Les principes fondateurs de ce XXIème siècle, conditions nécessaires au changement à opérer pour le développement durable
Résumé
Répondre de manière équitable et durable aux besoins alimentaires, énergétiques et sanitaires et culturels de l’ensemble des populations tout en préservant l’environnement est possible à condition d’opérer un profond changement. C’est une métamorphose civilisationnelle que doit porter le XXIème siècle. Elle doit s’appuyer sur des fondements solides : solidarité, équité, durabilité, découlant de l’impératif de responsabilité. Il s’agit ici d’effectuer une mise en perspective qui situe la conférence de Rio de 2012 dans un cadre de long terme.
Cet article s’appuie sur la note de décryptage réalisée par l’Association 4D pour éclairer les enjeux lors de la conférence de Rio.
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La note de décryptage et sa synthèse ont été réalisées par :
Miriam CANGUSSU TOMAZ GARCIA, Emeline DIAZ, Vaia TUUHIA, Geneviève VERBRUGGE, Pierre RADANNE
« Depuis le continent africain, berceau de l’humanité, et à travers le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable et la présente Déclaration, nous nous déclarons responsables les uns envers les autres, responsables envers la communauté des êtres vivants en général et responsables envers nos enfants. » Déclaration de Johannesburg sur le développement durable |
L’humanité doit aujourd’hui prendre ses responsabilités : son mode de développement a rompu les équilibres essentiels entre l’Homme et les écosystèmes, mettant en péril à la fois la viabilité de sa planète et la survie de milliards de personnes et d’espèces vivantes. L’entrée dans l’anthropocène, depuis que l’influence de l’Homme sur le système terrestre est devenue prédominante, implique de redéfinir l’intérêt général au niveau de l’ensemble de l’humanité, ce qui implique à la fois le respect des droits universels actuels et la formulation de droits et devoirs nouveaux [1] .
Cela va au-delà de l’application effective du « principe de responsabilités communes mais différenciées » de la Conférence Rio-92. Il s’agit de reconnaître la responsabilité des impacts des politiques et des actes des différents acteurs, en fonction de leur capacité d’action, et d’en faire un fondement du droit international. Cela pose le principe éthique d’une responsabilité d’agir proportionnelle à son avoir, à son pouvoir ou à son savoir. Cela concerne aussi bien les individus que les personnes morales. Une stabilisation globale des équilibres, quels qu’ils soient, ne sera donc garantie que par l’engagement de tous, dans le respect solidaire d’objectifs équitablement fixés et respectés. De cette prise de conscience découle des exigences fondamentales, dont la matérialisation permettra d’avancer vers de nouveaux modèles de développement. Ce qui doit orienter nos vies en termes de droits et devoirs est notre inscription individuelle et collective dans une vision planétaire, où global et local sont indissociables, tout en respectant la diversité culturelle et naturelle.
La reconnaissance juridique d’une responsabilité universelle
Résoudre ces questions planétaires passe par la reconnaissance préalable et unanime d’une « responsabilité universelle » de tous. Cette acceptation fondamentale des devoirs qui incombent dorénavant à l’humanité découle du fait des déséquilibres qu’elle a créés. Cette responsabilité universelle devra être inscrite dans une charte prolongeant les textes fondamentaux des Nations Unies comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Il s’agira de développer une solidarité multiple, à la fois entre les Etats, au sein des Etats, et envers la planète. |
Jusqu’à maintenant, tous les enjeux d’ampleur planétaire -la faim, la protection sociale, les grandes épidémies…- sont autant de défis que les pays ont essayé de résoudre par eux-mêmes dans un cadre national, parfois soutenus par la coopération internationaux mais sans réelle solidarité internationale. Or, un constat clair doit être tiré des décennies précédentes : les enjeux globaux, posant des problèmes de plus en plus nombreux à résoudre, ne peuvent se contenter d’une gestion nationale. Seules la solidarité, la collaboration et la coordination au niveau international permettront un partage plus équitable du pouvoir et des richesses. Cela dépasse de loin une conception utilitariste du développement durable, fondé seulement sur la régulation des marchés dans la « durabilité » par des instruments monétaires et fiscaux.
