envoyer à l’école jusqu’à un âge croissant. Avec la diffusion des idées du siècle des Lumières, qui prônent l’individualisme et la critique des contraintes religieuses, un nouveau comportement se répand à travers l’Europe et l’Amérique du Nord, la limitation volontaire des naissances. Le nombre d’enfants par femme diminue. Mais la mortalité poursuivant sa baisse, les naissances restent supérieures aux décès et la population continue de croître. Ce n’est que dans les générations ultérieures que cette croissance se ralentit progressivement, lorsque le nombre de décès se stabilise et est rejoint par celui des naissances. La « transition démographique », comme on appelle ces changements des conditions de vie et des comportements, est alors terminée. Dans l’équilibre théorique moderne, qui n’a été observé dans aucun pays mais vers lequel tendent les pays développés, la fécondité serait proche de deux enfants par femme, la durée de vie moyenne égale ou supérieure à 70 ans. Les naissances égaleraient à peu près les décès.

Cette histoire que les pays aujourd’hui développés ont connue, les autres pays la vivent à leur tour, ce qui explique que leur population soit en pleine expansion et alimente la croissance démographique mondiale.


Figure 3. Le modèle de la transition démographique



7 milliards le 31 octobre 2011 : en est-on sûr ?

D’après les Nations unies, c’est le 31 octobre 2011 exactement que le chiffre de 7 milliards est atteint. Mais en sommes-nous certains ? Grâce aux recensements, nous disposons d’informations sur l’effectif de la population pour tous les pays du monde, même si leur qualité varie d’un pays à l’autre. Elles permettent d’estimer le nombre total des êtres humains à quelques pour cent près. Il est donc possible que le seuil de 7 milliards ait été franchi un ou deux ans plus tôt que 2011, ou un ou deux ans plus tard. Il n’empêche, les tendances démographiques mondiales sont bien connues et permettent d’annoncer entre 8 et 10 milliards d’habitants sur la planète en 2050 .




 La croissance démographique va se poursuivre tout en décélérant

La population mondiale continue d’augmenter, mais à un rythme de plus en plus faible (figure 4). La croissance démographique a atteint un maximum de plus de 2% par an il y a cinquante ans, elle a diminué de moitié depuis (1,1% en 2012) et devrait continuer de baisser jusqu’à la quasi-stabilisation de la population mondiale dans un siècle autour de 10 milliards d’habitants d’après le scénario moyen des Nations unies (figure 2).

L’accélération de la croissance démographique depuis deux siècles tient à l’entrée successive des différentes régions du monde dans la transition démographique. Le maximum d’il y a cinquante ans correspond à une période où la fécondité était encore élevée dans tous les pays du Sud, les femmes y mettant au monde entre 5 et 7 enfants en moyenne chacune. Ces pays avaient vu leur mortalité baisser depuis quelques années ou décennies en raison des avancées de l’hygiène et de la médecine et des progrès socioéconomiques, même si elle restait beaucoup plus élevée que dans les pays du Nord. Il en résultait un excédent des naissances sur les décès qui alimentait une croissance démographique soutenue. Ce phénomène était connu à l’époque des démographes, le grand public n’en ayant pris conscience que quelques années plus tard lorsqu’il lui a été présenté comme une « explosion démographique ». Plus justement, c’était le signe que les pays du Sud entraient à leur tour dans la transition démographique, de façon plus rapide que les pays du Nord quelques décennies ou un siècle auparavant. Des taux d’accroissement de l’ordre de 3% par an (doublement en 23 ans) n’étaient pas rares, alors que dans l’Europe de 1880 à 1914, ceux qui restaient durablement autour de 1,5% par an étaient exceptionnels.

Les démographes anticipaient le fait que la baisse de la mortalité dans les pays du Sud serait suivie tôt ou tard d’une baisse de la fécondité, comme cela avait été le cas dans les pays riches. La limitation volontaire des naissances avait mis du temps à se diffuser en Occident – apparue dès la fin du XVIIIe siècle dans certains pays, bien avant la contraception moderne, elle n’a touché l’ensemble de la population que dans la deuxième partie du XXe siècle – et les démographes pensaient qu’il en serait de même dans les pays du Sud, même avec des programmes de contrôle des naissances. Ils étaient confortés dans cette idée par les ethnologues qui décrivaient les sociétés de ces pays comme très attachées aux familles nombreuses et nullement prêtes à limiter leurs naissances.

