Croissance verte et transition sociale

17 août 2011

Résumé

L’accélération du changement climatique associé à la pénurie alimentaire et d’eau et au renchérissement de l’énergie, à l’horizon 2030, engendrera un risque substantiel d’un effondrement économique et politique, auprès de quoi la récession économique actuelle semblerait mineure.
Concernant les remèdes à mettre en œuvre, le lien entre la récession actuelle et les troubles qui nous attendent en 2020/30 ne saurait être plus clair :
L’enjeu aujourd’hui pour l’Europe est d’inscrire les plans de relance dans le cadre du développement d’une politique industrielle centrée sur le développement des infrastructures et des technologies propres afin de convertir notre société en économie bas-carbone capable de prévenir demain des troubles autrement plus considérables.
Les études menées en Europe et en France depuis plusieurs années déjà par le Cabinet Syndex éclairent les enjeux de la mutation de nos économies d’un double point de vue industriel et social.

Auteur·e·s

Duchesne Christian

Responsable de l’activité développement durable au Cabinet Syndex, spécialiste des études impacts emplois.


Mestre Alain

Co-responsable de l’activité développement durable au Cabinet Syndex et spécialiste des négociations internationales et des politiques européennes.


 Croissance verte et transition sociale

Les plans de relance ont été, partout dans le monde, une première occasion importante pour les gouvernements de donner une inflexion verte à leur politique économique. Au-delà de ces mesures conjoncturelles, on peut considérer les perspectives à moyen terme qui s’ouvrent actuellement en France. Il ne s’agit pas ici de détailler les modalités de la stratégie définie par le Grenelle ni d’en commenter l’opportunité, que ce soit par rapport à la continuation du modèle actuel ou par rapport à des options plus radicales de décroissance. Notre interrogation porte ici sur les conséquences économiques et sociales des choix actuels.
La question qui se pose le plus en amont sur ce thème semble être : « passer au vert risque-t-il freiner le développement économique ? ». Aborder cette question de front nous ferait sortir trop largement du cadre de cet article. Nous pouvons simplement dire qu’à l’évidence l’analyse économique pourra donner des indications mais certainement pas trancher ce débat ne serait-ce que parce qu’il n’y a aucune unanimité d’un point de vue scientifique, et plus radicalement que ces problèmes dépassent la dimension strictement économique (définition de la notion de développement et de richesse).

Bien qu’une dissension assez marquée persiste, une bonne part des analystes semble considérer positivement les perspectives ouvertes par le virage vert pour les économies développées, notamment parce que :

  • le modèle actuel montre des signes d’essoufflement et que la croissance verte pourrait jouer un rôle de « relais de croissance » et sous certaines conditions être un moyen de faire face à la désindustrialisation des pays occidentaux (développement de nouveaux secteurs, par définition peu matures et souvent riches en emploi. En outre, les emplois verts sont fréquemment non délocalisables) ;
  • les green techs semblent receler a priori des avancées technologiques potentielles importantes, pour partie diffusables à d’autres secteurs, pouvant améliorer la productivité globale de l’économie (technologie générique, à l’exemple des NTIC) ;
  • ces gains de productivité permettraient également de réduire la dépendance vis-à-vis des matières premières dont on sait que, à terme, la raréfaction imposera de toute manière une telle mutation (opportunité d’un lissage de l’impact) ;
  • le schéma général de diminution des externalités négatives (pollution) et de stimulation des externalités positives (innovations) doit être pertinent.

Mais comme l’a montré l’étude réalisée pour la Confédération Européenne des Syndicats par Syndex en consortium avec les instituts Wuppertal et Istas, la construction d’un nouveau modèle de développement durable qui respecte l’environnement et se combine avec une diminution des consommations en énergie, en eau et autres ressources naturelles pose in fine la question de la transition sociale pour assurer le passage vers une économie bas-carbone.