Le développement durable fait appel à trois types de solidarité :
* Dans le temps
Cette solidarité « intergénérationnelle » fut soulignée par le rapport Brundtland. Dans cette optique, il s’agit d’une forme de développement « respectant le taux de renouvellement de la ressource dans le cas d’une ressource renouvelable et prévoyant un échéancier de remplacement de la ressource dans le cas d’une ressource non renouvelable » (Claude Villeneuve). Elle implique également la conservation des ressources génétiques et le maintien de la diversité biologique, d’où l’adoption de la Convention sur la biodiversité. Mais, à cette « solidarité diachronique avec les générations futures » s’ajoute une « solidarité synchronique avec nos contemporains », (celle que vise l’expression « répondre aux besoins du présent » de la définition Brundtland), qui elle-même recouvre toutes les populations dans leur répartition géographique ou leur situation sociale. Ce qui induit les deux autres types de solidarité.
* Dans l’espace, une solidarité internationale et, plus largement, « interterritoriale ».
Il s’agit ici des rapports pays développés/pays en développement : le développement durable appelle une modification profonde des modes de développement dans les pays industrialisés. Il établit enfin une relation telle que l’ampleur des modifications accomplies dans le Nord conditionne à la fois le développement du Sud et la préservation globale de l’environnement. Mais il s’agit aussi de solidarités ville/campagne, ou de solidarités entre niveaux territoriaux afin d’assurer la cohérence du développement de plusieurs niveaux de territoires emboîtés les uns dans les autres.
* Solidarité au regard des inégalités sociales
Cette nécessité de solidarité s’ajoute aux précédentes, et cela d’autant plus qu’il existe dans les pays en développement des classes dirigeantes aux modes de vie proches de ceux des pays industrialisés, et qu’à l’inverse, se banalisent dans ces pays notamment dans les banlieues de leurs villes, des situations de grande pauvreté et d’isolement.
Le changement climatique est la 1ère question à solidarité obligatoire de l’histoire humaine. C’est l’enjeu qui, par excellence, ne pourra être résolu sans gestion planétaire solidaire et concertée. En effet, avant l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère depuis le milieu du XIXème siècle, le climat était relativement stable, réglé par les cycles naturels. Maintenant qu’il change, du fait de l’activité humaine, son évolution dans chaque pays ne résulte plus des politiques qui y sont menées, si efficaces soient-elles, mais des choix et des pratiques de l’ensemble des pays du monde. Dès lors, la politique d’un pays pour stabiliser son climat ne peut voir son efficacité garantie qu’avec l’engagement simultané et équitable de tous les autres pays. Une chaîne de solidarité qui s’applique aussi à chaque parcelle de territoire. Il s’agit là d’un bouleversement considérable dans l’histoire humaine. Le changement climatique est la figure de proue qui préfigure ce à quoi d’autres enjeux seront maintenant exposés.
Une obligation de solidarité qui s’élargit à de plus en plus d’enjeux
Nous sommes de plus en plus confrontés, du fait de la mondialisation, à d’autres questions elles aussi à solidarité obligatoire. Il en est ainsi :
- des crises financières, dont la solution échappe aux seules autorités nationales,
- de la mise en place de fiscalité et de systèmes de protection sociale dans des économies en concurrence est de plus en plus vive,
- de l’accès aux ressources rares,
- de la lutte contre la dégradation de la biodiversité, de la dissémination des produits chimiques et déchets toxiques,
- de la gestion des maladies pandémiques…
Dès lors, la réduction des inégalités est indispensable pour obtenir les accords politiques des pays et ainsi faire preuve d’une solidarité effective multiple, entre le Nord et le Sud, entre les territoires et entre les populations. Cette solidarité constitue un principe fondamental à la fois à l’échelle internationale et au sein des pays, afin de réduire les écarts de richesse et de réintégrer dans les sociétés des pans entiers de populations marginalisées.
La solidarité de l’Homme vis-à-vis de sa planète doit se manifester par une reconnaissance de la finitude des ressources et de la nécessité de protéger nos écosystèmes ainsi que les autres êtres vivants L’Homme ne peut plus être la seule mesure de toute chose. D’abord parce que s’imposent à lui des limites tangibles, ensuite parce que les interdépendances accrues par la mondialisation rendent nécessaire la co-responsabilité.