 Une surprise : la chute rapide de la fécondité en Asie et en Amérique latine

Les démographes ont été surpris quand les enquêtes ont révélé que la fécondité avait commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Ils ont dû notamment revoir sensiblement à la baisse leur projection démographique pour ces continents.

Un des résultats est qu’en 2010 la fécondité mondiale n’est plus que de 2,5 enfants en moyenne par femme, soit deux fois moins qu’en 1950 (5 enfants). Mais la moyenne actuelle de 2,5 enfants recouvre une grande diversité de situations (figures 5 et 6). La fécondité est la plus basse à Taïwan (1,0 enfant par femme) et la plus élevée au Niger (7 enfants). Dans la plupart des pays ou régions du monde incluant bon nombre de régions du Sud et rassemblant au total plus de la moitié de l’humanité, la fécondité se situe en dessous du seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme. C’est le cas en Tunisie (2,0 enfants par femme), au Brésil (1,8), en Iran (1,7), en Chine et en Thaïlande (1,6). Même en Inde, où la moyenne est de 2,6 enfants par femme, plusieurs États rassemblant au total plusieurs centaines de millions d’habitants (dont l’Andhra Pradesh, le Bengale occidental, le Karnataka, le Kerala, le Maharashtra, le Pendjab et le Tamil Nadu) sont aussi tombés sous le seuil de remplacement (2,1 enfants par femme).


1.

Figure 5. Carte de la fécondité dans le monde en 2010
(Nombre moyen d’enfants par femme)


Même si la fécondité est basse dans de nombreux pays du Sud, leur population est encore jeune, elle comprend notamment beaucoup d’adultes ayant l’âge d’avoir des enfants, nés lorsque la fécondité était encore élevée, ce qui entraîne un nombre élevé de naissances aujourd’hui. Les personnes âgées ou très âgées sont en revanche peu nombreuses, et même si l’espérance de vie n’atteint pas les niveaux élevés des pays développés, le nombre annuel de décès est faible. La population de ces pays va donc encore croître pendant quelques décennies, le temps que leurs populations vieillissent. La Chine illustre bien ce phénomène d’inertie démographique : en 2010, comme indiqué plus haut, on estime que la fécondité était de 1,6 enfant en moyenne par femme, soit nettement en dessous du seuil de remplacement des générations, et l’espérance de vie à la naissance, 73 ans. Seize millions d’enfants y sont nés cette année-là et 10 millions de personnes y sont mortes, la population augmentant de 6 millions d’habitants, soit 0,5% de la population totale (1,34 milliard d’habitants). Selon les projections moyennes des Nations unies, la population devrait augmenter encore jusqu’à un plafond de 1,40 milliard vers 2025, puis diminuer ensuite pour atteindre 1,30 milliard en 2050. A noter qu’elle serait alors devancée par celle de l’Inde, plus nombreuse. L’Inde est l’exemple de pays où la fécondité, 2,6 enfants en moyenne par femme en 2010 comme indiqué plus haut, se situe encore nettement au-dessus du seuil de remplacement des générations. Depuis 1975, il naît chaque année plus de petits indiens que de petits chinois, en 2010, 27 millions contre 16 (tableau 1). La population de l’Inde - 1,2 milliard d’habitants en 2010 - devrait dépasser celle de la Chine vers 2020. Une fécondité encore au-dessus de seuil de remplacement, combinée à une population encore très jeune, assure à l’Inde comme aux autres pays de ce type une croissance démographique importante pendant encore plus d’un demi-siècle.