Croissance verte ou économie bas carbone
Il convient de ne pas restreindre le champ de la transition au nouveau modèle de croissance verte défini comme « une augmentation de la contribution des secteurs producteurs et utilisateurs de nouvelles technologies environnementales (NTE) à la croissance du PIB à tous les échelons, accompagnée de changements structurels » [1]


En effet, de nombreux secteurs industriels constituent des fondements essentiels de la transition. Ils doivent être préservés pour aller vers une économie faible en carbone mettant sur le marché de nouveaux produits innovants, plus efficaces énergétiquement et à faible émission de carbone. Aussi, est il est illusoire, inutile ou même contre-productif d’établir des distinctions, ou pire, des oppositions entre l’économie dite “verte” et l’économie traditionnelle, car des liens capitaux, de nature à la fois économique et industrielle, les relient indéfectiblement. Les nouveaux secteurs économiques “verts” dans le domaine des énergies renouvelables ne pourraient pas exister sans la participation ou les produits des secteurs industriels traditionnels ou encore les filières de dépollution, de déconstruction et de recyclage. La technologie solaire serait inconcevable sans l’industrie chimique, tout comme l’énergie éolienne le serait sans l’acier.

Ainsi, si l’industrie est indissociable de la croissance bas carbone, répondre aux défis du changement climatique nécessite des transformations profondes de notre modèle de croissance, combinant des modifications de comportement, mais aussi un processus très puissant d’innovation et de création de nouveaux produits et services, bouleversant les chaînes de valeur actuelles.
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Construire une nouvelle économie conciliant protection de l’environnement, progrès social et croissance économique exige de nouvelles formes de gouvernance des politiques publiques [2] comme des entreprises. À ce titre, la Responsabilité Sociale des Entreprises doit être partie prenante du dialogue social au sein de l’entreprise. Par ailleurs, les mutations des systèmes productifs supposent la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences d’un point de vue sectoriel et territorial.
Les salariés sont en première ligne dans les entreprises et concernés à la fois par les problématiques d’emplois et de compétences et les problématiques de dialogue social. La question du changement climatique mériterait de devenir un ferment actif pour le renouveau de la relation sociale. Il s’agit plus concrètement de favoriser l’émergence de véritables politique et pratique de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Cela passe par une évolution forte de la gouvernance des entreprises, en permettant notamment à la partie prenante interne – les salariés et leurs représentants – d’avoir une démarche réelle d’anticipation et de disposer d’un droit d’intervention dans la gestion quantitative et qualitative des ressources humaines. Or, aujourd’hui, force est de constater que les pratiques de GPEC s’organisent de manière plutôt défensive autour des moments intenses et plutôt dramatiques que sont les restructurations.

 Croissance verte et enjeux sectoriels

Les travaux prospectifs [3] réalisés, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, à la demande des organisations syndicales CFDT et CGT dessinent les contours des mutations induites par la mise en œuvre des politiques et mesures liées aux enjeux du changement climatique. Toutefois, il faut bien le reconnaître, il est parfois bien difficile de séparer, au sein des dynamiques sectorielles, ce qui ressort en propre de l’impact sur l’emploi des mutations structurelles des industries [4], des mutations liées aux engagements du Grenelle et au renforcement de la contrainte carbone.
Par ailleurs, il convient de rester prudent quant aux résultats de ces travaux. Les dynamiques sectorielles ne doivent pas être interprétées de manière par trop mécaniste. Les incertitudes liées à l’horizon de sortie de la crise, aux évolutions technologiques, comme aux logiques d’acteurs sont de nature à modifier profondément les dynamiques sectorielles de l’emploi.
Ainsi, pour l’industrie automobile, le développement du véhicule propre serait de nature à créer, dans la filière motorisation, plus d’emplois qu’il n’en détruirait. Toutefois, les logiques d’organisation et les performances de marché des constructeurs automobiles européens peuvent conduire à des résultats bien différents.
Cela dit, il apparaît clairement que, pour certaines industries, la mise en œuvre des mesures du Grenelle par rapport à une trajectoire « sans Grenelle » est créatrice nette d’emplois, conférant de la sorte une vertu anticyclique au Grenelle, comme l’illustrent les résultats de l’évaluation économique du Grenelle réalisée par l’équipe d’Erasme. [5]