La solidarité, enfin, renvoie à la nécessité d’accepter le fait de gérer les biens communs de manière concertée, et donc de mettre en place des systèmes de régulation entre Etats. Cela suppose un changement radical dans la conception de la notion de souveraineté nationale et des prérogatives régaliennes.
De cette impérieuse nécessité de construire une vision de l’intérêt général de l’humanité, qui place le respect des droits humains, des écosystèmes, de la diversité culturelle, ainsi que la participation démocratique et la coopération au cœur des valeurs, il convient de s’accorder sur la définition des biens communs, notamment globaux, en s’assurant que leur gestion obéisse à des principes supérieurs aux règles de concurrence. Leurs caractéristiques varient. La connaissance, la culture, l’éducation, internet… ne souffrent pas de la rareté. Ce que nous considérons comme des ressources ou milieux naturels, tels que l’eau, les sols, l’air,… ne sont eux pas inépuisables pourtant l’économie ne leur accorde actuellement aucun prix.
Cette question des biens communs est fondamentale pour dégager de nouveaux principes d’intérêt général qui prenne le pas sur les règles de concurrence qui dominent aujourd’hui le droit en économie.
* Les biens communs à la qualité de la vie
Les biens communs sont omniprésents dans les sphères sociales, naturelles, culturelles et numériques. En voici une typologie parmi d’autres :
- les milieux naturels (la terre, l’air, la mer, la forêt…) ;
- les ressources naturelles vitales qu’on utilise pour se nourrir ou se soigner (le patrimoine génétique des plantes, les sols, l’eau…) ;
- les vecteurs de la connaissance ou de l’apprentissage (la lecture, l’écriture, le patrimoine culturel public, les savoirs traditionnels…) ;
- les vecteurs relationnels (le langage, la musique, les codes, internet…) ;
- les modes de production inclusifs (la production en coopération)…
La diversité des communs nourrit un concept large mais avec souvent une perception partielle. Ainsi s’expriment séparément ceux qui s’intéressent aux ressources naturelles et ceux qui se concentrent sur les enjeux culturels et numériques. Les biens communs sont autant des dons de la nature que des productions de l’homme, immatériels ou matériels. Ils se caractérisent par l’accès à leur usage et non leur simple valorisation marchande. Ils privilégient l’apprentissage de la coopération plutôt que la concurrence, favorisent l’autogestion comme la co-construction de règles et leur application par les usagers ou encore les technologies ouvertes, développées et contrôlées en commun, plutôt que les technologies propriétaires qui tendent aux monopoles et limitent l’accès. Ce sont là des ressources communes à tous, personne ne devrait se prévaloir de leur propriété.
* Des formes spécifiques de propriété et de gouvernance
Les biens communs se caractérisent surtout par les garanties de droit d’accès et les formes spécifiques de propriété et de gouvernance qu’ils permettent. Cela inclut une gestion durable des ressources. A l’inverse, la rationalité économique actuelle conduit souvent à pousser des individus qui se partagent un bien public en commun, sans propriété et donc sans responsabilité individuelle, à le surexploiter. Dans une approche par les biens communs, le cadre collectif de décisions de « communautés » se manifeste au plan de la gouvernance et du rôle des usagers. Est mise en avant une approche démocratique qui privilégie un processus bottom-up. Les biens communs sont des éléments de la nature ou des biens produits, entretenus, partagés par des communautés d’usagers qui adoptent des règles collectives. Ces communautés de nature diverse s’inscrivent dans une responsabilité de l’ensemble de la société, notamment dans le cadre des Etats. La préservation des communs globaux, l’atmosphère, les océans, la biodiversité ne peut être envisageable sans accords intergouvernementaux qui s’appliquent à tous. Pour autant tout ne s’arrête pas au clivage public/privé et le concept de possession pour usage est différent de la propriété exclusive usuelle.
Les biens communs sont constitués de trois composantes fondamentales : les ressources, les individus, et enfin les règles et normes qui les relient.