Parmi les régions à (encore) forte fécondité, supérieure à quatre enfants par femme, on trouve presque toute l’Afrique subsaharienne et les régions se situant dans une bande allant de l’Afghanistan jusqu’au Nord de l’Inde en passant par le Pakistan. Il s’agit pour la plupart des régions les moins développées de la planète. C’est là que l’accroissement de population sera le plus important au cours de ce siècle, même si la limitation volontaire des naissances devrait s’y généraliser à terme comme partout ailleurs.



 Le reclassement prévisible des pays

Comme pour les deux géants que sont la Chine et l’Inde, le classement va bouger d’ici 2050 parmi les autres pays les plus peuplés. Le Brésil, cinquième pays du monde par la population avec 195 millions d’habitants en 2010, devrait être dépassé à terme par le 6ème, le Pakistan (174 millions), et le 7ème, le Nigeria (158 millions) (tableau 1). Le reclassement est là encore annoncé par les nombres respectifs de naissances aujourd’hui dans ces différents pays. D’ici 2050, le Nigeria devrait lui-même dépasser le Pakistan et l’Indonésie pour prendre la place de 4ème pays le plus peuplé derrière les États-Unis (310 millions d’habitants en 2010). À plus long terme, il n’est pas exclu que le Nigeria dépasse même les États-Unis. Au début de la décennie 2010, il naît en effet plus de 6 millions de petits nigérians chaque année, soit nettement plus que de petits américains (4,3 millions).

Quant à l’Europe, pionnière dans la transition, sa population s’est fortement accrue au XIXe siècle, sa part dans la population mondiale augmentant jusqu’à représenter un homme sur quatre en 1900. C’était un sommet qu’elle n’avait sans doute jamais atteint auparavant. L’entrée des autres continents dans la transition et l’essor démographique qui en a résulté, alors que dans le même temps l’Europe terminait sa transition, a ramené la part de celle-ci à un homme sur huit en 2000. Elle devrait continuer à diminuer pour atteindre peut-être un sur seize en 2100. L’Asie de son côté, qui rassemble depuis longtemps autour des deux tiers de l’humanité, a vu sa part légèrement diminuer depuis deux siècles en raison de la montée démographique de l’Europe puis de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine. Mais sa population a fortement augmenté aussi, et ce continent devrait continuer à abriter demain la majorité de l’humanité (entre 50 et 60% du total mondial).


Les dix pays les plus peuplés en 2010 Les dix pays avec le plus de naissances en 2010 Les dix pays les plus peuplés en 2050
(Projection moyenne des Nations Unies)
Population en 2010 Naissances en 2010 Population en 2050
(millions d’ hab.) (millions) (millions d’ hab.)
1 Chine 1341 1 Inde 27,2 1 Inde 1692
2 Inde 1225 2 Chine 16,5 2 Chine 1296
3 Etats Unis 310 3 Nigéria 6,3 3 Etats Unis 403
4 Indonésie 240 4 Pakistan 4,7 4 Nigéria 390
5 Brésil 195 5 Indonésie 4,4 5 Indonésie 293
6 Pakistan 176 6 Etats Unis 4,3 6 Pakistan 275
7 Nigéria 158 7 Bangladesh 3,0 7 Brésil 223
8 Bangladesh 149 8 Brésil 3,0 8 Bangladesh 194
9 Russie 143 9 Congo 2,9 9 Philippines 155
10 Japon 127 10 Ethiopie 2,6 10 Congo 149

Source : Onu 2011, Projections de Population mondiale

Tableau 1.