Tableau 1 : Typologie des dynamiques de l’emploi par industrie
Les dynamiques de l’emploi
Les industries
Menace sur l’emploi dans les industries

confrontées à la contrainte carbone

Raffinage, sidérurgie, cimenterie,

chimie (amoniac-acide nitrique-noir

de carbone-chlorochimie-pétrochimie),

tuiles et briques

Croissance modérée de l’emploi dans le

secteur énergétique

Production d’électricité, transport de

gaz, chauffage urbain

Mutation des emplois dans les industries

au cœur de la transition vers une

économie bas-carbone

Automobile

Croissance de l’emploi dans les industries

de biens d’équipements

Industrie ferroviaire, industries des

équipements mécaniques et électri-

ques, industrie du verre et des mat-

ériaux d’isolation

Du point de vue des dynamiques d’emploi, les industries étudiées se regroupent en quatre catégories :

a. Menace sur l’emploi dans les industries confrontées à la contrainte carbone

  • Raffinage.
    • Exposée au risque de fuite de carbone, l’industrie du raffinage bénéficiera finalement de quotas d’émissions gratuits jusqu’en 2018, mais la contrainte carbone sera intégrée dans les programmes d’investissements (peu de marge de manœuvre en terme d’efficience énergétique et retard français dans le domaine).
    • 600 à 1000 emplois détruits parmi les compagnies pétrolières d’ici à 2020 (4 à 7% des effectifs actuels) et autant d’indirects, soit au total entre 1 200 et 2 000 emplois détruits.
  • Sidérurgie
    • Protégée jusqu’en 2018 par l’octroi de droits d’émissions gratuits, la sidérurgie française est exposée à une incertitude forte tenant à la possible négociation d’accords internationaux sur les émissions.
    • Environ 5 000 emplois détruits d’ici 2020 (soit -8%), concentrés sur la phase à chaud (20 % à 50 % d’emplois détruits suivant le déploiement ou non des technologies CCS (captation et stockage du CO2) ; sites de Dunkerque, Florange et Fos-sur-Mer). En cas de passage brutal à des impératifs bas carbone, ce chiffre serait plus que doublé.
  • Chimie
    • Impact du Grenelle et du paquet climat difficile à évaluer : contexte de crise, restructuration entamée depuis plusieurs années en France à cause d’un effritement de la compétitivité (coûts de production élevés, croissance faible du marché désormais mature). Le risque principal est concentré sur l’augmentation des coûts des matières premières et des énergies, dans un contexte où les marges de manœuvre sont limitées. Ces augmentations peuvent pousser les acteurs à accélérer la restructuration partielle des sites français les moins efficients voire leur fermeture pure et simple.
    • Opportunités de créations d’emplois dans la chimie verte et la chimie durable, sous contrainte d’investissements en recherche fondamentale, d’une refonte plus générale du dispositif de recherche et de la formation. Elles ne devraient toutefois pas compenser les tendances structurelles de destructions d’emplois
    • Poursuite des tendances actuelles : 3 000 à 4 000 emplois détruits d’ici 2020 (soit -5% à -8%) avec une possible accélération des restructurations.
  • Ciment
    • Secteur gros émetteur de CO2, il devrait être exempté de mise aux enchères de quotas, sous contrainte que les sites français restent parmi les installations européennes les moins émettrices (ce qui devrait être le cas, leurs émissions étant proches de l’optimum technique actuel). Le secteur cimentier est mature et oligopolistique - i.e. rentable. Surcapacités européennes qui deviendront plus sensibles à partir de 2015 (post effet Grenelle) ; l’incertitude sur les coûts à venir peut s’avérer dissuasive pour de nouveaux projets.
    • Environ 300 emplois détruits d’ici 2020 (soit -6%).
  • Papier-carton
    • On attend sur ce secteur des fermetures de sites dictées essentiellement par une logique de marge. Pas de rupture technologique attendue mais des évolutions incrémentales d’économie de CO2, et surtout, on anticipe des économies dans l’usage du papier, d’où un déclin de la production et de l’emploi en France, accéléré par des gains de productivité. Parmi les opportunités qui pourraient amortir ce recul, l’émergence possible d’une chimie verte papetière.
    • 14 000 emplois détruits d’ici 2020 (soit -20%).