- La première composante est matérielle : ce sont les ressources proprement dites (eau, terre, code génétique, connaissances, techniques culturelles…) ainsi que le temps et l’espace (l’atmosphère) dont on dispose.
- La deuxième composante est sociale : les êtres humains qui bénéficient de ces ressources dans des conditions sociales définies. Grâce aux connaissances et techniques développées, les communautés utilisent ces ressources, produisent des innovations, et les transforment en biens communs.
- La troisième composante est régulatrice : les règles et les normes qui régissent le rapport aux biens communs. A partir de son rapport aux ressources, la communauté définit des règles et des normes négociées, souvent au fil d’un processus conflictuel.
Cette gestion des biens communs induit un partage durable et équitable des ressources de la planète et l’adhésion de chacun à la construction de nouvelles voies de développement.
* Une vision pour une autre durabilité
Une prise en charge des solutions par des systèmes de gouvernance proches des populations serait plus facile et moins coûteuse que via un processus centralisé, à distance, à la fois chronophage et parfois générateur de conflits. Différents systèmes de ressources communes durables, auto-organisés et autogouvernés par les communautés locales témoignent que partout dans le monde, des collectivités savent gérer - de manière économiquement optimale - des biens communs, à travers des arrangements collectifs. Cela permet alors de parer, par une gestion collective, à l’érosion des écosystèmes, de garantir des services comme la santé ou l’énergie qui souffrent d’une régulation par les marchés, de développer des productions immatérielles à travers les licences libres.
À côté de la gestion par des droits de propriété individuels ou par l’État, existe ainsi un autre cadre institutionnel efficace dans lequel des communautés gèrent des biens communs. Les communs témoignent que loin de supprimer la possibilité d’échange et de création, l’autogestion des biens communs est source de richesse et d’équité. Les biens communs ont été à nouveau mis en avant après l’attribution du prix Nobel d’économie à Elinor Ostrom. De plus en plus de citoyens réalisent que la biodiversité, la diversité culturelle ou les réseaux sociaux sont le résultat d’une gestion des communs par les « usagers ». Les nouvelles technologies ouvrent la voie à des formes de coopération et de concertation, qui donnent d’autres perspectives en termes de connaissance, de culture ou de co-construction.
L’adaptation de nos sociétés au fait que nous ayons atteint les limites de la planète passera par l’optimisation de l’utilisation des ressources naturelles. Ce doit être la valeur centrale du XXIème siècle, tant sur le plan moral, personnel, culturel, technologique, économique que financier. Cela implique également la sobriété et le partage dans l’usage de ces ressources. Il faudra obtenir de chaque ressource énergétique, minérale ou issue de l’activité biologique de la planète, le meilleur usage possible au service de tous. Certaines actions humaines conduisant à des irréversibilités, la préservation des ressources naturelles irremplaçables doit conduire à de changements profonds d’usages.
Ce sera une condition de la cohésion sociale dans chaque pays et celle de la paix dans le monde. Mais, pour cela, chaque pays devra accepter de s’engager dans une voie permettant cette optimisation de l’utilisation des ressources. Cela implique la réduction de l’empreinte écologique avec une tarification progressive en fonction de la consommation des ressources naturelles et une rétribution des services écosystémiques. Or, ceci ne pourra se faire sans la promesse en contrepartie d’un développement économique et social pour les pays les plus pauvres, et la reconnaissance que chaque pays ne pourra avoir le même effort à fournir. Le développement durable constitue une démarche, un processus d’évolution, une dynamique bien plus qu’un ensemble de normes à atteindre. Il s’agit de repenser les modes de production et de consommation à partir d’une nouvelle éthique. C’est aussi rechercher ce qui offre le meilleur résultat du point de vue des trois composantes : économique, sociale et écologique. Avoir une économie qui se développe, assurer aux hommes et aux femmes des conditions de vie meilleures et disposer d’une nature préservée. Ce qui renvoie en fait à la question, centrale, de l’équité.