 La décélération de la croissance démographique asiatique

L’Asie étant maintenant bien engagée dans la transition démographique, l’avenir de sa population semble tracé : décélération rapide de la croissance démographique, vieillissement démographique et urbanisation également rapides. Le classement des pays par la population est certes amené à changer à l’intérieur de l’Asie, en fonction de leur degré d’avancement dans la transition. Les reclassements et les effectifs en 2050 sont prévisibles comme évoqué plus haut. L’Indonésie, le Pakistan et le Bangladesh pourraient ainsi compter chacun entre 200 et 300 millions d’habitants en 2050. Les Philippines et le Vietnam en auraient respectivement 155 et 104 millions, contre 93 et 88 en 2010. Un pays voisin actuellement presque aussi important démographiquement, la Thaïlande (69 millions d’habitants en 2010), n’en compterait en revanche guère plus en 2050 (71 millions). Ce pays a pratiquement la même population que la France aujourd’hui, et il pourrait en être de même en 2050. Le recul annoncé de son poids démographique par rapport à ses voisins tient à ce que la fécondité y a baissé tôt, dès la deuxième moitié des années 1960, et très rapidement, comme en Chine, se maintenant depuis 1990 en dessous du seuil de remplacement (1,6 enfant par femme en 2010). L’Afghanistan est le type de pays asiatique qui a au contraire un fort potentiel d’accroissement démographique en raison de la fécondité élevée (de l’ordre de 6 enfants par femme). La mortalité a beau y atteindre des records - l’espérance de vie n’y serait que de 48 ans en 2010, soit parmi les niveaux les plus faibles au monde, que l’on ne retrouve que dans les pays les plus touchés par le sida en Afrique australe - sa population pourrait plus que tripler d’ici 2050, passant de 31 millions d’habitants (en 2010) à près de 80 millions.

La baisse très rapide de la fécondité en Chine dans les années 1970 est souvent attribuée à la politique de l’enfant unique. Des baisses aussi rapides ont pourtant été observées dans des pays comme la Thaïlande qui n’ont pas connu de telle politique coercitive. Les politiques de contrôle des naissances jouent certes un rôle important, mais elles ne sont efficaces que si elles rencontrent le souhait des couples d’avoir moins d’enfants. Si la fécondité chinoise a baissé si vite dans les années 1970, c’est parce que la politique officielle a coïncidé avec une modification des désirs des familles qui voulaient moins d’enfants. Les premières politiques indiennes de contrôle des naissances, dans les années 1950, 1960 et 1970, ont d’ailleurs été un échec en partie parce que les familles n’étaient pas prêtes au changement à cette époque. Plus récemment, la baisse très rapide de la fécondité en Iran, de 6,5 enfants par femme en 1980 à 2,2 en 2000, soit une division par trois en 20 ans, a surpris dans un état musulman dirigé par un régime autoritaire, celui des Mollahs. Mais celui-ci n’a rien contre le contrôle des naissances, il l’a même facilité. Et concernant le rôle des religions, à supposer qu’elles aient une doctrine en la matière, ce qui n’est pas le cas de l’islam, elles ne peuvent aller contre les préférences des couples lorsqu’ils souhaitent une famille de petite taille.

 Plus de garçons que de filles en Asie.

L’une des incertitudes concernant les évolutions démographiques futures en Asie vient du déséquilibre des sexes à la naissance dans un nombre croissant de pays. Il naît normalement un peu plus de garçons que de filles, 105 pour 100 filles en moyenne. Pourtant la proportion de garçons chez les nouveau-nés a augmenté depuis les années 1980 dans plusieurs pays, notamment en Corée du Sud et en Chine (figure 7). Dans ce dernier pays, elle dépasse 120 garçons pour 100 filles en 2005. La hausse s’observe dans des pays partageant deux traits en commun. D’abord, une société fortement patrilinéaire où la place des femmes est réduite, ce qui fait que les familles tiennent beaucoup à avoir au moins un enfant mâle. Ensuite, une fécondité qui a diminué pour atteindre deux enfants en moyenne par femme, voire moins, comme en Chine (1,6 en 2010), en Corée du Sud (1,3) ou au Viêt Nam (1,8). Lorsque la fécondité était élevée, une famille se retrouvait rarement sans aucun garçon. Avec un ou deux enfants seulement, la probabilité de ne pas en avoir est plus importante. Désireux d’avoir moins d’enfants tout en ayant au moins un garçon, les couples ont cherché à s’affranchir du hasard pour déterminer le sexe des enfants.