b. Le secteur énergétique : une croissance modérée de l’emploi

  • Production d’électricité
    • Ponctuellement on pourrait assister à la création d’un nombre important d’emplois avec l’actuelle phase d’investissement énergétique. A terme les perspectives sont plus équilibrées. D’un côté, on attend la concrétisation de certains projets dans le nucléaire, la création d’emplois dans les unités de cycle combiné à gaz [6] devrait compenser les pertes dans les centrales au charbon, et l’éolien devrait générer quelques milliers d’emplois de maintenance et d’exploitation. D’un autre côté, les efforts d’efficience énergétique et le renchérissement des prix devraient conduire à une baisse de la consommation d’électricité.
    • Quelques milliers d’emplois créés.
  • Transport de gaz
    • Là encore deux tendances contradictoires sont à l’œuvre : l’efficience énergétique devrait impliquer une baisse de la consommation de gaz naturel (estimée par le Grenelle à -2,7% par an) ; mais par ailleurs d’importants investissements sont d’ores et déjà prévus et le durcissement des contraintes de sécurité (exigences de gestion sûre du réseau) devraient créer de l’emploi.
    • Création d’environ 150 emplois d’ici 2020 (soit +5%).
  • Chauffage urbain
    • Le mix énergétique envisagé officiellement (94% d’énergie renouvelable à horizon 2020 contre 30% en 2012) induit une extension des réseaux, qui se doublera d’une rénovation des réseaux existants. Les perspectives sont donc positives mais le développement effectif du chauffage urbain dépendra dans une large mesure de la continuité dans le volontarisme politique (tarifs d’achat de l’électricité, fonds chaleur renouvelable, taux réduit de TVA…) qui favorisera la réalisation des projets dont la rentabilité est encore à l’étude. Le développement de l’activité et de l’emploi tiendra également à l’effort de formation – un goulet d’étranglement, notamment dans les services en aval (au plus près des clients finaux) pourrait bloquer la dynamique.
    • Création de 4 000 à 5 000 dans l’exploitation des réseaux.
    • Devraient s’y rajouter 10 000 à 15 000 emplois dans les services énergétiques en aval (service auprès des clients finaux).

c. Mutations des emplois dans les industries au cœur de la transition vers une économie bas carbone : le cas de l’automobile

  • L’industrie automobile est manifestement à l’aube d’un profond bouleversement. Architecturée autour du moteur thermique, les contraintes tant écologiques qu’économiques (prix du pétrole) la contraignent à une mutation vers les véhicules électriques et hybrides. Un dissensus persiste toutefois sur le taux de pénétration de ces nouvelles motorisations. Les véhicules hybrides pourraient connaître des taux de pénétration à deux chiffres à horizon 2020 ; pour les véhicules 100% électriques, la part de marché ne devrait pas dépasser les 2 à 5% à cette échéance.
  • Le thermique devrait donc conserver une place prépondérante, même s’il ne fait pas de doute que l’activité de la filière doive fléchir. Selon Syndex, les pertes d’emplois industriels seraient comprises entre 150 et 900 à l’horizon 2015, et entre 4 000 et 8000 à l’horizon 2030. Elles dépendront du volontarisme industriel sur la filière, du renforcement de coopérations entre acteurs du groupe motopropulseur, de la continuation ou pas du mouvement de délocalisation, du soutien à la R&D et du développement de nouvelles technologies de combustion, de l’évolution de la productivité à l’issue de la crise.
  • La substitution de moteurs thermiques par des moteurs alternatifs devraient toutefois pouvoir compenser tout ou partie de ces destructions d’emplois, d’autant que cette activité étant moins mature, son contenu en emplois pourrait être plus élevé. La problématique économique est la suivante en France : bonnes représentations du savoir-faire mais peu de capacités industrielles à ce jour (moteur électrique et batteries). L’enjeu est la création d’une filière – l’intervention de la puissance publique paraissant indispensable, notamment pour mobiliser les sous-traitants pour qui la mutation sera plus difficile que pour les grands acteurs. Les créations d’emplois industriels sont estimées dans une fourchette allant de 2 150 à 10 375 à l’horizon 2015, de 10 700 à 21 300 à l’horizon 2030. Ces créations d’emplois feraient donc plus que compenser les destructions sur le thermique.