Une approche par les droits Terre - Mère (Proposition du G77, à l’initiative de l’Equateur) . |
Déclaration Universelle des Droits de la Terre « Nous faisons tous partie de la Terre Mère, une communauté de vie indivisible composée d’êtres interdépendants et intimement liés entre eux par un destin commun. Toutes les formes d’exploitation, d’utilisation abusive et de pollution ont causé d’importantes destructions à la Terre Mère. » Pour garantir les droits humains il est nécessaire de reconnaître et de défendre les droits de la Terre Mère :
Nous appelons l’Assemblée générale des Nations Unies à l’adopter comme objectif commun de tous les peuples et nations du monde. » |
Lorsque les Conventions de Rio furent adoptées, les groupes de pays des Nations Unies avaient en interne des situations économiques relativement homogènes et avec entre eux des intérêts clairement différents. Ainsi, le principe 7 de la Déclaration de Rio sur la « responsabilité commune mais différenciée » relatif à la dégradation de l’environnement global et les différences de traitements juridiques répondaient aux réalités d’alors - niveaux de richesse et de développement et taux d’émissions de gaz à effet de serre notamment -. Avec un découpage apparemment simple entre pays de l’OCDE et pays en transition d’une part et pays en développement d’autre part, et des obligations spécifiques différentes.
Maintenant, émergent de nouvelles typologies entre des pays « développés » ayant des écarts croissants d’objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, et de niveau de soutiens financiers et technologiques, et des pays en développement dont les situations se diversifient considérablement. La montée en puissance des pays émergents ou des pays pétroliers a rebattu les cartes et implique des différences de statut entre pays en développement. Par conséquent, une différenciation unique entre ces deux catégories de pays n’est plus valide.
Dans ce contexte, le principe de « responsabilité commune mais différenciée », s’il exprime une appréciation ambitieuse de l’équité, n’est pas sans générer de grandes difficultés d’application au plan du droit au développement, des soutiens financiers attendus, de la nécessité de réduire les émissions, de réparer les dégradations de l’environnement ou au plan de l’acceptation du niveau de responsabilité, passé et futur, des Etats.
Les nouveaux modèles de développement devront, pour être viables et acceptés, être basés sur l’équité, à la fois dans la répartition des soutiens et quant au niveau d’actions attendu de chacun. La reconnaissance de ce besoin d’équité et de l’importance, toujours, de concilier environnement et développement économique et social - les trois composantes se nourrissant et se renforçant mutuellement - sera la condition de l’acceptation sociale et démocratique de l’avancée vers de nouvelles voies de développement.
Rendre effectifs ces principes sera sans aucun doute complexe car cela nécessite une transformation profonde de nos mentalités et de nos représentations. |
La dimension sociale du développement durable n’est pas un « supplément d’âme ». Elle est essentielle du fait de la liaison qui existe entre les inégalités sociales et les problèmes écologiques, et cela dans les deux sens :
- Il y a des inégalités écologiques qui sont le reflet d’inégalités sociales : dans l’accès à l’eau potable, à la nature (notamment en ville), dans l’exposition à la pollution, ou aux risques et même dans la consommation notamment une nourriture de qualité.
- Les inégalités sociales ont aussi une composante écologique, qui agit comme facteur aggravant. La crise urbaine, si lourde dans les grandes métropoles des pays les moins avancés, est avant tout la crise d’un modèle générateur d’exclusions économiques, sociales, culturelles, et producteur d’inégalités.
La dimension sociale du développement durable permet de dépasser une logique de confrontation simple entre écologie et économie. Elle réintroduit la finalité de l’économie comme celle de l’écologie et met en évidence des stratégies « de double dividende » (« win win »). Parallèlement aux externalités environnementales non comptabilisées, il y a une « externalité humaine » : l’exclusion. Le creusement des inégalités, le manque de protection sociale, l’individualisation des risques et l’incertitude quant au futur poussent vers des comportements individualistes, faute de stratégie collective lisible, ce qui alimente les tensions dans les sociétés. Moins il y a de projet collectif, plus les personnes sont renvoyées à la confrontation individuelle. Cette situation est également prégnante dans les pays en développement. Il ne peut avoir de paix mondiale et de restauration des équilibres écologiques sans justice sociale.
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Cf partie III sur les droits