Figure 7. Évolution du rapport de masculinité à la naissance en Chine et en Corée du Sud depuis 1980


Choisir le sexe de son enfant est un vieux rêve. Aucune technique cependant ne permet encore de décider du sexe de l’enfant lors de sa conception ou d’augmenter sensiblement les chances que ce soit un garçon ou une fille. La méthode utilisée dans les pays où la proportion de garçons a augmenté consiste à déterminer le sexe de l’embryon pendant la grossesse et à avorter s’il n’est pas celui désiré. La méthode n’est pas efficace à 100% : elle permet d’éviter la naissance d’une fille, mais n’assure pas la naissance d’un garçon. Plusieurs grossesses et plusieurs avortements successifs peuvent donc précéder la naissance d’un garçon, certains couples ne réussissant toujours pas au bout de plusieurs tentatives. La méthode suppose en outre que l’on puisse déterminer le sexe du fœtus pendant la grossesse. C’est possible depuis que l’échographie est devenue accessible au plus grand nombre dans les années 1980. L’examen permet de connaître le sexe sans trop d’erreurs à partir de 3 à 4 mois de grossesse.

On attribue parfois la responsabilité de l’augmentation de la proportion de garçons en Chine à la politique coercitive de l’enfant unique. Il est vrai que les familles répugnaient à avoir une fille unique, mais comme déjà mentionné la politique officielle correspondait aussi à leur souhait d’avoir peu d’enfants. D’ailleurs, un déséquilibre des sexes similaire à celui de la Chine est apparu à la même époque en Corée du Sud et à Taiwan, sans politique de l’enfant unique. Il est apparu aussi à Hong Kong avant le retour à la Chine. L’augmentation de la masculinité des naissances depuis les années 1980 tient en réalité à la conjonction de trois phénomènes : la réduction de la taille des familles, la volonté d’avoir un garçon à tout prix et la diffusion de l’échographie.

Le rapport de masculinité à la naissance a également augmenté en Inde, mais sans encore atteindre les niveaux chinois : le recensement indien de 2011 a dénombré 109 garçons pour 100 filles parmi les enfants de moins 7 ans, contre 108 en 2001, 106 en 1991 et 104 en 1981. Le déséquilibre des sexes affecte surtout pour l’instant les états du Nord-Ouest de l’Inde, notamment le Penjab et l’Haryana où le recensement de 2001 a trouvé près de 125 garçons pour 100 filles parmi les moins de 7 ans. D’autres pays d’Asie sont touchés comme le Vietnam (111 garçons pour 100 filles en 2010), ou les trois pays du Caucase (Georgie, Arménie et Azerbaïdjan), pourtant très éloignés géographiquement de la Chine et de l’Inde, mais où le rapport de masculinité à la naissance atteignait près de 118 garçons pour 100 filles en 2001. Même l’Europe n’est pas épargnée avec 112 naissances de garçons pour 100 filles dans la deuxième moitié des années 2000 dans quelques pays des Balkans (Albanie, Monténégro, Kosovo, Macédoine). En Asie le phénomène pourrait s’étendre dans des pays comme le Bangladesh et le Pakistan, quand leur fécondité aura suffisamment baissé. Mais tous les pays ne sont pas touchés : la Thaïlande, où la fécondité est basse (1,6 en 2010), ou l’Indonésie (2,1), ne connaissent pas le phénomène, sans parler du reste du monde (Amérique latine, Afrique, Amérique du Nord, la plupart des régions d’Europe) où là aussi le rapport de masculinité est resté normal jusqu’ici. Cependant, même si le phénomène doit rester limité à quelques pays, il a une dimension planétaire en raison du poids démographique de deux d’entre eux – la Chine et l’Inde regroupent 38% de la population mondiale et le tiers des naissances mondiales.

Le déséquilibre va-t-il s’aggraver ? Tous les états de l’Union indienne et les provinces de Chine ne sont pas encore touchés, ceux à fécondité élevée sont en particulier restés à l’écart ; le phénomène peut donc encore s’étendre dans ces pays et le déséquilibre des sexes se creuser, surtout en Inde. Mais il pourrait aussi régresser comme en Corée du Sud (figure 7). Ayant pris la mesure du problème que posait le déséquilibre des sexes, les autorités coréennes ont comme d’autres pays interdit les examens visant à déterminer le sexe du fœtus pendant la grossesse et les avortements sélectifs, prévoyant de fortes peines pour les médecins fautifs ; des médecins ont été effectivement lourdement condamnés. La répression s’est accompagnée de campagnes visant à changer les mentalités et rehausser le statut des femmes. Ces mesures prises au début des années 1990 semblent avoir eu de l’effet puisque le rapport de masculinité, après avoir atteint un pic de 116 garçons pour 100 filles en 1990, a diminué ensuite pour revenir à un niveau quasi normal en 2011 (105) (figure 7).