d. Croissance de l’emploi dans les industries de biens d’équipement

  • Industrie des biens d’équipement à destination des énergies renouvelables.
    • Le scénario du Grenelle apparaît comme un scénario de rupture énergétique : d’ici à 2020, baisse de la consommation totale d’énergie de 0,3% par an, plus marquée sur le charbon (-3,9% par an), le pétrole (-1,3% par an), le gaz (-0,7% par an), l’électricité et les énergies renouvelables étant attendues en hausse (+0,3% et +4,5%). Cette évolution attendue est donc clairement favorable à l’industrie des biens d’équipement à destination des énergies renouvelables (éolien, appareils de chauffage au bois, photovoltaïque, pompes à chaleur, solaire thermique…).
    • Création d’environ 20 000 emplois d’ici 2020, soit une multiplication par quasiment 7.
  • Industrie des biens d’équipement et de chauffage
    • D’un point de vue conjoncturel, l’effet « crise » devrait être compensé par un effet Grenelle. Du point de vue du contenu de l’activité, les évolutions sont complexes, avec des changements majeurs dans les métiers (PAC, solaire thermique, chaudière à bois) et des déplacements de l’emploi d’un métier à l’autre (baisse sur le fioul ou le pétrole liquéfié, hausse sur le solaire thermique). D’ou un enjeu de transitions entre métiers pour les salariés de cette industrie.
    • Création de près de 3 000 emplois à l’horizon 2020 (+23%).
  • Construction ferroviaire
    • Le Grenelle a été relayé par le plan de relance en matière d’investissement dans le transport ferré, les opportunités sont donc importantes.
    • Création de 1 000 emplois liés au marché intérieur (soit +14%) et 30 000 pour les infrastructures (soit +75%) d’ici 2020.
  • Industrie électromécanique
    • Le Grenelle met l’accent, comme le plan climat énergie de l’Union Européenne, sur l’efficience énergétique et le développement des « smart grid » (réseaux électriques intelligents) : optimisation des procédés industriels en développant des procédés et des équipements qui permettent de limiter drastiquement l’impact des activités économiques sur l’environnement et de réduire la consommation d’énergie et de matière.
      Les « smart grids » visent à préparer le passage à un réseau électrique décentralisé et intermittent, et, à moyen terme, de transformer la gestion de l’énergie des bâtiments (compteurs intelligents, domotique,…)
    • Création en moyenne de 40 000 emplois sur la période 2010-2020.

 Croissance verte : compétences et emplois, des enjeux forts et différenciés

Du point de vue des dynamiques de l’emploi, l’étude fait apparaître que la transition vers une économie bas-carbone aura souvent une incidence sur l’ensemble des métiers et des fonctions au sein des entreprises (R&D, conception/innovation, management, encadrement de proximité, techniciens/opérateurs…). Aussi, l’offre de formation doit-elle être en mesure de répondre à plusieurs enjeux :

  • élargir le champ des compétences des métiers « traditionnels » ;
  • intégrer la complexification et la montée en compétences des métiers comme la maintenance, l’expertise, l’ingénierie, le contrôle qualité… ;
  • reconvertir les métiers en obsolescence technologique.

L’AFPA (association nationale pour la formation professionnelle des adultes) a réalisé une première estimation quantitative et qualitative de l’impact de l’évolution réglementaire liée au développement durable par domaine (construction, électronique, réparation automobile, transports, etc.) en partenariat avec les branches professionnelles et d’autres partenaires comme le Centre d’analyse stratégique(CAS) [7].

Ce travail aboutit à une première matrice d’impact convergente avec nos propres travaux, qui fait clairement apparaître l’enjeu global en termes de formation professionnelle. La transition bas-carbone ne se résume pas à l’émergence de quelques nouveaux métiers (diagnostic énergétique par exemple), mais transforme fondamentalement les métiers de l’ensemble des industries. Ce qui suppose, comme le souligne l’AFPA de repenser l’offre de formation actuelle dans un environnement institutionnel complexe et segmenté.

Travailler l’articulation entre croissance verte et emplois/compétences répond à deux enjeux inversés mais réconciliables :

  • mettre à disposition de la nouvelle croissance les ressources humaines dont elle a besoin ;
  • intégrer par anticipation la question des effets collatéraux défavorables sur certains emplois de façon à réconcilier le plus possible politique de l’emploi et croissance verte.