 Les conséquences du déséquilibre des sexes : une décélération plus rapide de la croissance à terme ?

Le déséquilibre des sexes à la naissance va-t-il durer dans les pays touchés, ainsi que dans ceux qui vont l’être, ou ne sera-t-il que temporaire, avec un retour à la normale au bout de dix à vingt ans, comme en Corée du Sud ? Même dans ce cas, des générations d’enfants sont déjà nées avec une surreprésentation de garçons. Ils risquent d’en subir les effets tout au long de leur vie, notamment lorsqu’ils auront l’âge de se mettre en couple : les filles, minoritaires, n’auront pas de difficultés à trouver un conjoint, alors qu’une partie des garçons se retrouveront sans partenaire. Le marché matrimonial pourrait s’adapter par un célibat plus important des hommes par rapport aux femmes et par un creusement de l’écart d’âge entre conjoints, les hommes se mariant plus tard, avec des femmes appartenant à des générations plus jeunes qu’eux, alors que les femmes se marieraient au contraire plus tôt. La tendance actuellement en Asie, comme presque partout sur la planète, est au recul de l’âge au mariage et au recul de l’âge à la première naissance, les jeunes souhaitant faire des études et avoir un emploi avant de fonder une famille. Les contraintes liées au déséquilibre des sexes pourraient contrecarrer ces évolutions chez les femmes.

Quant aux perspectives démographiques, elles sont à revoir : lorsque les générations auront l’âge d’avoir des enfants, ce qui ne devrait pas tarder, les femmes, peu nombreuses, mettront peu d’enfants au monde au total, insuffisamment pour remplacer leur génération – avec 105 garçons pour 100 filles, il faut déjà 2,1 enfants en moyenne par femme pour assurer le remplacement, avec 120 garçons pour 100 filles, il en faut 2,25. La croissance démographique des pays concernés pourrait ralentir plus vite qu’annoncé et le vieillissement démographique y être plus rapide. A l’échelle mondiale, la population plafonnerait plus tôt que prévu, et à un niveau moins élevé.

 L’essor démographique de l’Afrique malgré le sida

L’un des grands changements démographiques à venir est le formidable accroissement de la population de l’Afrique qui, Afrique du Nord comprise, pourrait plus que quadrupler en un siècle, passant de 800 millions d’habitants en 2000 à 3,6 milliards en 2100 d’après le scénario moyen des Nations unies. Alors qu’un homme sur sept vit aujourd’hui en Afrique, ce sera probablement un sur quatre en 2050 et peut-être un sur trois en 2100. L’accroissement devrait être particulièrement important en Afrique au sud du Sahara où la population pourrait passer d’un peu moins de 700 millions d’habitants en 2000 à près de 3,4 milliards en 2100 d’après ce même scénario.

Comment est-ce possible dans cette région ravagée par l’épidémie de sida ? La mortalité a effectivement temporairement augmenté en Afrique au sud du Sahara et l’espérance de vie diminué. Mais la fécondité y est encore élevée, assurant un excédent des naissances sur les décès important malgré la hausse de la mortalité. Les démographes prennent bien en compte dans leurs projections la hausse de la mortalité dans cette région tout en anticipant un retour progressif à une meilleure situation au fur et à mesure des progrès dans la lutte contre l’épidémie. Le lourd tribut payé par l’Afrique à l’épidémie de sida n’aura au total guère remis en cause sa vitalité démographique, et même avec une croissance un temps ralentie, elle ne devrait pas échapper à une multiplication de sa population d’ici un siècle comme déjà mentionné.

La baisse de la fécondité, amorcée dans les années 1980 dans quelques pays d’Afrique australe et orientale, se diffuse lentement ailleurs au sud du Sahara, et touche les villes plus que les campagnes, où vit encore la majorité de la population. Le Kenya a été l’un des premiers pays d’Afrique de l’Est à connaître une diminution sensible de sa fécondité - passée de plus de 8 enfants en moyenne par femme en 1970 à un peu plus de 5 dans les années 1990, mais la baisse semble s’être arrêtée ou avoir fortement ralentie depuis une dizaine d’années sans qu’on en comprenne bien les raisons. Il est possible que les changements prennent finalement plus de temps en Afrique qu’en Asie et en Amérique latine. Les Nations unies en ont bien tenu compte quand elles ont révisé récemment à la hausse leurs projections démographiques pour l’Afrique. Si la baisse de la fécondité y est pour l’instant plus lente que celle observée il y a quelques décennies en Asie et en Amérique latine (figure 6), cela ne vient pas d’un refus de la contraception. Beaucoup de femmes africaines, même à la campagne, souhaitent limiter ou espacer leurs naissances, mais souvent elles ne bénéficient pas de services adaptés pour y arriver. Quant aux programmes nationaux de limitation des naissances, ils sont peu efficaces. Ils manquent de moyens, et surtout souffrent d’un manque de motivation de leurs responsables et des personnels chargés de les mettre en œuvre sur le terrain. Beaucoup ne sont pas persuadés de l’intérêt de limiter les naissances y compris au plus haut niveau de l’État. C’est là l’une des différences avec l’Asie et l’Amérique latine des années 1960 et 1970, et l’un des obstacles à lever si l’on veut que la fécondité baisse plus rapidement en Afrique subsaharienne.

 L’urbanisation croissante de l’humanité

L’humanité a franchi un seuil historique en 2007. Désormais, la majorité des humains vit en ville, alors que jusque là, ils étaient une minorité. Seulement un homme sur dix vivait en ville en 1900, et trois sur dix en 1950. De cinq sur dix en 2007, ils devraient être six sur dix en 2030. L’urbanisation progressive du monde devrait se poursuivre. Tout l’accroissement démographique à venir devrait être absorbé par les villes, de plus en plus nombreuses et de plus en plus grandes. Pour ce qui est de la campagne, la population humaine y vivant ne devrait plus guère augmenter, elle pourrait même diminuer (figure 7).

Figure 8. Évolution des populations rurale et urbaine dans le monde
Repris de : Pison, 2009 - Atlas de la population mondiale (Autrement)


L’urbanisation est plus ou moins avancée selon les continents : les plus développés, l’Europe, l’Amérique du Nord, sont aussi les plus urbanisés (70 à 80% de la population y vit en ville), mais l’Amérique Latine, quoique moins développée, est également très urbanisée (77%). En revanche, l’Afrique et l’Asie comptent encore une majorité de ruraux. Mais les urbains devraient bientôt y être majoritaires comme ailleurs, et ces continents, les plus peuplés, abriteront demain la majorité des grandes cités.

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L’avenir de la population mondiale est en grande partie tracé à court terme. Les projections démographiques sont en effet relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population dans les dix, vingt ou trente prochaines années. La plupart des hommes qui vivront alors sont en effet déjà nés, on connaît leur nombre et on peut estimer sans trop d’erreurs la part de ceux qui ne seront plus en vie. Concernant les nouveaux-nés qui viendront s’ajouter, leur nombre peut également être estimé car les femmes qui mettront au monde des enfants dans les 20 prochaines années sont déjà nées, on connaît leur effectif et on peut faire également une hypothèse sur leur fécondité. Au-delà des cinquante prochaines années, l’avenir est en revanche plein d’interrogations, sans modèle sur lequel s’appuyer. Celui de la transition démographique, qui a fait ses preuves pour les évolutions des deux derniers siècles, ne nous est plus guère utile à cet horizon lointain.