Cette articulation se travaillera dans des temps différents :

  • parce que la mutation recherchée exige une rupture forte sur le fond, qui nécessite de s’inscrire dans le long terme. Toutefois, sa mise en œuvre se fait progressivement : elle a déjà produit certains effets qu’il convient de prendre en compte dès à présent et d’autres viendront, qu’il s’agira d’intégrer progressivement ;
  • parce que le temps dans lequel s’inscrivent les différents acteurs, de façon naturelle et légitime, n’est pas le même : l’État peut s’inscrire dans des politiques à long terme qui prennent en compte le renouvellement générationnel, les salariés sont légitimement préoccupés par le temps qui leur reste au niveau professionnel, les entreprises peuvent, dans certains cas, s’inscrire dans des stratégies à moyen et long termes, mais anticipent rarement la question des emplois et des compétences au-delà de trois ans et s’inscrivent donc davantage dans le court terme.

Dans ce cadre, la sécurisation des parcours professionnels apparaît la question-clé de la transition vers une économie bas-carbone.
Pour l’essentiel, les emplois industriels concernés font référence à des métiers pour lesquels l’offre de formation existe aujourd’hui. Toutefois, pour les salariés, la question de la transférabilité des compétences individuelles et le défi de la substituabilité entre les emplois de filières technologiques produits-process différentes demeurent. La reconnaissance de cette transférabilité inter-filières au sein de l’industrie concourt à la sécurisation des parcours professionnels des salariés dans le cadre des mutations sectorielles et intersectorielles.

Il y a donc un enjeu sociétal à articuler et surtout éviter que ne s’opposent croissance verte et sécurisation des parcours professionnels, en intégrant dès l’amont la question de l’emploi lorsqu’elle est posée. Différents dispositifs existants peuvent être mobilisés dans ce but :

  • l’analyse prospective de l’emploi et des compétences au niveau des filières ;
  • l’organisation de la formation initiale et tout au long de la vie ;
  • l’anticipation et l’accompagnement des mutations territoriales ;
  • l’effort de formation des entreprises et le dialogue social qui l’accompagne.

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Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Croissance verte : l’économie du futur, Conseil économique pour le développement durable, rapport de Patricia Crifo, Michèle Debonneuil et Alain Grandjean, novembre 2009.

[2À ce titre, l’article 42 précise de la loi Grenelle1 précise : « L’État prendra les mesures nécessaires pour que les projets de loi soient présentés avec une étude d’impact des dispositions législatives projetées tant économiques et sociales qu’environnementales. »

[3SYndex-Alpha, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie impactés par le Grenelle de l’environnement et l’évolution du système ETS d’échange et des droits d’émission des gaz à effet de serre.
Collection « RéférenceS » du Service de l’Économie, de l’Évaluation et de l’Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD)- Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie dans le contexte d’une économie verte

[4Cf. Livrable I, octobre 2009.

[5Résultats de l’évaluation économique du Grenelle de l’environnement par le modèle Nemesis, groupe de travail Scénarios énergétiques, Conseil d’analyse stratégique, novembre 2009, équipe Erasme, Ecole centrale Paris, B. Boitier, A. Fougeyrollas, O. Gharbi, P. Le Mouël, P. Zagamé.

[6Les centrales électriques à cycle combiné sont des centrales qui contrairement aux centrales dites à cycle ouvert, ont un meilleur rendement. La chaleur liée à la combustion du gaz est récupérée et sert à faire alimenter une seconde turbine cette fois ci à vapeur et non à gaz comme la première turbine.

[7L’impact du développement durable sur les qualifications et la formation, AFPA,-document de travail, novembre 2009. Présentation au COE ? du 29 novembre 2009.

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 Bibliographie

« Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie impactés par le Grenelle de l’environnement et l’évolution du système européen ETS d’échange des droits d’émission des gaz à effet de serre dans le contexte d’une économie verte » SYndex-Alpha, Collection « RéférenceS » du Service de l’Économie, de l’Évaluation et de l’Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD). http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Ref-GPECb.pdf

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