Si les hommes peuvent dès maintenant réfléchir à l’équilibre à trouver à long terme, l’urgence est au court terme - les cinquante prochaines années. Il est illusoire de penser pouvoir beaucoup agir sur le nombre des hommes à cet horizon. S’il augmente, c’est à un rythme décélérant de lui-même, les hommes ayant fait le choix d’avoir peu d’enfants tout en leur assurant une vie longue et de qualité. L’humanité n’échappera cependant pas à un surcroît de 1 à 3 milliards d’habitants d’ici un demi-siècle, en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Il est possible d’agir en revanche sur les modes de vie, et ceci sans attendre, afin de les rendre plus respectueux de l’environnement et plus économes en ressources. La vraie question, celle dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, est finalement moins celle du nombre des hommes que celle de leur mode de vie.

Gilles PISON




Définitions


Transition démographique  : évolution d’une population passant d’un régime démographique ancien, marqué par une natalité et une mortalité élevées et s’équilibrant à peu près, à un régime démographique moderne avec une natalité et une mortalité faibles s’équilibrant également à peu près. Pendant la transition, la mortalité est plus faible que la natalité et la population augmente rapidement.

Taux de natalité  : nombre des naissances au cours d’une année, divisé par la population. La natalité d’un pays dépend de la fécondité des femmes (voir en-dessous) et de leur nombre au sein de la population.

Fécondité : nombre moyen d’enfants qu’ont les femmes au cours de leur vie, entre 15 et 50 ans. Elle se mesure par l’indicateur synthétique de fécondité. Pour le calculer, on classe les naissances survenues au cours d’une année dans un pays selon l’âge de la mère, et on rapporte pour chaque âge le nombre de naissances au nombre de femmes dans la population. On obtient le nombre moyen d’enfants qu’ont eu les femmes de cet âge dans l’année, un taux exprimé souvent pour 100 femmes. On additionne ensuite les taux observés à chaque âge de 15 à 50 ans. L’indicateur ainsi obtenu agrège en une valeur unique les comportements féconds relatifs à 35 générations différentes observés une année donnée. Il indique le nombre total d’enfants qu’aurait un groupe de femmes ayant à chaque âge au fil de leur existence les taux observés cette année-là. Cette mesure permet de comparer la fécondité de différentes populations et de repérer si elle augmente ou diminue d’une année à l’autre dans une même population. Pour que les générations se remplacent et qu’une population ne diminue pas à terme, il faut que 100 femmes donnent naissance à 205 enfants lorsqu’il n’y a pas de migrations et pas de mortalité infantile : 105 garçons et 100 filles qui remplaceront les 100 femmes, soit 2,05 enfants en moyenne par femme. En tenant compte de la mortalité infantile, le seuil est de 2,1. Au-dessus, la fécondité contribue à faire croître la population, en dessous, à la faire décroître.

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 Bibliographie

 Nations unies, 2011 – Division de la Population, «  World Population Prospects : the 2010 Revision » (http://esa.un.org/unpd/wpp/).

 Nations unies, 2010 – Division de la Population, « World Urbanization Prospects : The 2009 Revision  » (http://esa.un.org/unpd/wup/index.htm)

 Pison Gilles, « Atlas de la population mondiale – Faut-il craindre la croissance démographique et le vieillissement », Editions Autrement, 2009, 80 p.

 Pison G, 2011 – « Tous les pays du monde (2011)  » Population & Sociétés, n° 480, juillet-août 2011, (http://www.ined.fr/fr/ressources_do...).

 Pison G, 2011 – «  Sept milliards d’êtres humains aujourd’hui, combien demain ?  » Population et Sociétés, octobre 2011, 482 : 1-4 (http://www.ined.fr/fr/ressources_do...).

 Vallin J et Caselli G, 2004 – «  Les projections de population mondiale des Nations unies  ». In Caselli, Vallin, Wunch (eds.) Démographie : analyse et synthèse, volume V, chapitre 77, Institut national d’études démographiques, pp 339-403.

 Lire dans l’encyclopédie

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  • Jean Michel Bélorgey, Migrations,, N° (68) , Juin 2008.
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